Avec la série Les Artilleuses, Pierre Pevel étend l’univers de sa série de romans Le Paris des Merveilles. Mêlant uchronie, steampunk et magie, il plonge le lecteur dans le Paris de la Belle Époque où les créatures de l’Outre Monde se balladent aux pieds des immeubles Haussmanniens et de la Tour Eiffel. Cet univers riche sert décrin pour nous conter les aventures d’un trio de braqueuses, magnifiquement mises en image par Willem.
Il était une fois à Paris
Paris, 1911. Depuis un siècle, le monde des Hommes a découvert celui de l’Outre Monde et désormais humains et créatures magiques coexistent dans le meilleur des mondes ou presque. Des machines volantes, des chauffeurs de taxi lutins, des faunes-mécènes arpentent les rues et le ciel de la capitale de la France ; mais aussi de redoutables gangs dont celui des Artilleuses. Elles sont trois : une humaine, une créature magique et une magicienne. Toutes excellent dans les braquages explosifs. Et après une escapade aux E.U.A, les revoilà dans la ville Lumière pour exécuter un gros contrat.
Un mystérieux commanditaire leur demande d’attaquer la Banque de Paris-Brocéliande afin de voler la sigillaire, une relique enfermée dans les coffres du respectable établissement. Rien de bien difficile pour cette équipe qui aime manier autant le pistolet que la dynamite. Mais tout se corse quand le 2ème Bureau (le contre-espionnage français), les Brigades Mobiles, les services secrets allemands se lancent à leur poursuite. Se pourrait-il que les artilleuses aient exécuté le contrat de trop ?
Les Artilleuses : immersion réussie
Pierre Pevel est un romancier de talent qui a réussi en quelques séries (Les Lames du Cardinal, Le Paris des Merveilles) à devenir une référence dans l’uchronie fantastique. L’immense défi de cette série de BD était de rendre, par l’image, grâce à toute la richesse de ses œuvres. Le dessinateur Willem, figure reconnue du 9ème art, se révèle largement à la hauteur de la tâche. Son dessin, par ses couleurs, colle parfaitement à l’univers féerique, magique où le bleu, le vert, le mauve, le rouge dominent. Son trait précis permet aux lecteurs de saisir la diversité des peuples qui cohabitent.
L’autre point positif réside dans la précision des détails et le mélange harmonieux des influences. En effet, ce 1er volume des Artilleuses multiplie les clins d’œil au Paris du début du XXème siècle et aux figures de la culture populaire que ce soit la bande à Bonot, Bertillon ou Sarah Bernard. De même, les décors trouvent un équilibre juste entre le Paris Haussmannien, le Paris Stempunk et le Paris magique « un Paris qui n’est ni tout à fait le nôtre ni tout à fait un autre ». Pour les amateurs du genre, cet album ressemble par son ambiance à la série Ekhö d’Arleston et Barbucci : une anormalité réaliste.
Quand Cat’s Eyes rencontre Sergio Leone
Les Artilleuses est un récit qui va ravir un public large. D’une part, il s’inscrit dans la tradition des histoires de braquages où nous suivons des malfrates au grand cœur, charmeuses, charmantes et élégantes. Si elles manient l’explosif avec beaucoup de facilité, elles ne tuent pas. Elle joue avec la police comme les Cat’s Eyes. Les héroïnes sont touchantes, dotées de caractères différents, complémentaires. Leur passé demeure encore mystérieux ce qui renforce leur aura.
Cette histoire, d’autre part, se tinte d’un côté Western spaghetti à la Sergio Leone. Nos voleuses sont en effet de redoutables gâchettes qui n’ont rien à envier au Clint Eastwood du Bon, la Brute et le Truand. Les coffres ne leur résistent pas longtemps et elles ont l’art de la formule pour ponctuer leur coup d’éclat de saillies mordantes. Ce qui agace fortement leurs poursuivants et attisent leur envie de les arrêter.
Les Artilleuses : une histoire qui commence fort
Ce premier volume est une parfaite introduction à cette série prévue en trois tomes. Le récit est, en effet, très rythmé. Nous sommes tout de suite jetés dans l’action et les différents protagonistes nous sont progressivement présentés. Les rebondissements sont nombreux, bien vus. Ils amènent le lecteur à se poser en permanence la question « que diable allaient-elles faire dans cette galère ? ». Car à la fin de l’album, l’équilibre a changé ; de braqueuses, les héroïnes deviennent des traquées, ignorant encore qui est le véritable ennemi.
Cette question des antagonistes est d’ailleurs est un des autres points forts de cette histoire. Les Artilleuses sont prises dans une toile d’araignée où les forces de police, les services secrets, voire les forces magiques sont sur leurs traces. Et quand on connaît les romans de Pierre Pevel, on sait que les surprises vont encore arriver, que l’intrigue va encore se complexifier au point de remettre en question toutes nos certitudes.
C’est donc avec un grand plaisir que nous avons lu ce premier tome des Artilleuses. Drôle, beau, énergique, il nous donne envie de savoir comment notre trio échappera à ce piège redoutable. Retrouvez cet album sur le site des éditions drakoo.