La crise de covid a fortement limité nos déplacements. Désormais, le besoin d’ailleurs se fait ressentir avec plus de force. Pourquoi ne pas partir à l’aventure ? Dans Le passage intérieur, les éditions Delcourt proposent une traversée en kayak en Alaska.
Voguons vers l’Inconnu
Le passage intérieur s’inscrit dans le genre du récit d’exploration. Ce livre relate l’histoire vraie du scénariste Maxime de Lisle de l’idée à la fin du trajet. Un groupe de trois amis, subjugués par le récit d’un camarade, décide de réaliser un projet fou : traverser en autonomie un fjord en kayak pour profiter de la nature sauvage. Le choix de ce mode de transport original permet d’être au plus près des éléments et des animaux que l’on peut croiser dans l’eau (les baleines) ou sur les rives (des ours). L’idée est folle car certains n’ont jamais fait de kayak. En donnant les premiers coups de pagaie en Alaska, chacun doute.
L’Alaska n’est pourtant pas le premier voyage du quatuor qui a l’habitude des voyages en mode roots. Le passage intérieur se déroule aussi à un moment crucial de leur vie : Maxime vient de se faire larguer et le père de Moritz a des problèmes de santé. Ce trajet commun devient une leçon de vie. Le groupe doit rester solidaire et donc chacun s’éloigne de la vie moderne pour se reconnecter avec la nature. Avec les kayakistes, on observe les ravages du réchauffement climatique : 10% des cèdres rouge ssouffrent de la sécheresse endémique.
Un guide technique
Le voyage du Passage intérieur est un challenge technique Ces quarantenaires ne sont pas inconscients et préparent leur voyage. A l’image de Maxime de Lisle, ils font des recherches en ligne ou dans des romans, prennent des informations lors de rencontres avec des voyageurs ayant déjà réalisé cette expédition. On les voit galérer lors du premier entraînement en Bretagne et devoir changer leur « combis en néoprène de touristes ». Pourtant, ils ont des téléphones satellite en cas de problème et l’auteur dresse ,en bas de page, la liste des livres consultés, du matériel choisi et des victuailles. Plus loin, une page technique montre la différence entre kayak et canoë. Les courses sont mûrement réfléchies même si cela n’empêche pas de prendre des pistaches et du rhum pour l’apéro. Malgré toute cette préparation, les surprises et les déconvenues sont nombreuses.
Le dessinateur et coloriste, Bach Maï ,fait le choix d’un dessin à l’aquarelle qui correspond bien au projet de guide de voyage. Les formes semblent prises sur le vif et donnent du dynamisme à une mise en page plus sage que les remous de l’océan. Son style réaliste retranscrit avec justesse les décors et les architectures. Les couleurs directes ont un grand rôle pour représenter avec réalisme les paysages et transcrire avec force les émotions. Au début du Passage intérieur, ils permettent de séparer le rêve dans un monochrome marron de la réalité à venir. Hélas, on reconnaît mal les personnes.
On peut trouver que Le passage intérieur est un récit de boomers. Les dialogues et plus globalement les textes sonnent faux car ils sont très premier degrés. Ce sont quatre blancs ayant les moyens et la capacité de partir trois semaines à l’autre bout du monde… et donc d’exploser leur bilan carbone. Pire, ils y vont pour découvrir la nature. Certaines réflexions sont particulièrement naïves. Étrangers, ils jugent les bûcherons sans connaître leurs contraintes quotidiennes.
Dans le respect des romans d’aventure, Maxime de Lisle construit Le passage intérieur comme un exploration du monde et de soi , une leçon d’histoire et de biologie. Tout cela est condensé en soixante-dix belles pages illustrées par Bach Maï.
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