Andy Warhol parlait du quart d’heure de célébrité accessible à tous mais E-Ratic ne dispose que de dix minutes pour sauver le monde. Découvrez comment il va gérer cette batterie si faible dans la chronique suivante.
Un jeune super-héros au temps limité
A 15 ans, Oliver Leif fait son premier jour au lycée Mapleton. Comme tout nouvel élève, il n’a pas confiance en lui. Il est également un nerd et un dessinateur ne s’assumant pas. En montant pour la première fois les marches du lycée, une jolie fille Kristen remarque une de ses œuvres un peu dénudées. Mais Oliver préfère fuir. E-Ratic, écrit et dessiné par Kaare Andrews, est donc une série sur des adolescents. Cet aspect juvénile est renforcé par les choix visuels. Andrews adopte un style cartoony tout en restant très précis. Les bonus montrent ses recherches des premières idées jusqu’aux croquis d’E-Ratic pour terminer par les miniatures et les dialogues du dernier épisode.
Le scénario prend le temps de révéler les mystères de la famille Leif. C’est logique car Oliver ne souhaite pas afficher ses failles. En effet, lui et son frère sont élevés par leur mère depuis la disparition de son mari. Elle veut prendre un nouveau départ en déménageant mais la promesse d’emploi était une arnaque et elle retombe dans ses travers. Oliver est dépité et regrette le passé.
Tout change par un gigantesque tremblement de terre faisant sortir des entrailles un robot géant avec des tentacules. Oliver déclenche son pouvoir et doit agir vite. En effet, il est un Renaissant et n’a que dix minutes par jour pour sauver les civils en devenant E-Ratic. Ce dualité entre la vie de lycéen et les actes héroïques évoque les premières années de Spider-Man. Un jeune homme timide connaît l’enfer en classe et a une relation complexe avec la star du lycée tout en cachant son identité de super-héros. E-Ratic doit faire face à un super-héros fou mais rigole pendant qu’il agit.
Classique des récits de collège
E-Ratic, série éditée par Black River, reprend des poncifs des récits sur le lycée y compris les plus petits détails : dans la soirée de lycéens, on boit dans des gobelets rouges en plastique. Un élève timide est harcelé par un groupe dont l’un, Jake, est un grand élève rondouillard. Oliver est soutenu par une fille et se fait vite un ami tout aussi bizarre que lui : Bijou. Au contraire, son grand frère, une montagne de muscles, est immédiatement recruté dans l’équipe de foot américain. Dans E-Ratic, chaque élève est obsédé par son statut et chacun rêve que cela soit son année. Ce moment est d’autant plus important que la ville sort d’un confinement et les habitants désirent revenir à une vie la plus banale possible.
Cependant, par certains aspects, E-Ratic est une bouffonnerie, une parodie des récits de super-héros. L’établissement nous paraît vite très surprenant : les élèves argumentent comme des étudiants, les adultes mélangent théories sociales et conseils éducatifs. En mathématiques, la professeur ne vient que pour son salaire et enseigne le marxisme plutôt que l’algèbre. La professeur de littérature, Whip, fait des gros câlins mais incite à la délation. Le désir de normalité et le besoin d’être aimé deviennent une dictature de pensée s’imposant à chaque instant. Dans la salle de sociologie de Marquez, il y a un portrait de Kim Jon-Il. Dans la salle des prof, le proviseur choisit la douce Whip comme proviseure adjointe face à l’expérimenté Marquez qui rentre dans une rage en folle. Tout le monde dit que Mapleton est ennuyeux mais son lycée a connu un fait dramatique : dix élèves ont été tués. Kaare Andrews fait également une caricature de soirée où même les plus jeunes picolent comme des trous.
Cependant, l’alliance entre des passages d’action fidèles au super-héros et des dialogues parodiques est souvent maladroite. Le contraste entre la joie d’un enfant testant ses capacités et la vision profondément pessimiste de la société détonne. De plus, les dialogues sont très bavards.
Dans les premières pages, E-Ratic se place dans la droite lignée de Spider-Man. Un adolescent partage sa vie entre une famille brisée, un collège compliquée et une carrière naissante de super-héros. On pourrait alors croire que Kaare Andrews se fond dans les codes mais il semble plutôt s’en moquer.
Retrouvez sur le site d’autres sorties de Black River avec Hotell, un récit d’horreur et Les sept lames, une bd historique.