Critique « Coyotes (t.2) » de Sean Lewis & Caitlin Yarsky : les femmes prennent les armes !

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Une BD féministe aussi prenante qu’un film d’horreur ? Voici Coyotes, sortie chez Hi Comics.

Dans une ville-frontière entre les États-Unis et le Mexique, Frank Coffey, un nouvel officier de police, arrive sur le lieu d’un massacre. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il se rend très rapidement compte que ces meurtres sont commis par une meute de loups-garous. Dans le premier tome, Analia, l’héroïne principale est poursuivie par ces loups. Elle découvre alors les Victorias, une secte de femmes combattantes, puis des vieilles sorcières dont Abuela. Découvrant un danger pour la liberté des femmes, Analia et Abuela partent au nord chercher les survivantes des attaques.

Critique "Coyotes (t.2)" de Sean Lewis & Caitlin Yarsky : les femmes prennent les armes !
Coyotes présente des femmes en lutte

Monstres et sociétés secrètes féministes

Grâce au scénario de Sean Lewis, le lecteur est plongé dans un récit fantastique : des potions magiques, des divinités et des noms ésotériques. Avec l’héroïne principale, le lecteur découvre différentes organisations féminines qui luttent en secret contre ces coyotes. Les nombreuses péripéties sont bien structurées et nous dirigent vers une bataille finale grandiose. Une légende révèle l’origine des prédateurs. Au début des temps, ces derniers vivaient avec Gaia, la déesse mère, dans les ténèbres. Elle créa la vie mais, jaloux, les coyotes attaquèrent et violèrent ses filles. Cette légende illustre la jalousie des hommes. Coyotes est certes un récit d’action mais c’est aussi une parabole féministe. Les femmes ne se laissent pas faire. Selon la légende, Gaïa ayant dispersé les loups, elle recrute quatre grand-mères pour les garder séparés pendant qu’elle se repose.

Ce sont certes des combattantes mais elles refusent de les tuer contrairement aux loups. Pour elles, ces animaux sont nécessaires au maintien d’un équilibre naturel. Un père ayant porté la peau de coyote est jugé par des femmes et doit servir le groupe le temps qu’il change de comportement. Cette rédemption est fragile car lors de l’attaque des coyotes, la plupart des prisonniers reprennent leur peau de loup. Sean Lewis, qui a déjà publié The Few chez le même éditeur, utilise le réel pour faire encore plus peur. Les meurtres de femmes ne sont pas une pure invention car à Ciudad Juárez plus de 1600 femmes ont été tuées. Ces thèmes s’incarnent par des personnages. La sorcière est très drôle car elle rejette toutes les contraintes sociales, ce qui contraste fortement avec Analia qui, elle, est plus posée.

Une héroïne indépendante

Coyotes est également le récit de l’émancipation d’une femme. Longtemps victime, Analia refuse de subir la tyrannie des hommes déguisés en coyotes. Cette petite fille devenue femme forte passe de proie à chasseuse. Portant une cape rouge, ce personnage principal est une réinterprétation du petit chaperon rouge qui refuse d’être dévoré. Le scénariste déplace les valeurs héroïques. La fragilité devient une arme quand les os cassants des vieilles sont transformés en couteaux. Hi comics soigne ce volume d’une série qui leur tient à cœur avec en bonus des croquis, des photos d’amis pour jouer certaines scènes qui permettent de comprendre l’envers de la création.

Critique "Coyotes (t.2)" de Sean Lewis & Caitlin Yarsky : les femmes prennent les armes !
Toute une généalogie de la lutte

Coyotes : une dessinatrice à suivre

Le dessin de Caitlin Yarsky correspond bien à cette ambiance sombre et angoissante. Ses visages sont très expressifs grâce à des grimaces et des traits anguleux tout en restant réalistes. La dessinatrice est très douée pour les passages oniriques : la grand-mère racontant une légende, son récit apparaît au milieu de la fumée bleue de son cigare. La violence contre les femmes est parfois directe comme cette image gore d’une femme carbonisée par le loup de lave. Comme le montre une pleine page bleu électrique comme un rêve, l’artiste sélectionne une teinte commune par page.

Coyotes est une histoire complète en deux tomes qui mélange avec brio le mythe du loup-garou et la réalité des féminicides. Le récit qui a mis trois ans à être conçu montre l’émancipation des femmes mais cela ne va pas sans mal : Analia a perdu sa sœur, sa mère et enfin sa meilleure amie. Ce thème certes très actuel passe souvent avant la profondeur des personnages dans un récit peut-être trop court.