Par le cinéma ou la k-pop, la Corée du Sud se présente comme une société moderne et innovante mais que se passe-t-il au quotidien pour les jeunes ? Quand arrive l’aube nautique dévoile la face sombre de ce pays.
Deux amies à l’aube de la vie
Quand arrive l’aube nautique déroute tout d’abord le lecteur. Dans le prologue, un personnage que le lecteur ne voit pas fait un monologue sur la précarité de la vie. En tournant la page, deux lycéennes discutent de tout et de rien. On ne voit pas le lien mais l’auteur, Samir Dahmani, dresse en peu de mots un portrait juste de l’adolescence : Ji-won, positive, fantasme sa future vie étudiante tandis que l’autre, Seong-Ji, craint que l’arrivée à l’université ne marque la fin de leur amitié. Plusieurs semaines plus tard, Seong-Ji étudie de jour la comptabilité et travaille de nuit dans une supérette. Elle n’a plus aucune nouvelle de Ji-won et, souffrant de cette absence, elle cherche à quel moment leur amitié s’est évaporée.
Seong-Ji est dans l’aube nautique. Sociologiquement, c’est le moment de transition entre la nuit et le jour mais pour l’auteur Samir Dahmani c’est une parabole sur le moment de vie où l’on quitte la vie d’adolescence pour aller vers le monde adulte. Samir Dahmani retrouve dans Quand arrive l’aube nautique le mal-être que l’on peut connaître pendant cette période intense de la vie. Cette réussite est basée sur l’expérience de l’auteur au moment où il était enseignant dans une université. Désormais scénariste et dessinateur, Samir Dahmani mélange diverses influences venues du cinéma (Takeshi Kitano…), de la musique (Meiko Kaji…) et de la littérature (Murakami…).
Une mosaïque de nuit
Le titre, Quand arrive l’aube nautique, et le sous-titre, Korean Night Stories, montrent que la nuit a également une grande importance dans ce récit. L’ambiance est posée dès l’intérieur avec des aquarelles très sombres de paysages urbains nocturnes. En effet, les clients se faisant rares au milieu de la nuit, Seong-Ji regarde les fenêtres voisines et découvre qu’une étrange jeune femme visite des appartements. Elles sympathisent rapidement et un soir, elle lui propose de faire une promenade avec elle. Cette rencontre est un moment de rupture pour Seong-ji qui découvre la liberté et sa propre identité. Quittant son image de jeune fille rangée, elle suit cet inconnue chez les gens durant leur absence dans un but artistique… Quand arrive l’aube nautique quitte également le réalisme pour devenir plus onirique.
Le livre nous permet de comprendre que la nuit n’est pas un temps mort pour tout le monde. La vie rangée du jour disparaît dans la nuit pour devenir un espace d’aventure et d’expérience. A l’image de ce moment plus silencieux, les dialogues sont limités et les cases muettes installent l’ambiance. On découvre aussi la société coréenne : il est banal de pratiquer la chirurgie esthétique dans une société imposant une perfection physique standardisée. La différence est encore un tabou et certaines en souffrent : 31Seong-Ji profite de la nuit pour avouer sa différences et s’ouvrir à sa meilleure amie. La situation est plus complexe en Corée où il est impoli de mettre en avant ses inquiétudes.
Quand arrive l’aube nautique décrit le quotidien de Coréennes dans une société feutrée. Cependant, quand le raz-de-marée des sentiments arrive, il peut brusquement déchirer le voile des conventions. La réalité se fait jour et émeut le lecteur. Cette réussite est de bon augure pour le projet de Samir Dahmani édité par La Boîtes à Bulles : montrer les différents aspects de la nuit par différentes bds.
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