En 2054, les individus peuvent voyager dans le passé mais la police du temps veille afin de préserver la réalité. Suivez l’agent Tarik dans RetroActive en mission mais aussi dans sa vie personnelle compliquée.
Un garde du temps
Dans RetroActive, Tarik vient d’intégrer un service d’élite ultra secret : le Bureau des affaires temporelles. Cette agence américaine utilise la technologie temporelle pour empêcher que des individus ou des États bouleversent la réalité. Alors que des anomalies apparaissent, Tarik doit en découvrir l’origine. Mais pourquoi ne cesse-t-il en même temps de mourir ?
RetroActive démarre en quatrième vitesse : nouvellement engagé, Tarik doit poursuivre un tueur sur les toits. En effet, cet ancien agent du Bureau a trahi. Il a choisi une réponse personnelle à la question ultime du voyageur temporel : faut-il tuer Hitler ? Le bureau ne peut accepter ce changement majeur du passé. A la fois scénariste et dessinateur, Ibrahim Moustafa a déjà creusé ce rapport au temps dans son livre précédent en réécrivant Le Comte de Monte-Cristo, roman d’Alexandre Dumas pour un faire de la science-fiction. Il y a de nouveau une dimension de science-fiction dans RetroActive. Le voyage dans le temps se fait par une montre et un ascenseur. Mais, au quotidien, les décors ressemblent de notre présent et la mission de Tarik est proche de celle de la sécurité intérieure des États-Unis. Comme un agent secret, sauver une vie est parfois un mauvais choix.
Après cette introduction linéaire, la suite de RetroActive est plus perturbante car Tarik meurt lors d’une opération… avant de revenir à la vie. En effet, un agent ne peut mourir tant que la mission n’est pas remplie. Avant, il doit subir une série plus ou moins longue de boucles temporelles pour trouver la solution. La lectrice ou le lecteur est tout aussi perturbé que le héros dont l’esprit est bousculé par ces voyages temporels successifs. La structure du livre devient plus complexe car on suit d’un côté une série de boucles temporelles sur une mission contre un groupe survivaliste et d’un autre côté la vie quotidienne et professionnelle de Tarik. Une frise chronologique en bonus permet de comprendre cette différence entre ce temps potentiel et le temps présent. Pour préserver sa raison, Tarik utilise une suite de chiffres certifiant qu’il ne perd pas la mémoire.
Des problèmes de mémoire
En effet, il craint de devenir fou comme sa mère. Tarik n’est pas seulement un agent mais il a une vie personnelle compliquée. Si, dans son métier, il sauve le temps, il court après dans sa vie de famille. Entre deux missions, il doit accompagner sa mère dans une maison de retraite mais elle refuse. RetroActive présente un conflit de mémoire familial. Sa mère ne peut accepter de quitter la maison et Tarik a honte de devoir abandonner sa mère dans un ehpad. On sent hélas peu ces sentiments car les visages sont très peu expressifs. Ce conflit personnel est aussi culturel. Fait assez rare dans les comics, RetroActive place au centre un héros arabe comme l’auteur, Ibrahim Moustafa. On lit de l’arabe et cet aspect multiculturel est d’autant plus rafraîchissant qu’il n’est jamais démonstratif mais fait partie du cœur du récit. Le racisme semble avoir disparu car dans le Bureau différentes communautés collaborent sans heurts. En effet, la mère de Tarik perd la mémoire alors que son fils doit préserver la mémoire collective. Sa mission le fait remonter aux sources du continent américain. Rétroactive permet de relire le passé sous l’optique tout de même des grands hommes. D’autres récits récents comme L’histoire populaire de la France ont nuancé cette idée. Dans une vision progressiste, un arabe défend le passé du pays mais aussi le présent. Le récit intègre une dimension géopolitique car cinq États possèdent un accélérateur temporel et les occidentaux se méfient des Russes et des Chinois. De plus, il y a également des traîtres dans l’agence.
Comme son héros, RetroActive est une histoire complète aux multiples facettes. Il cache un scénario très complexe et malin derrière un dessin plus fade par un encrage peu présent et une colorisation neutre. Le lecteur est totalement plongé dans les différentes strates du passé et ne voit plus le temps s’écouler avant d’avoir lâché le livre à la dernière page.
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