Critique “Sea Prayer” / « Une Prière à la mer » de Khaled Hosseini : un livre court mais efficace

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En 2015, le monde fut choqué par l’image du petit Alan Kurdi. Un garçon syrien âgé de trois ans, retrouvé noyé, sa dépouille gisant sur la plage. Ce petit garçon, avec sa famille, cherchaient à fuir la guerre en Syrie en bateau par la Turquie. Cette photo a fait le tour du monde, et il devint un des inoubliables symboles des victimes de ce conflit. Inspiré par le destin tragique de cet enfant, Khaled Hosseini, auteur du « Le Cerf-volant de Kaboul », publia en 2018, « Sea Prayer » (Une Prière à la mer).

Thématiques :

Hosseini n’est pas étranger quand il s’agit d’écrire des histoires sur les thèmes de conflits ou de guerres. Dans ses livres précédents, il se focalisait sur le conflit en Afghanistan avec les talibans à travers ses personnages. Ce livre à beau changer la nationalité du conflit, il reste néanmoins un ouvrage porté sur la guerre et ses conséquences sur les hommes.

Les deux grands thèmes de ce livre sont le conflit Syrien et la famille.

Les deux thèmes sont étroitement liés. Le livre présente les pensées d’un père à son fils fuyant la guerre, la veille de leur traversée en mer. Refusant d’utiliser le « morbide » et de se focaliser sur la nature « graphique » de la guerre, « Sea Prayer » présente la peine d’un homme qui doit dire adieu à sa patrie. Un homme qui préfère concentrer la narration sur les détails qui rendaient la campagne Syrienne et la ville de Homs uniques.

À travers le texte, le lecteur ressent l’amour que l’homme a pour son fils, sa famille ainsi que son pays. Il aborde aussi l’angoisse de l’homme quand ils vont prendre le bateau pour rejoindre l’Europe. Le lecteur ne sait pas quelle sera l’issue du voyage. Réussiront-ils à rejoindre l’Europe, ou rejoindront-ils les milliers de morts en mer ?

Cette fin est une claque de réalisme pour le lecteur. Car cette conclusion non résolue reflète la réalité de millions de réfugiés qui prennent d’énormes risques pour venir en Europe.

Style :

La brièveté de ce livre pourrait le qualifier de nouvelle plutôt que de roman. Certaines pages arborent au maximum un paragraphe, et au minimum une phrase. Utilisant la première personne, Hosseini donne voix à un père de famille qui perd sa patrie, et qui est contraint de fuir la guerre avec sa famille via la mer. De cela résulte un texte émouvant qui permet d’humaniser les réfugiés de guerre. Il se focalise sur les émotions auxquelles tous peuvent s’identifier et se reconnaître, quelles que soient leurs circonstances.

Le style du livre pourrait revêtir deux formes.

Premièrement ce livre est présenté au public comme une lettre d’un père a son fils. Dedans, le père se lamente sur le destin de la Syrie, et le fait que leur famille soit forcée de fuir comme des millions d’autres vers un futur incertain mais, « plus sûr ». Il regrette la jeunesse de son fils qui n’aura pas les souvenirs de la Syrie.

Une deuxième lecture pourrait permettre au lecteur de lire le texte comme un monologue interne du narrateur. Le narrateur est le père qui raconte à son fils, la veille de leur traversée en mer, ses propres souvenirs de Syrie. Il déplore que son fils ne retiendra de son pays que la violence du conflit.

Critique “Sea Prayer” / « Une Prière à la mer » de Khaled Hosseini : un livre court mais efficace
Extrait « Sea Prayer » – Illustration de Dan Williams

Dessins :

Avec les aquarelles de Dan Williams, le livre prends une autre ampleur. En concert avec les pensées du narrateur, Dan Williams dépeint les paysages de la Syrie, la campagne et la ville de Homs. Le style du dessin fait penser à un carnet de voyage. De simples croquis mettent l’accent sur le détail des décors plutôt que des personnes. La peinture à l’eau déborde des traits.

Ses dessins illustrent des détails anodins « tels » une cafetière ou bien des silhouettes des passants marchant dans la ville et le souk. Quand le narrateur décrit Homs, le peintre utilise de simples coups de stylos pour donner un squelette au décor, pour laisser ensuite les couleurs de ses peintures s’exprimer.

Une note très importante est à signaler. Durant tout le livre les dessins de l’artiste se focalisent sur les silhouettes et non sur les visages des personnes. Cela souligne que n’importe qui pourrait devenir victime de conflit et de guerre. Ainsi, tout le monde pourrait s’identifier aux silhouettes. L’anonymat des masses montre l’anonymat des victimes. Tout le monde peut subir les conséquences d’une guerre.

Un autre détail des dessins est l’utilisation de la couleur. Tout d’abord, Williams peint principalement avec des couleurs vives, claires, vibrantes et lumineuses. Ainsi il montre la nature de la campagne syrienne et la ville de Homs, avant le conflit Syrien. Ensuite, les scènes deviennent plus sombres, privilégiant les couleurs telles que le bleu foncé ou le noir. Cela permet de refléter la tristesse, la peur et la peine du narrateur quand le conflit éclate et l’incertitude du voyage en bateau.

Impression Globale :

« Sea Prayer » est court et émotionnellement puissant. Accompagné par des illustrations simples aux peintures coulantes, le livre est présenté avec des croquis d’une Syrie d’avant-guerre et une famille faisant face aux dangers de la mer. Il est présenté face à l’enfance du fils syrien qui ne connait que les bombes, les cratères et les dégâts qu’engendrent la guerre.

Le partenariat du texte avec les dessins résulte en une œuvre marquante pour sa beauté artistique et la poésie de la narration. « Sea Prayer » a été inspiré par le conflit. Il rend hommage aux milliers d’anonymes qui ont perdu la vie dans leurs fuites vers une vie meilleure.

Ce livre est disponible en librairie et les bénéfices engendrés par les ventes seront donnés à la Foundation Khaled Hosseini pour aider les réfugiés autour du globe ainsi que l’UNHCR (L’agence des Nations Unis pour les réfugiés).