Les éditions Delcourt proposent un polar incendiaire dans tous les sens du terme avec Blacking Out. Partez dans les années 1970 avec un enquêteur au milieu d’une ville touchée par un vaste incendie.
Un polar brûlant
Dans Blacking Out, Conrad, ancien flic renvoyé pour alcoolisme, travaille désormais comme enquêteur pour un avocat de la défense. Il arrive au Sud de la Californie pendant la saison des feux de forêt pour trouver qui a tué Karen Littleton pendant un incendie l’année dernière.
Blacking Out commence à l’automne 2021 par un financement participatif et arrive aujourd’hui en France. Ce comics est très proche du format bd par la taille. De plus, le scénariste Chip Mosher, pourtant un spécialiste de la bd numérique, est tombé amoureux du format de récit complet en 58 pages en venant au festival de la BD à Angoulême. Il s’est associé avec le dessinateur Peter Krause connu pour sa relecture radicale d’un superman dans Irrécupérable.
Un voyage dans les seventies
Blacking Out évoque les polars des seventies bien entendu par le cadre chronologique bien campé par les voitures entre autres mais cela va bien plus qu’un décor. Le temps semble aussi figé car un incendie géant revient dans la région chaque saison. Comme dans les films de l’époque avec un prologue avant le générique, le titre arrive au bout de quelques pages. En effet, le livre commence par la fin puis le récit est fait en voix off par le personnage principal. On peut y déceler les pensées désabusées de Conrad. Blacking Out devient alors davantage le portrait d’un homme qu’une enquête policière (qui commence tard). Conrad est un looser en besoin d’argent et tentant de se refaire. Il n’est plus dans la police depuis un an et continue à boire. Il doit revenir dans le village où il exerçait à l’occasion d’un engagement pour le procès de Robert Littleton à la fois accusé de meurtre et d’incendie volontaire car il a mis le feu à une forêt pour dissimuler le cadavre de sa fille Karen. Conrad travaille pour l’avocat de la défense, Lund qui fait de ce cas une question d’honneur mais pourquoi choisit-il un enquêteur à la réputation si déplorable ?
Cependant, le détective privé n’a aucune piste. Au lieu de faire son travail, il préfère passer la soirée dans un bar et rentrer avec une serveuse, Anita. Il la voit comme celle qui va le sauver de la déchéance. Le collier en or avec un crucifix que l’on retrouve souvent n’est pas un accessoire mais son unique indice pour l’enquête et le symbole de sa quête de rédemption.
Une vision neuve de ce passé
Cependant, la société a changé dans Blacking Out car Mattie, meilleur ami de Conrad, est un mécano homo et est amputé du bras droit. Le sexe est très présent. Conrad espère démarrer une histoire d’amour pour se racheter car cette relation d’un soir est associée à des sentiments. Cependant, le sexe cause surtout des problème quand le désir dépasse la morale. Il est souvent tabou et peut être utilisé pour vous manipuler. Le feu du désir qui couve provoque des dégâts en explosant. Il ne reste alors que les cendres de la honte.
Les incendies qui entourent le village sont aussi une parabole du bouleversement qu’apporte Conrad en revenant dans la ville. Il carbonise les certitudes et ainsi met en danger les habitudes de certains. Cet homme en quête de rédemption est mis en parallèle avec Robert Littleton qui cherche à prouver son innocence.
Peter Krause adopte pour Blacking Out un style réaliste comme le montrent les véhicules ou les visages mais il ne cherche pas la précision dans chaque case car les décors sont souvent épurés. On pense à Sean Philips mais plus irrégulier. Il semble avoir du mal à garder une régularité sur tout un volume.
Entre deux plongées dans l’eau fraiche, Blacking Out est une parfaite lecture d’été. Sans vouloir dévoiler la fin, Chip Mosher et Peter Krause réalisent un polar nerveux et surprenant qui carbonisent nos certitudes.
Vous pouvez retrouver d’autres polars sur les sites avec les chroniques de Safrane Chu et Du côté de l’enfer.