Hébergée par les éditions Glénat, la collection Comix Buro ne cesse de marquer des points avec des titres frais ou frappant. Leur nouvelle série en deux tomes Bettie Hunter vous propose de suivre une chasseuse de primes dans le futur. Ce voyage sera-t-il aussi réussi qu’Amen ou Valhalla Hotel ?
Le rire cosmique
Le métier de chasseur de primes est compliqué et encore plus quand on est une femme. Comme tous les professionnels de la traque, Bettie Hunter n’a aucune morale si ce n’est le respect du client… et ce n’est pas sa dernière expérience qui va la contredire. Pour une somme dérisoire, elle vient récupérer le criminel Himmel en entrant dans le corps d’un ver géant. En effet, en période de reproduction, cette espèce stocke ses proies dans son estomac. Le scénariste Aurélien Ducoudray reprend les codes du space opera, bien connus depuis Star Wars, tout en les détournant avec humour.
Bettie est une chasseuse de prime originale. Possédant un Q.I. très élevée, elle a fait une thèse en xénobiologie (biologie extraterrestre) dont on peut voir régulièrement de très drôles extraits. Par ces pages, on saura tout de ce ver géant. Malgré sa science, Bettie n’a jamais pu trouver du travail à l’université. Elle parcourt l’espace à la recherche de primes. Telle Han Solo, elle fait preuve d’humour dans les situations les plus périlleuses. Cependant, elle reste honnête en refusant la corruption… même si c’est pour des raisons fiscales. L’aventurière n’oublie pas de laisser sa carte de visite dans l’intestin du lombric mais est contrainte temporairement de cesser son travail pour sauver la sœur de Madame Skraalgard sur Minaria Prime. La jeune aventurière pense toucher le pactole mais se retrouve dans une situation encore pire.
Le rire politique
Bettie Hunter se fait passer pour une infirmière pour une O.N.G. afin de remplir sa mission de sauvetage. Elle pense être responsable du personnel mais se retrouve nounou d’insectes orphelins car la planète où elle intervient a été envahie par les terriens. Comme les colonisateurs belges au Rwanda, les humains ont divisé les indigènes en castes, provoquant à leur départ une guerre et un contre-génocide. Par Bettie, on pénètre la vie des réfugiés. Elle comprend très vite le langage local fait de clics mais les enfants critiquent sa grammaire déficiente. L’O.N.G. prétend aider ces populations mais l’entreprise cherche surtout à faire de l’argent. On le voit bien par le racisme du coordonnateur de Bettie qui méprise les deux groupes.
Bettie Hunter devient plus grave dans la dernière partie mais reste captivante jusqu’au bout. On comprend au ¾ du livre les raisons surprenantes du changement de carrière de Bettie Hunter par son compagnon Harvey qui l’a élevé depuis l’orphelinat. Ce robot fan de classement était le bibliothécaire de l’orphelinat où l’héroïne allait lire. Il a eu le temps de la connaître car les humains ne sont jamais adoptés. Le scénariste Aurélien Ducoudray inverse les codes car, à la surprise du lecteur, les habitants de la Terre sont la lie de l’humanité et cela semble lié à un fait passé. Sont-ils les nazis de l’espace ? Ce propos à la fun et politique est admirablement mis en valeur par le dessinateur Marc Lechuga dont le style proche du cartoon. On s’en rend compte lors des pages sur l’enfance de Bettie. Les couleurs très pop de DEF renforcent encore cet élément léger.
Bien plus qu’un récit futuriste, Bettie Hunter est une redoutable satire de notre époque en grattant partout où cela fait mal et souvent dans des lieux inconnus. Ce mélange entre humour et dénonciation rend la lecture passionnante et l’on peut penser que ce duo d’artistes ferait fureur sur Spirou.
Si ce voyage dans le futur vous a plu, retrouvez les chroniques d’autres titres de la même collection avec La tour et Amen.