Les Chevaliers d’Héliopolis, nouveau récit ésotérique de Jodorowsky

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En compagnie du dessinateur Jérémy, l’illustre scénariste de L’Incal délaisse western et science-fiction, mais pas ses thèmes les plus chers pour publier chez Glénat un nouveau récit d’aventure à la croisée des XVIIIe et XIXe siècles français.

 

Une relecture de l’histoire française par Jodorowsky

 

A l’instar de certains disques qui préviennent le mélomane qu’il est en passe d’acquérir une œuvre dont les propos pourraient choquer son âme sensible et heurter ses oreilles bien lavées, il faut ici signaler que Les Chevaliers d’Héliopolis est un album de bande-dessinée écrit par Jodorowsky. Ce qui implique donc que l’on va y retrouver les thématiques habituelles de l’Argentin, à savoir, ésotérisme et mysticisme de pacotille, hermaphrodisme, des filles généreusement nichonnées, du sexe, beaucoup d’outrance… et j’en oublie des tonnes. Le tout se déroulant dans un contexte qui se veut historique, puisqu’on y croise Louis le seizième et sa charmante épouse Marie-Antoinette, son frère Louis XVIII, mais aussi son fils Louis XVII ainsi que l’affreux Marat ou encore Charlotte Corday. Tout cela semble effectivement très savamment documenté, mais lorsqu’on lit ce que le scénariste en fait, on change vite d’avis. A la première lecture, c’en est franchement grotesque, mais à la seconde, on s’amuse. On prend cet album pour un genre d’iconoclastie dans laquelle les auteurs s’amusent eux aussi avec des figures historiques célèbres : Louis XVI viole Charlotte Corday qui se trouve être la boulangère du palais (HA HA HA ! Ça, ça fait beaucoup rire, vu qu’elle était de petite noblesse normande, élevée dans un couvent. Sacré Jodo !)

L’histoire est donc celle de Louis XVII qui a été sauvé des révolutionnaires par un genre de Cagliostro, ici nommé Fulcanelli, à qui on a substitué son demi-frère, non seulement bâtard, mais aussi taré. Là, Jodo – plus subtil que jamais – récupère sans vergogne l’histoire du masque de fer. Comme il a été prédit au royal orphelin qu’il régnerait un jour sur un grand pays, les membres de la confrérie secrète d’Héliopolis (des alchimistes, bien sûr) vont donc s’employer à accomplir son grand destin, voire mieux.

Ceci posé, on a donc le choix entre prendre ce récit au sérieux ou à la rigolade. Si vous choisissez la première option, la lecture sera détestable et vous n’en verrez que les défauts. L’Histoire malmenée, la vulgarité et la grandiloquence de Jodo qui agacent rapidement, des dialogues surchargés d’effets, des références trop évidentes (Louis XVIII parle même de « sans dents » à un moment).

 

Un album pour les fans?

 

Il vaut donc mieux lire ce début d’épopée en prenant un certain recul. Encore une fois, c’est du Jodorowsky, il ne faut donc pas y chercher une grande finesse. Le récit est très bien rythmé et séquencé, c’est facilement lisible et on arrive au bout sans peine. Pour ce qui est du dessin de Jérémy, on ne peut que constater son aptitude à créer des décors foisonnants de qualité (on le sent d’ailleurs plus à l’aise pour élaborer le cadre dans lequel évoluent ses personnages que les personnages eux-mêmes). Mais malheureusement, comme d’habitude serais-je tenté de dire, la mise en couleur est souvent détestable. Seules les scènes de nuit sont valables. Autrement, comme d’habitude, les couleurs chaudes restent froides, tout est voilé du gris informatique qui sévit partout pour correspondre à l’esthétique des jeux vidéos, et certains dessins qui seraient sûrement excellents en noir et blanc perdent toute valeur une fois passés à la palette graphique.

Pour conclure, on peut juste dire que le premier tome des Chevaliers d’Héliopolis ravira les fans de Jodorowsky et les lecteurs qui apprécient le divertissement facile. La suite devrait leur promettre encore de belles péripéties. Pour les plus exigeants, qui souhaitent lire des intrigues respectant le contexte historique de la période Révolution-Restauration, il vaut mieux chercher ailleurs.