Critique de MFK Dark Vegas tome 2 : escape from Dark Vegas

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MFK Dark Vegas

En 2022, Run surprend le public en sortant le tome 1 de MFK. Il s’agissait de la suite de Mutafukaz, son œuvre culte inspirée par le cinéma de John Carpenter (notamment Invasion Los Angeles), dont le dernier tome parut en 2015. Le succès fut immense et c’est avec impatience qu’était attendu le second opus.  A la lecture de celui-ci le constat est sans appel, Run est un des grands noms de la BD.

Pas de vacances pour les héros

Sept ans avant MFK, Vinz, Angelino ont sauvé la terre d’une invasion d’entité cosmiques. Depuis ils sont retournés à Dark Meat City pour reprendre leur vie paisible. Sous leurs yeux, la ville renaît et efface les stigmates des combats passés. Malheureusement, le monde reprend ses mauvaises habitudes, la désinformation se répand comme une traînée de poudre et leur ville devient à nouveau un volcan prêt à exploser.

Obligés de fuir leur ville, ils décident de retrouver leur ami Vinz qui n’a plus donné de nouvelles depuis sept ans. Mais celui-ci  a toujours le chic pour se mettre dans les situations les plus improbables. Le trio reconstitué doit à nouveau s’échapper et décide de poser ses valises à Dark Vegas. Quoi de mieux que la capitale du jeu et du vice pour se remettre de ses émotions. C’est oublier qu’une malchance semble les suivre car à peine installés à l’hôtel Cléopatra’s, la ville est frappée par un terrible virus.

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MFK Dark Vegas : Entre Very bad trip et Zack Snyder

Ce qui reste à Dark Vegas reste à Dark Vegas. Cette phrase célèbre résume bien le début de ce volume. Nos trois comparses ont décidé de se remettre de leurs émotions en se payant une bonne tranche de vie. L’excès, la folie, la démesure, la décadence de Dark Vegas sont l’occasion pour les trois amis de retrouver leur complicité tout en découvrant le sens du « no limit ». Dark Vegas c’est la capitale du kitsh, du mauvais goût assumé et décomplexé, le tout transcendé par le culte des images et l’omniprésence des réseaux sociaux. Un very Bad trip puissance 10

Mais  dans la suite du récit, l’histoire nous plonge dans Army of the dead de Zack Snyder. Pour nos héros, l’aventure devient une mission de survie. Dans une ville ravagée par un virus qui transforme les paisibles fêtards en monstres agressifs, ils ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes. Et il va falloir aller vite car l’armée a décidé d’endiguer cette épidémie qui rappelle les sombres heures de l’invasion alien. Le récit va alors se déployer à 100 heures proposant des scènes épiques, drôles, cruelles et toujours surprenantes.

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Ce cher monde moderne

La série MFK égratigne sévèrement notre monde moderne. Comme dans le volume précédent, les réseaux sociaux et leurs utilisateurs en prennent pour leur grade. Notre addiction au paraître, notre propension à croire la première rumeur venue et à accorder notre confiance aux premiers « faux prophètes » venus en font de nous des cibles toute désignées de la bêtise ambiante.  Et Run ne prend pas de gants pour nous asséner quelques vérités bien senties et malmener notre monde contemporain totalement schizophrène où pullulent les extrémistes de tout bord.

Ce tome 2 s’amuse aussi à jouer avec nos souvenirs de la pandémie de Covid. Cette grande ville tout d’un coup confinée fait ressortir des peurs encore vivaces. La peur de l’autre, l’instinct de survie reprennent le dessus. Le monde idéal s’effondre tandis que les autorités doivent reprendre la main. Mais comment, si ce n’est en prenant des décisions draconiennes ? A ce titre, Run va au bout de sa démarche jusqu’à un final époustouflant.

MFK Dark Vegas

MFK Dark Vegas : Run sans limites

La série Mutafukaz était déjà un bijou graphique. Le tome 1 de MFK avait poussé les potards  deux crans au-dessus. Ce second tome va encore plus haut. Visuellement en effet, l’album est une tuerie. Run construit des univers foisonnant de détails. Il s’inspire de différents styles (caricature, réaliste), insère des écrans, des néons, de grandes planches, de fausses affiches. Il multiple les angles de vue, joue avec les types de cadre. Cette diversité vient appuyer une narration extrêmement fluide, un rythme endiablé qui nous emporte dans une course contre la montre désespérée.

Run multiplie aussi les hommages à toute une culture populaire qu’il aime. Il y a d’abord la célébration de Las Vegas avec ses personnages hauts en couleur (d’Elvis aux boxeurs), avec son architecture démesurée, ses couleurs. Il y a surtout une lettre d’amour aux cinémas de Romero, Tarantino ou de Michael Bay ainsi qu’aux films de genre. Au détour d’une case, le lecteur s’amusera à repérer les références aux Goonies, à Machete ou encore à  Une nuit en enfer.

MFK Dark Vegas est un comics qui va longtemps vous hanter. Brillamment écrit, magnifiquement dessiné, c’est une œuvre totale, décomplexée qui confirme l’immense talent de son auteur. Vous pouvez retrouver cet album sur le site de la maison d’édition Rue de Sèvres.