Alors que vous profitez de votre apéro au soleil, d’autres créatures profitent de la nuit pour se rassasier de votre sang dans Talyn. Ce récit met en lumière le monde des vampires dans Le cœur des ténèbres.
Talyn, le romantisme noir au XXVe siècle
Illustrant l’ambiance générale du livre, la première page nous montre le paysage futuriste d’une mégalopole composée d’immenses gratte-ciel alors que la pleine lune domine le ciel au-dessus des pointes des immeubles. Voici un paysage autant moderne que gothique. Les scénaristes Caspian Darke et Geoffrey Rickett proposent en effet dans Talyn un univers composite en intégrant les codes de l’horreur et de la science-fiction.
Le lecteur croise d’abord des créatures horrifiques. Talyn débute par un massacre dans l’Europe du XIIIe siècle ravagée par la peste noire. Vlad l’Empaleur et Amelia dirigent la maison royale de Vorden. Ils viennent tuer la reine des sorcières. Ensemble, ils ont formé les chasseurs Vorden luttant contre les adeptes de la magie.
Sans transition, on bascule dans le futur. Autrefois cité refuge des humains, la ville de Remnant est peuplée créatures issues des contes : des loup garous, des vampires, des gobelins et des démons. Une habitante Talyn est une combattante de rue en deuil depuis la mort de sa sœur cadette Tessa. Sans-abri, elle est placée au bas de l’échelle sociale alors que les créatures de la nuit – lycans et dives – règnent en maître. Simple humaine, elle combat des loups garous pour survivre mais refuse de plier.
Si le scénario suit des codes connus dans la bd, le dessin de Banished Shadow s’éloigne du papier pour se rapproche de l’animation japonaise. Les cases horizontales dominent et rappellent l’écran de cinéma. Le réalisme des visages ancre Talyn dans ce septième art. Les cases avec une couleur dominante et un violent contraste sur un élément de l’image rappellent aussi certains animés japonais. Cependant, les images sont gores et la violence frappe le lecteur. On peut cependant trouver les décors très légers.
Un récit de science-fiction ancré dans le contemporain
La confrontation de ces deux genres a aussi un sens politique. Talyn décrit l’opposition entre la nature et la société humaine. La ville de Remnant a pêché par excès d’orgueil. Son extension a attiré les créatures magiques qui ont détruit l’harmonie. Tout le monde se moque de la disparition d’enfants humains. Cet univers n’est pas binaire. La cabale d’ébène est un groupe de créatures magiques qui protègent les humains. Cette modernité se retrouve également dans l’héroïne principale. Talyn se considère comme responsable de la mort de sa sœur. Surnommée le chat des enfers, elle accepte de truquer les combats clandestins.
L’éditeur Black River sort le grand jeu pour Talyn avec un quantité astronomique de bonus sur environ le tiers du livre. Une galerie rassemble en pleine page les couvertures de la dessinatrice et coloriste Banished Shadow mais également les variant covers de Lap Pun Cheung, d’Abigail Larson, d’Emmaline Mae Kelly, Ibon Adarne et de Ben Tobitt. On y retrouve l’ambiance sombre et sanglante de la série. Dans une interview de trois pages, la dessinatrice Banished Shadow, les scénaristes Caspian Darke et Geoffrey Rickett remontent aux sources du projet. Des pages de scénario sont mises en parallèle avec les premiers croquis et les pages finales sans dialogues. Plus original, un très large dossier révèle des pages absentes de Talyn ainsi que les différents décors. Une galerie collective rassemble tous les personnages puis des pages font un focus sur les hommes et les femmes clés de la série. Banished Shadow explique comment elle a imaginé les antagonistes de Talyn (Vraeth le Chasseur, Crevin et Pug). Dans le journal créatif, Banished Shadow détaille la construction du personnage principal. On voit les premiers croquis de Talyn, un brune très gothique, avant le choix définitif de la tenue. Deux pages détaillent les recherches sur la coiffure. Cette recherche personnelle s’est vite confrontée aux retours de ses amis et de fans. Banished Shadow a intégré ses retours en modifiant le personnage considéré comme trop ressemblante à Lisbeth Salander.
Talyn se place au carrefour de différents genres. Proche de la fantasy, on trouve des créatures des contes et de la magie. Se déroulant dans le futur, les scénaristes tiennent un propos sur l’écologie, la justice sociale et les souffrances subies par les enfants. Un riche univers s’ouvre dans ce premier tome mais on aurait pu souhaiter un tome plus dense sans attendre la suite.
Frissonnez avec d’autres bd horrifiques : Silver Coin et Ice Cream Man.