Lecture coup de cœur au rendez-vous, avec un récit qui nous pousse à tourner les pages les unes après les autres pour en connaître l’issue… Si vous aimez les mystères, les intrigues alambiquées et les histoires qui vous prennent par surprise à chaque chapitre, alors « Le Baiser Alchimique » est exactement ce qu’il vous faut. Ce livre offre une aventure plaisante, un moment d’évasion, mais qui révèle aussi ses sombres teintes. Avec comme décor la splendide, la magnifique Venise, on pourrait s’attendre à une échappée romantique comme il en existe tant d’autres… Ce n’est pas le cas ! Un tour de gondole tranquille ? Ce n’est pas du tout ce qui vous attend, bien au contraire.
Venise est un cadre parfait pour composer une histoire riche et intéressante…
Max de Ridder décrit cette ville tant aimée par les touristes et les artistes venus des quatre coins du monde, avec une véritable passion qui se sent dans sa façon d’écrire. La cité des Doges… Comme vous le n’avez jamais vue. Dans son « Baiser », Venise respire, tressaille, s’inquiète, sourit. Non sans une belle poésie, légère et appréciable, l’auteur joue avec les mots, comme le ferait un peintre avec les nuances de sa palette : « Le soleil plongea dans la lagune avec un dégagement de brume qui rappelait étrangement une braise ardente jetée dans les flots. » peut-on lire au premier chapitre.
C’est une Venise aux ruelles bizarres, secrètes, propice pour un conte fantastique à la Edgar Allan Poe. Parlons de l’atmosphère de cet ouvrage, qui flirte avec le gothique. Une lecture parfaite pour l’automne et l’hiver, où l’on adore se lover dans un plaid, avec une boisson chaude et un bon livre. Dans cette fantastique Venise, les alchimistes se cachent dans des cryptes pour dissimuler leurs secrets les plus sordides. Imaginez-vous, en train de naviguer sur les eaux noires de cette ville, en traversant les brumes qui enveloppent l’ancienne cité ! On s’attend à rencontrer quelques monstres et créatures de légendes à chaque instant. Un tel cadre fait évidemment penser au chef d’œuvre de l’horreur « Ne Vous Retournez Pas », film de Nicolas Roeg (1973), inspiré de la nouvelle de Daphné du Maurier. L’histoire se déroule aussi à Venise, une ville aux airs de labyrinthe. Ces œuvres partagent cette touche oppressante, presque onirique, où la ville vénitienne, avec ses ruelles étroites engorgées de brouillard, se transforme. Dans ce livre, les personnages semblent en proie à des questions qui les dépassent. Est-ce qu’ils peuvent vraiment se fier à ce qu’ils voient ? Perte, peur de l’inconnu, forces invisibles… Tout est soigneusement arrangé pour susciter le mystère et cela fonctionne parfaitement bien. Au fur et à mesure que vous avancez dans l’intrigue, vous vous rendez compte que Venise n’est que le reflet des pensées de Giacobbe, héros du livre.
Jeune homme brillant mais tourmenté par ses aspirations alchimiques, il ressemble, à bien des égards au jeune Victor Frankenstein. Il a ce côté à la fois vulnérable et audacieux qui fait de lui un personnage auquel on peut s’identifier. Certes, c’est un génie en alchimie, mais ce personnage est plus profond et intéressant, puisqu’il est dévoré, habité par cette quête de transcender sa propre condition de mortel. Il cherche à tout prix à maîtriser les éléments et, en fin de compte, il souhaite, plus que quiconque comprendre l’essence même de l’univers. À travers ses expériences, il tente littéralement de transformer le plomb en or, métaphore de sa quête intime pour se transformer lui-même et échapper aux limites de son existence. D’ailleurs, il n’hésite pas à s’enfermer dans une crypte lugubre pour mener à bien ses travaux scientifiques avec des substances particulièrement dangereuses. À un moment donné, il se confie à un autre personnage, Alba, en disant : « Grâce à cette grand œuvre, je pourrais faire rayonner et prospérer tout le quartier de la fonderie ! » Là, on sent bien que le personnage souhaite réussir pour se prouver à lui-même qu’il est capable d’accomplir de grandes choses.
Alba, quant à elle, est tout aussi attachante. Elle représente l’innocence, mais aussi le désir de liberté. Malgré son éducation aristocratique stricte, elle se rebelle, car elle entretient une relation secrète avec Giacobbe. Elle est tiraillée entre ses obligations familiales et son désir de découverte. Leurs échanges sont tendres et complices. À un moment donné, alors qu’elle découvre pour la première fois les expériences de Giacobbe, elle s’exclame : « Tu es un rêveur, mon doux Giacobbe. »
Lucius, le capitaine des Dragons de la garde, est un homme qui vogue dans les intrigues politiques de Venise. Lui aussi est un personnage très bien construit, qui lutte constamment entre son devoir envers la cité et les secrets qu’il doit couvrir. Sans vouloir spoiler l’intrigue de ce roman, un certain personnage appelé Malthus de Sienne est un exorciste qui prendra une place importante dans l’intrigue. Incroyable, n’est-ce pas ?
« Le Baiser Alchimique » n’est définitivement pas un livre que vous lirez d’une traite en une après-midi. En réalité, c’est un livre qui demande de l’attention, et c’est ce qui en fait une expérience qui vaut le coup.
« C’était une vision cauchemardesque et insoutenable »
Tout commence par une série de meurtres sordides dans la Venise obscure, des crimes d’une atrocité indescriptible qui laissent les habitants terrifiés. On a littéralement des corps déchiquetés, des têtes décapitées laissées sur les marches des ponts, et tout le monde panique, comme Whitechapel à l’époque des crimes de Jack l’éventreur. Ce n’est là que le début d’un récit de plus en plus complexe, avec de nouvelles intrigues qui surgissent. Les expériences alchimiques de Giacobbe prennent une tournure horrifique, comme lorsque la matière en fusion dans son four « se mit à hurler, tel un corbeau, d’un cri si strident qu’il pétrifia Alba. » Epouvante, mystère, crimes… Les éléments sont là pour contenter un fan d’horreur et de séries comme « Penny Dreadful », avec Eva Green.
Entre les manigances des élites et riches de Venise et les bizarreries autour de Malthus de Sienne, l’exorciste du Vatican qui débarque pour enquêter, l’intrigue devient aussi intense qu’un jeu d’échecs entre différentes factions. Et là, on se retrouve à se demander : qui manipule qui ? Qui dit vrai ? On ne peut faire confiance à personne.
Max de Ridder n’est définitivement pas un auteur comme les autres ! Né avec une passion dévorante pour l’Histoire et la philosophie, il présente un livre intense et qui tient la route, malgré la complexité de son sujet. Ses personnages suscitent l’empathie, ont une vrai crédibilité dans un cadre historique et fantastique qui peut séduire tous les lecteurs avides de ce genre. Si vous avez aimé des auteurs comme Umberto Eco ou Arturo Pérez-Reverte, alors Max de Ridder pourrait devenir votre nouvelle plume préférée.
Enfin, un dernier mot sur les éditions Le Lys Bleu. Cette maison d’édition a un flair incroyable pour dénicher des auteurs qui sortent des sentiers battus. Leur catalogue regorge d’ovnis littéraires, dont « Le Baiser Alchimique ». Pour toutes ces raisons, nous vous conseillons fortement de découvrir ce livre unique en son genre, surtout par temps froid et pluvieux ! Enfin, si vous lisez ce livre à Venise… Eh bien, nous dirons que c’est encore mieux, mais pas besoin d’aller aussi loin pour en profiter. Après tout, l’auteur sait parfaitement vous faire voyager, sans bouger de votre fauteuil ou lit.