La dernière promenade mortelle dans Sin City

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La saga policière de Frank Miller arrive à son terme dans ce septième tome. Sin City a déjà prouvé sa grandeur mais Aller-retour pour l’enfer propose un final très différent du reste de la série. Découvrez-le dans la chronique suivante.

Un nouveau polar

Aller-retour pour l’enfer a pendant longtemps été la dernière virée à Sin City. Près de six ans après les débuts, Frank Miller, scénariste, dessinateur et coloriste de cet univers, a voulu achever son exploration des tourments d’une ville. Cependant, ces neuf numéros sortis en 1999 ont déstabilisé. Miller a toujours porté un regard critique sur le statu quo dans les comics et ce dernier chapitre de Sin City est une déclaration de liberté d’un artiste.

Wallace, un artiste de Sin City, sort d’une entrevue houleuse avec son agent. Sur la route, il voit Esther, une femme noire alors qu’elle se jette d’une falaise. Il se précipite, la sauve puis la ramène inconsciente chez lui. Après son réveil, ils discutent et se trouvent plusieurs points communs. Ils se considèrent comme deux ratés. Wallace est un artiste si intransigeant que son œuvre est méconnue. Pour vivre, il est également cuisinier. Elle est une actrice de second rang car elle refuse de coucher pour avancer. Ils s’embrassent en fin de soirée mais pendant la nuit elle est enlevée pendant que Wallace a été drogué. Il finit en salle de dégrisement car le policier croit qu’il est défoncé. En sortant, Wallace décide de tout faire pour retrouver cette fille mais se retrouve embarqué dans une conspiration impliquant la police et des tueurs professionnels.

Si ce résumé prouve qu’on est dans un récit bien moins réaliste, certains éléments rassurent néanmoins les fans de Sin City. Des personnages reviennent. On retrouve une police corrompue et les personnages sont souvent pathétique. Comme dans la plupart des récits de Sin City, Wallace est un héros solitaire qui part en quête pour retrouver son âme sœur. Ce volume prolonge également la description de la femme fatale en donnant deux versions par un duo de tueuses Delia au regard bleu pénétrant joue sur l’émotion tandis que Mariah portant des lunettes de soleil est plus agressive.

Le geste de trop dans Sin City
Le geste de trop dans Sin City

Une porte ouverte vers la suite de Sin City

On peut cependant comprendre la déstabilisation des lecteurs des anciens titres de Sin City. La forme est radicalement différente. Le noir s’efface progressivement et la couleur est de plus en plus présente. On bascule dans l’onirisme avec un passage où Wallace délire sous l’effet de la drogue. Ces pages sont entièrement en couleurs par le talent de Lynn Varley. De plus, Miller s’éloigne du polar et se rapproche des super-héros. Les enjeux sont énormes et la résolution est pétaradante. Aller-retour pour l’enfer est un récit frontal de vengeance se concluant sur une fuite étrangement positive.

Ce dernier tome de Sin City ne cherche pas à offrir de nouvelles création mais est un autoportrait masqué de l’auteur. Wallace est une version fantasmé de Miller par lui-même. Plus calme et pondéré que les précédents anti-héros de Sin City, Wallace réfléchit. Miller donne à cet ancien soldat des mouvements très souples venus des films japonais. Figure christique, Wallace ressemble physiquement à Miller même si aujourd’hui, on ferait plutôt le rapprochement avec Keanu Reeves en John Wick ou BRZRKR. Cet artiste du Vermont permet à Miller de méditer sur la région de son enfance par une courte bd sur l’adolescence.

Aller-retour pour l’enfer est également un survol du passé de créateur de Miller et de ses influences. Durant son hallucination, Wallace voit une horde de personnages qui ont un rapport avec l’œuvre de Miller : Elektra, Leonidas, Martha Washington, un robot de Robocop, Big Guy et Rusty. Le dessinateur y intègre également ses références : l’Inspecteur Harry, Zorro, Itto Ogami de Lone Wolf and Cub, Captain America, Wonder Woman, Hägar Dünor, le sergent Rock et Hellboy. Plus loin, le Dr Fredric représente le docteur Fredric Wertham auteur d’un livre dénonçant les dangers des comics. Miller parmi d’autres a dû subir les foudres de l’autocensure des éditeurs à la suite de ce livre. Dans Sin City, le Dr. Fredric veut homogénéiser les traits des victimes pour ensuite les revendre en esclavage.

Aller-retour pour l’enfer, septième tome de Sin City, est la conclusion douce-amère d’une série de référence. Cependant,marque en fait uniquement la fin d’un premier cycle. Frank Miller ayant récupéré l’intégralité des droits sur sa création a décidé de confier les clés de la ville à de nouveaux artistes qui vont proposer une nouvelle visite dans les prochains mois chez le même éditeur Huginn & Muninn.

Prolongez la visite de Sin City en découvrant les chroniques sur le premier et le deuxième tome.