Enfin du made in France dans Le Boucher de Stonne

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le boucher de stonne
couverture de la bd le boucher de stonne

La série historique des Machines de Guerre décrit en bd les changements technologiques des chars durant plusieurs conflits et dans différentes armées. Le Boucher de Stonne apporte une nouveauté en présentant une arme française le B1bis. Suivez le mode d’emploi dans notre chronique.

Un pour tous

Les débuts dans Le Boucher de Stonne

Le Boucher de Stonne est un récit complet en un tome mais il s’inscrit dans une collection : la série Machines de guerre chez Delcourt fait le choix de faire d’un objet le centre du sujet, de rendre humain une arme, le tank en l’occurrence. Le scénariste Jean-Pierre Pécau, habitué des séries historiques sait proposer une approche originale. En 1944, durant l’opération Market Garden, un parachutiste sous uniforme anglais – en fait un Allemand de religion juive – se retrouve devant un char allemand : un B1bis français. Il le connaît très bien puisqu’il l’a fabriqué. Cette rencontre est le début d’un monologue où le soldat raconte à ses compagnons d’arme comment il s’est retrouvé dans l’armée française. Ce soldat est dans l’armée britannique, en secret, car il a des faux papiers. Il a fui les persécutions pour venir en France où il devient ouvrier sur les moteurs de char. Lors de la déclaration de guerre, il insiste pour s’engager.

Après l’aviation dans Indochine, Jean-Pierre Pécau nous détaille l’évolution des tanks. Le lecteur du Boucher de Stonne découvre aussi B1bis. Comme toujours dans cet collection, le livre s’achève par un épais dossier documentaire. Dans les dialogues, les capacité du char sont détaillés mais le lecteur néophyte comprend tout, en particulier les qualités et les défauts du char. Malgré la brièveté des combat de la campagne de France, ce char français fut le plus redouté. Il passe partout mais au rythme d’une limace. Possédant un épais blindage, il est invulnérable aux canons des panzers. Pour montrer ces spécificités, les dessinateurs Senad Mavric et Filip Andronik ont un style très réaliste, dans les traces des bd historiques, et sont très précis sur l’armement et les uniformes.

Tous dans la guerre

La campagne de France dans Le Boucher de Stonne

Le Boucher de Stonne est le récit d’un échec : celui de l’aveuglement tactique français. Le char a été conçu dans les années 1940 et les soldats qui l’utilisent listent surtout ses défauts. Il est très gourmand en essence et lent à se remplir. Ces caractéristiques représentent bien les choix tactiques de la ligne Maginot. L’armée française n’a pas vu l’évolution tactique – l’importance de la vitesse – mais elle a juste amélioré ses armes de la Première Guerre mondiale.

Le char est un prétexte pour décrire le début de la guerre du côté français. La bataille de France est une défaite cinglante et vite pliée mais elle a fait dans les deux camps de nombreuses victimes. L’armée française a voulu reprendre du terrain après l’échec dans les Ardennes. Hélas, les différentes unités ne sont absolument pas coordonnées. Une colonne de char erre à la recherche de l’infanterie. On voit aussi les graves défaillances de l’intendance qui n’arrive pas à acheminer en quantité l’essence.

Le coup de projecteur est mis sur un équipage de char et sur l’ensemble de ses actions pour défendre la colline de Stonne. Par ce char s’opposant à la fois aux fantassins et relevant le gant des duels contre des puissants chars allemands, Le Boucher de Stonne redore le blason de l’armée française. Ces succès sont si nombreux que l’on peut douter de leur réalisme historique. A l’inverse, l’armée adverse est désincarnée. Il y avait pourtant la possibilité de montrer les deux faces de la guerre en insistant sur la deuxième carrière du char français dans la Wehrmacht. La bd devient parfois réactionnaire. Dans une page, on voit un militant communiste saboté la ligne de production pour éviter la guerre sous les ordres du parti.

Les quatre premiers tomes de Machines de Guerre ont validé la qualité du concept et ce tome made in France le prouve encore. Le scénario du Boucher de Stonne réussit à faire d’un échec militaire un succès en bd et utilise cet objet pour décrire le début de la guerre du côté français. Pour aller encore plus loin, on pourrait imaginer que la série s’intéresse à l’actualité des conflits par des chars plus récents.

Retrouvez d’autres titres de cette collection comme L’étoile de Koursk et Le Loup gris.