Dans le premier tome, un agent de la mort découvrait l’envers de l’au-delà. Ayant perdu la lutte pour le pouvoir, elle est chassée sur Terre. Comment va-t-elle agir sur le paradis alors qu’elle ne peut plus y aller ? Le tome deux de Grim vous livre la solution.
La mort est finie dans Grim
Les premières pages du tome deux de Grim vous emportent dans les tranchées de la Première Guerre mondiale avec un jeune soldat anglais. Il découvre l’horreur des combats. À peine sorti du trou, il est abattu très vite et un faucheur vient le chercher. Sans transition, on arrive dans une période plus récente devant un cinéma et on retrouve Jessica. La patronne de l’au-delà, Adira, l’a exilé sur avec ses deux amis Faucheurs, Marcel et Eddy. Ils ne venaient sur Terre que pour récupérer les morts mais le trio doit désormais y vivre. Ils assistent tranquillement à un festival de musique dans le désert autour de Las Vegas mais rien n’est simple dans la série écrite par Stephanie Phillips…
En effet, des évènements étranges s’y déroulent. Plusieurs spectateurs arborent le même tatouage sur le front. Une femme récitant de la poésie se précipite dans le feu mais survit. En fait, plus personne ne meurt. Cette fin de la fin provoque panique et anarchie dans le région. Un prêtre doute de sa foi. Les urgences sont désorganisées par l’arrivée massive d’une foule en sang se pressant devant l’entrée. Comment maintenir l’ordre dans une prison alors que les condamné ne craignent plus les gardiens ? Ce changement radical sur terre compromet également l’existence du royaume des morts en détournant les codes de l’au-delà.
Par ce premier épisode, Grim pose une réflexion sur la mort dans nos sociétés. La disparition est un tel tabou qu’on ne la voit plus. Au contraire, la série l’expose quand, paradoxalement, personne ne meurt. On pourrait imaginer que la vie éternelle est un paradis. D’ailleurs, une mère est heureuse de retrouver vivant son enfant mort-né. Pourtant, dans les hôpitaux, les personnes souffrent tellement qu’ils demandent à mourir. Cette situation donne des images très gores dessinées par Flaviano. Sur un lit d’hôpital, un homme tient ses intestins en main en criant qu’il veut en finir. Flaviano réussit un contraste entre cette violence et des expressions parfois cartoony comme la colère. Ce contraste se retrouve également entre un style classique par des décors et l’encrage noir avec un encrage en couleur et des effets numérique de flou, de taches…
Trois faucheurs sur Terre
Ce deuxième volume de Grim est également un moyen d’approfondir les personnages principaux. Jessica a vu sa vie changée depuis le tome précédent. Fâchée avec la cheffe des faucheurs, elle a découvert qu’elle devrait être l’actuelle Mort. Alors que les actions d’Adila s’aggravent et que les enjeux montent, elle doit réfléchir à sa place sur terre… ou plutôt dans l’au-delà. Doit-elle assumer son héritage pour rétablir l’équilibre entre les deux mondes ? Son avis est pourtant souvent tranché. Par exemple, Jessica se moque de l’utilisation mercantile de l’enfer par la reprise mercantile de l’imagerie dans le rock. Elle a une vision sombre de l’avenir car l’espoir n’est qu’un mensonge. Pourtant, elle intervient en enfer. Jessica est touchante par ses galères et ses craintes. Elle voudrait être libre mais doit céder car un ami est en enfer.
En effet, on ne suit pas seulement l’héroïne mais aussi ses proches. Les Faucheurs reprennent des motifs visuels connus : un musicien de glam rock, un dandy noir et une ouvrière pendant la Seconde Guerre mondiale. Eddy est un fan de rock désirant surtout s’amuser en écoutant des bons riffs. L’autre compagnon de Jessica, Marcel, est un passionnant personnage gay du XIXe siècle. Depuis le premier tome, son visage rigide montre qu’il est tourmenté mais il faut attendre ces épisodes pour que l’on comprenne quel faute il se reproche. Le sida n’est pas la première épidémie…
On élargit également l’univers de Grim avec de nouveaux personnages. Harold le messager est un Hells Angel chauve et barbu. On croise également les moires. Dans la tradition de leurs origines mythologiques grecques, trois vieilles dames tissent, mesurent et coupent un fil de laine, symbole de la vie d’une personne. Cependant, les moires sont dans Grim un homme noir et deux femmes habillés comme des nightclubbers. Encore plus réussi, elles parlent en utilisant des paroles de chansons pop.
Après l’au-delà, Grim découvre l’enfer ou plutôt les enfers car les lieux de damnation sont multiples. Chacun a un gardien différent et donc un diable particulier. Stephanie Phillips s’amuse à jouer sur les références : le premier enfer à Las Vegas évoque le monde de Victor and Rolf. Afin de mettre en valeur ces différents mondes, il fallait le talent du coloriste Rico Renzi. Le fond noir nous donne une ambiance gothique contrastant avec les couleurs vives– rouges, jaunes ou violettes – peu nombreuses et donc marquantes.
Éditée par Huginn & Muninn, la suite de Grim prolonge l’univers en s’intéressant davantage au versant terrestre. La scénariste Stephanie Phillips propose une série très distrayante. Ce n’est certes pas la série de l’année mais les personnages nous touchent et les péripéties régulières sont très réussies. En effet, chaque tome élargit l’univers en proposant de nouveaux antagonistes à cette mort débutante.
Découvrez la chronique du premier tome ainsi qu’une autre série mortelle du même éditeur, Ice Cream Man.