[Critique] Reines de sang : les trois Julia, le péplum féministe ?

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Depuis quelques années, Delcourt dynamite la BD historique avec les Reines de sang, une série historique sur les femmes. Un nouveau portrait apparaît avec les trois Julia. Plongeons ensemble dans la Rome antique.

Une BD féministe ?

La collection cherche à réparer un grave oubli en replaçant les femmes dans l’Histoire. Loin d’être uniquement lié à la BD, ce mouvement général concerne aussi les historiens. Les Reines de sang permettent de découvrir des figures connues comme Cléopâtre, Jeanne d’Arc mais aussi des figures encore trop méconnues de l’Histoire comme Tseu Hi, Frénégonde ou ici Julia Maesa. Mais présenter une femme dans l’Histoire est-ce féministe pour autant? On peut tout d’abord signaler que le livre est fait par des hommes. Le scénariste Blengino Luca, le dessinateur Sarchione Antonio sont italiens alors que le coloriste Georges Gaétan est français. La BD franco-belge est clairement devenue européenne.

Une femme derrière l'empereur

Une plongée dans une histoire méconnue ?

Tout commence en Syrie dans un temple d’Héliogabale, un puissant culte oriental et le début du monothéisme. Contrairement à de nombreux péplums comme Britannia, le lecteur est plongé en 217, le bas-empire ou la fin de l’empire romain. Lors d’une campagne militaire, l’empereur Caracalla est assassiné par vengeance familiale. Sa belle-mère – Julia la philosophe – se suicide en se tranchant le sein. Qui va lui succéder ?

Violent sans être gore, Les trois Julia monte une lutte de pouvoir pour le poste d’empereur. On assiste en effet dans ce premier tome au conflit politique entre les partisans de la lignée gens Iulia et le nouvel empereur sans lignée. Elle n’a à priori aucune chance de régner. Cependant, Maesa invente la fable que son petit-fils est né d’une relation extra-conjugale avec Caracalla pour mettre en avant le futur Héliogabale. Cette légende fait basculer l’empire dans la guerre civile. On découvre que l’empire est traversé de tensions sociales mais aussi marqué par le racisme entre occidentaux, Rome, et orientaux, l’ancien empire d’Alexandre le Grand. L’équipe artistique ne se contente pas d’inventer mais ils ont fait appel à Maurizio Ricci comme consultant historique. Le récit est bien plus clair et prenant que Les trois fils de Rome.

Une famille dysfonctionnelle

L’histoire est centrée autour de Sextus Avitus Bassianus et de sa grand-mère Julia Maesa qui ne veut pas perdre le pouvoir. Elle refuse de laisser le poste d’empereur au général Macrin – un ancien esclave. Pour s’en débarrasser, l’empereur la déclare persona non grata. Elle doit subir un exil forcé à Émèse, en Syrie. En plus de la grand-mère, on retrouve plusieurs maîtresses femmes dans cette famille– une de ses deux filles utilise les esclaves comme jouet sexuel. Mais des femmes dominatrices sont-elles féministes ?

Un style proche du comics

Une belle réalisation

Dans ce volume de 56 pages, Sarchione a un dessin rapide et vif. Il s’appuie sur une mise en page comics avec un recours fréquent à de pleines pages et une organisation autour d’une image centrale et des cases autour. Le récit utilise beaucoup de texte mais il est prenant et bien écrit.

Ce récit dense et passionnant nous offre la chance unique de découvrir une période méconnue de l’empire romain. Cette BD est de plus salutaire car elle met en avant des figures féministes mais ce n’est pas un récit pédagogique. L’empire est le récit de violence. Totalement conquis par le premier tome, le lecteur a hâte de lire la suite et de voir quelle sera la place de Julia.