La Fontaine est un incontournable de l’école primaire mais ces fables peuvent-ils sortir de la naphtaline ? Véropée tente de le faire dans cette décapante bd publiée par La Boîte à Bulles
Que garder ? Que changer ?
La scénariste, dessinatrice et coloriste Véropée propose une suite au Cid en 4eB. Cette ancienne professeure de français poursuit en bd des travaux faits en classe. Dans Le Renard, le Corbeau & tous leurs potos, elle confronte le classique des fables de La Fontaine à l’actualité de thèmes contemporains : l’écologie, l’injustice sociale, l’homophobie… Devenu une fable disruptive et proactive, Le Corbeau et le renard dénonce le capitalisme et le vocabulaire corporatiste où des bourgeois truffent leur parole d’expressions anglaises et de verlan. La poule aux œufs d’or devient une diatribe contre l’élevage intensif. Le danger des réseaux apparaît dans le coche et la mouche : cet insecte multiplie les commentaires en ligne et pense tout changer alors qu’il n’a aucun impact sur les choses. Le héron devient accro à Tindr. La fable du loup et la cigogne fustige la drague abusive.
Les quinze fables sont un best of de La Fontaine. Cependant, Véropée ne s’agenouille pas devant le monument mais le fait descendre de son piédestal. Dans ses fables, elle n’hésite pas à utiliser la vulgarité. On oublie alors l’ennui de l’école ou les mensonges des œuvres de vulgarisation. Le plus frappant est l’utilisation d’expressions contemporaines : Le loup radina son museau. Quand il insulte l’agneau, il lui dit qu’il lui casse les couilles. La Fontaine serait surpris de lire du verlan, des anglicisme et des tics langagiers des ados. Afin de se repérer, l’éditeur a ajouté deux glossaire, l’un à destination des plus vieux et l’autres listant les mots compliqués pour les plus jeunes.
Revenir au classique
Paradoxalement, pour confronter les fables à l’actualité, l’autrice reprend les codes de la littérature pour jeunesse. Trois sœur aux noms rigolos introduisent les récits. Jojo élève en CM2, Gaby au collège et Lola en Seconde ont des réflexions enflammées et les fables illustrent leurs propos. Le dessin de Véropée est proche des strips comme les Triplés. Il n’y a pas réellement de cases mais des espaces esquissent un récit sur la page. Le dessin affiche une maladresse volontaire et on voit les coups de crayon papier. Chaque bd a une couleur dominante. Logiquement, la Poule aux œufs d’or est en jaune.
Pourtant, on retrouve une structure commune. Chaque fable s’ouvre par une introduction sur une page avec scène du quotidien des sœurs puis on trouve le texte originel et enfin la réinterprétation. Ce sont parfois les filles qui modernisent volontairement le texte. En effet, deux des sœurs étudient en classe La Fontaine.
La réinterprétation est parfois très loin de La Fontaine si bien que l’on ne reconnaît pas l’origine. Le titre change. A vous de deviner le titre original de La grenouille qui voulait trop faire sa meuf. Le chêne et le roseau devient l’arbre et le poteau électrique pour une fable écologique. Cependant, la morale demeure car le plus faible n’est pas celui que l’on croit. A l’inverse, Véropée retourne certaines morales comme le lion et le rat. Les filles la trouvent injuste. L’autrice en fait une fable sur la corruption des politiques et l’arrogance des puissants. L’ensemble est souvent bien moins violent. D’autres fables sont très proches de leurs racines. Le lièvre et la tortue est une course pour finir un exercice de mathématiques. La tortue besogneuse et venue d’un milieu populaire bat le lièvre issu d’une famille riche mais qui n’écoute pas le cours.
Le Renard, le Corbeau & tous leurs potos donne un coup de neuf aux fables bien connues de La Fontaine. Pour cela, Véropée modernise la langue et le thème de ces petits textes. Cependant, l’esprit caustique demeure et c’est bien là l’essentiel.
Vous pouvez retrouver sur le site d’autres adaptations littéraires en bd avec une nouvelle de Mark Twain et un roman de Jules Verne.