Les dragons de la frontière, un western mexicain

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Vous avez une brusque envie de pistolets, de poussière et de balade à cheval ? Inutile de partir vers l’Amérique, ouvrez plutôt Les dragons de la frontière d’Harriet et Gil, une vision neuve du western.

Une troupe de soldats accompagne des colons espagnols venus s’installer à la frontière. Pour le sergent qui dirige le groupe, il est déjà assez pénible d’avancer sous le soleil et dans la poussière mais il doit supporter le jeune cadet Miguel. Quand celui-ci décide de poursuivre des indiens pour récupérer une religieuse, son devoir l’oblige à l’aider, mais il sent que cela va mal finir…

Un classique de l’ouest sauvage

Les dragons de la frontière dans le désert

Le lecteur passionné par les films retrouvera très vite les codes du western. Le convoi de colons qui ouvre la première page se trouve dans un paysage semi-désertique digne d’un film de John Ford ou de Sergio Leone. Le dessin classique d’Ivan Gil rappelle de nombreuses séries plus anciennes par le réalisme des corps et des paysages détaillés. On retrouve d’ailleurs grâce à Garluk Aguirre les couleurs vives de jaune avec quelques taches vertes de l’Ouest sauvage. Ivan Gil est d’ailleurs très doué pour l’action et emporte le récit bien plus haut. Le découpage et cadrage se rapprochent alors du comics par la mise en avant de la vitesse. Par une très belle scène de poursuite à cheval, le lecteur est pris dans l’action. On découvre même comment un furet peut sauver d’une embuscade… Ce volume se tourne autour d’un duo de soldats opposés mais complémentaires très bien écrit. On rit en effet de la lassitude du sergent devant l’impulsivité du cadet, mais aussi de l’arrogance de ce fils de la grande noblesse.

Prévue en seulement deux tomes, Les dragons de la frontière est une bande-dessinée très ambitieuse. Au départ, les Amérindiens paraissent stéréotypés. Ils courent pour avaler une grande bouteille d’alcool. Ils ne cherchent pas une attaque frontale mais utilisent des embuscades. Ils ne respectent pas les civils en enlevant une femme. Cependant, par des dialogues, la vérité se révèle bien plus complexe car le déclin de ces populations autochtones est planifié. Le vice-roi du Mexique livre de l’alcool aux Apaches pour les affaiblir pendant la guerre. De plus, la sécheresse crée des tensions à l’échelle de toute la région car chaque peuple indien, déjà en conflit depuis longtemps, fait pression sur la tribu voisine pour trouver de la nourriture. Toute cette zone frontière est au bord de l’explosion.

Une vision neuve de la conquête de l’ouest

Les dragons de la frontière et les Amérindiens

Les westerns sont très populaires dans la bd mais Les dragons de la frontière innovent en présentant l’autre côté de la frontière. Il semble que le livre se déroule avant la ruée vers l’ouest. Ce pas de côté passe par un nouveau cadre géographique en voyant le côté mexicain. Publiée par Glénat, cette bande dessinée espagnole veut réhabiliter les perdants des films états-uniens. Dans la plupart des films, les mexicains sont souvent des victimes, des tortionnaires ou des oubliés de la conquête de l’Ouest. Ces colons représentent une autre migration, les espagnols vers l’Amérique latine. Il y a également une communauté française avec des mercenaires et une religieuse qui ont quitté la Louisiane après le rachat par les États-Unis. Les uniformes des soldats sont très différents. Ce sont eux les dragons du titre car ces cavaliers sont armés d’une lance et protégés d’un bouclier.

Le cadre historique est rigoureux par les petites explications des courtes notes en bas de pages. On peut d’ailleurs saluer la traduction d’Aurore Schmid. Cette présence du passé commence par la vie quotidienne à la frontière. En raison du manque de femmes, chacune est convoitée par les mexicains et les indiens. Le veuvage ne dure donc pas. Mais le scénario de Gregorio Muro Harriet va bien plus loin. Il sort d’une vision monolithique des Amérindiens. Les Apache sont en guerre contre les mexicains mais aussi contre les Comanches alors que les Hopis, soumis aux Mexicains, sont affamés par la sécheresse. Un espagnol a été enlevé puis élevé par des Apaches, mais il hait tellement son père biologique qu’il refuse son identité mexicaine et veut même tuer tous les blancs.

Les dragons de la frontière commence comme un bon récit d’action, mais le récit se révèle bien plus riche au fil des pages. On passe d’un groupe de soldat qui accompagne des colons à une vaste géopolitique de la région frontalière. Suivez donc ces soldats dans une zone à haut risque.

Si vous aimez les westerns exotiques, nous vous conseillons de lire la chronique d’un western sud-africain ou de la vie d’un anglais enlevé par des Amérindiens dans John Tanner.