Le Velvet Underground n’est sans doute pas le groupe le plus connu du rock, mais derrière ces deux mots se cachent cinq artistes qui ont révolutionné la musique et l’art dans la deuxième moitié du XXe siècle. Koren Shadmi le prouve dans une passionnante biographie en bd.
Le rock dans l’effervescence de la Warhol Factory
The Velvet Underground s’ouvre sur la mort d’Andy Warhol. À la fin des années 1960, New York vibre d’une effervescence artistique dans les multiples domaines. Au cœur de cette tempête se situe la Factory, local artistique autour du peintre et cinéaste Andy Warhol. Ayant été impressionné par un jeune groupe fondé par Lou Reed et John Cale, Warhol veut faire du Velvet Underground un spectacle total. Le livre remonte aux sources de ces deux musiciens parcours proches. Les deux refusent les concessions. On le comprend par la première partie de The Velvet Underground où le scénariste, dessinateur et coloriste Koren Shadmi montre en parallèle l’adolescence et la formation de Cale et Reed.
Élève brillant, John Cale a vécu une adolescence sinistre dans une banlieue de mineurs aux Pays de Galles. Il s’échappe par une bourse universitaire et étudie la musique à Londres se passionnant pour l’expérimentation. Lou Reed, né à Long Island, est un adolescent provocateur et bisexuel. Inquiets, ses parents le font soigner par des électrochocs. Reed en sort traumatisé. La poésie et le rock deviennent son moyen d’évacuer sa rage contre la société conformiste.
Sans aucune pesanteur, le court texte autour des cases et les dialogues décrivent les moments clés de la « carrière »du Velvet Underground. Le lecteur découvre l’arrivée de Cale à New York puis sa rencontre déterminante avec Lou Reed chez un minable label. Par les ajouts progressifs de nouveaux musiciens, on voit la musique naître dans leur logement misérable. Warhol leur apportera un écho sans précédent et poussera les musiciens à aller encore plus loin dans la violence musicale. S’il les laisse totalement libres pendant l’enregistrement, il peut se révéler très intrusif en imposant l’entrée de Nico comme chanteuse. On voit également les limites de cette influence : en-dehors de New York, leur approche est totalement incomprise.
Évoquer sans copier
Plutôt que de choisir le photoréalisme, le dessinateur Koren Shadmi s’inspire des photos de l’époque tout en gardant son style épuré. Il arrive à plonger le lecteur dans l’époque sans sacrifier à la rapidité du récit. Par les visages impassibles des musiciens, il réussit à montrer la tension créée par le groupe. En effet, la musique sauvage et les paroles directement offensante du Velvet Underground choquent le milieu musical mais sans obtenir le moindre succès commercial.
Il faut dire que la prostitution, le sado-masochisme et la drogue ne sont pas les thèmes les plus faciles pour passer à la radio. Koren Shadmi le montre en choisissant l’anthracite pour le bord des cases. L’ambiance de fin du monde et l’urgence du deuxième album sont très bien rendu par des cases plus denses. Pourtant, l’influence du groupe est si forte que ces quatre albums font du Velvet Underground le groupe « plus influent de notre époque » selon le New York Times et le dessin montre bien cette grandeur vénéneuse comme l’entrée de Nico dans le groupe.
Par son scénario, The Velvet Underground dépasse le biopic d’un groupe pour raconteur la fin d’une amitié. Le livre début par l’enterrement d’Andy Warhol où Lou Reed refuse de parler à John Cale. La suite du livre montrera comment le moteur créatif du groupe a pu exploser. Koren Shadmi accuse Lou Reed d’avoir été bouffé par un paranoïa alimentée par les drogues.
«Peu de gens ont acheté leur premier album mais chacun d’entre eux a formé un groupe» aurait dit le musicien britannique Brian Eno. On ne peut espérer que le contraire sur The Velvet Underground édité par La Boîte à Bulles tant cette biographie est riche et passionnante. En peu de pages, Koren Shadmi retrace toute une carrière et les personnalités essentielles qui gravitent autour du groupe.
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