Dans le monde de la bande-dessinée, l’année 2017 a marqué le soixantième anniversaire d’une icône incontournable – qui lui a même valu une expo à la Bpi du centre Pompidou : le bien nommé Gaston Lagaffe, qui fit ses timides débuts en février 1957 dans les pages du Journal de Spirou. Dans la continuité de cette célébration, Dupuis vient de publier La Galerie des gaffes, un album-hommage au personnage et à son auteur, l’incontournable André Franquin.
Comme toujours dans ce genre de projet compilatoire, on y trouve à boire et à manger et le meilleur côtoie le pire. Et, bien entendu, c’est en fonction des goûts des lecteurs que se fera l’appréciation des planches incluses dans cet album. On est donc tour à tour enthousiasmé et hilare ou dégoûté et dépité selon ce qu’on lit dans ces pages. Parmi les 60 auteurs, on trouve des artistes de renom qui proposent leurs contributions auprès de signatures méconnues, voire inconnues. Mais l’alternance des genres et des styles permet malgré tout une lecture plaisante.
Le sujet a bien évidemment inspiré certains plus que d’autres : quelques uns s’avèrent décevants (Blutch, Parme, Goossens, Munuera ou Yoann & Vehlmann – à ce propos, leur très belle (et drôle) planche de GASTON de 2010, qui n’a stupidement pas été incluse dans le H.S.5 de SPIROU & FANTASIO récemment paru, ne l’est pas non plus ici). A l’inverse, on découvre quelques bonnes surprises (Saive, Obion, Burniat notamment). Il y a aussi ceux qui ont une bonne histoire mais qui auraient dû la faire illustrer par quelqu’un d’autre (Aranega, Fabcaro, James et Boris Mirroir, Alfred, Nicoby, Nix, Mardon ou Trondheim, comme toujours) et ceux qui ont un talent graphique évident, mais dont le sujet n’a que peu d’intérêt (Yoann et Blutch donc, Cossu, Nob, Thibaudier, Jouvray, Reynès, Götting). Bertschy nous prouve que le chat de Gaston par Franquin est plus un chat qu’un vrai chat. Sans mots inutiles, Jousselin évoque joliment la nostalgie et le pouvoir imaginatif suscités par la lecture en général et par GASTON en particulier. Tarrin réécrit l’Histoire avec humour et malice, Spiessert s’attache plus particulièrement au graphisme d’une époque surannée, Neidhardt compatit au destin du pauvre De Mesmaeker et accable Gaston dans son hommage grinçant, Saive produit le gag le plus efficace de l’album, Obion s’amuse de la parano de De Mesmaeker tandis que Frank Pé préfère l’humour noir joliment tourné et Burniat se tourne plutôt vers Franquin que vers sa créature dans un clin d’œil amusé. Quant à Schwartz, à voir sa contribution, on espère encore et toujours lire un jour quelque chose qui le mette définitivement en valeur à la place qu’il mérite, sans l’emphase encombrante de l’omniprésent Yann, d’ailleurs absent du projet (comment se peut-ce ?)
Il y a des absents (Tome & Janry, Fournier, Walthéry, Le Gall, Bonhomme, Verron, Bravo, Conrad) qu’on aurait certainement préféré lire à des Tébo (toujours aussi vulgaro-grossier), des Bouzard, des Bourhis, des Thuin, des Priou, Cromheecke & Sti, des Porcel ou des Krassinsky. Il y a aussi le filou de la bande, Dodier, qui nous recase un gag déjà présent dans La Ballade des baffes, l’hommage irrévérencieux de 1983 au héros-sans-emploi.
Et puis, le meilleur pour la fin, il y a cette superbe planche qui, si on l’insérait sans prévenir, par exemple dans Le Cas Lagaffe, pourrait passer pour un inédit de Franquin. C’est signé Delaf (pourtant connu pour ses NOMBRILS et qui, dans le même genre, a aussi commis l’illustration de couverture de La Galerie des gaffes) et dans son gag de la page 28, il nous montre ses talents cachés. C’est bluffant ! Le gag est du pur GASTON, le trait frôle Franquin et la mise en couleur est parfaite. Seul Prunelle dans la première case est raté, mais en regard du reste, on s’en moque. A quand un SPIROU VU PAR Delaf dessiné comme ça, Monsieur Dupuis ?