Les adaptations littéraires pullulent dans la bd franco-belge mais on sort rarement des grands classiques. Le choix de L’homme qui corrompit Hadleyburg, un récit méconnu de Mark Twain, est forcément intrigant tout comme le sujet. Un homme peut-il changer toute une ville ?
Voyage dans la ville la plus honnête d’Amérique
L’homme qui corrompit Hadleyburg est une nouvelle tardive de l’auteur de Tom Sawyer et Huckleberry Finn. Il y réfléchit à la moralité et l’arrogance des individus. Dans la première page, le lecteur suit une ombre arrivant à Hadleyburg. Cette bourgade est si fière de sa réputation de ville la plus honnête des Etats-Unis qu’elle l’inscrit sur son panneau d’entrée. L’ombre est celle d’un homme venant pourtant se venger car, dans le passé, les habitants n’ont pas su l’accueillir. Il a organisé un stratagème machiavélique : il offre 40 000 dollars uniquement à la supposée personne qui l’aurait aidé lors de sa première visite à Hadleyburg. En attendant, le pactole est donné au pasteur qui ne tarde pas à recevoir des lettres des habitants prétendant être ce bienfaiteur…
Tout le pays se passionne pour cette affaire. Cet événement extérieur fait exploser les conventions et révèle les secrets d’une communauté. Les contradictions de chacun explosent le jour de la révélation. Par contre, le livre manque de pages car on peut trouver le changement des purs habitants en démons trop rapide.
Un fan de Twain
L’amertume nourrit L’homme qui corrompit Hadleyburg car la nouvelle a été écrite à la fin de la vie de Mark Twain. On le voit dans la première page de la bd : l’auteur américain est touché par la mort de sa fille et survit par des conférences en Europe pour payer ses dettes. Cette nouvelle est à la fois une critique et une référence à la religion catholique. D’un côté, si on remplace la lettre par une pomme, on voit bien la référence au mythe de la tentation. D’un autre côté, Mark Twain dénonce l’hypocrisie des croyants qui agissent loin des Évangiles dans leur vie quotidienne.
Le scénariste et dessinateur Wander Antunes De Souza a raccourci le récit en s’arrêtant à la cérémonie mais a rajouté de l’orage et a laissé plus de place à Jack Halliday. Cet exclu repère les contradictions d’Hadleyburg. Wander Antunes De Souza est si fan de Twain qu’il n’a pu s’empêcher d’insérer les personnages de Tom Sawyer, Huckleberry Finn et les premières lignes de la nouvelle. Dans l’avant-propos, il nous explique son rapport avec l’auteur américain. L’artiste Brésilien a commencé enfant mais c’est en approfondissant ses lectures qu’il a compris que Twain est un auteur engagé n’hésitant pas à bousculer les règles.
Un dessinateur au service du récit
Wander Antunes De Souza utilise toute la page de ce grand format. Même s’il insiste sur le caractère adulte des récits, il a un trait proche du franco-belge classique. Les lignes courbes font penser à l’enfance alors que la colorisation très suggestive et les traits visibles au feutre évoquent la bd indépendante. En effet, la couleur a une grande place dans L’homme qui corrompit Hadleyburg. Wander Antunes De Souza propose des contrastes violents sans rapport avec la réalité. Un homme rouge entoure un paysage nocturne pour illustrer la colère arrivant dans un lieu paisible.
Édité par La Boîte à Bulles, L’homme qui corrompit Hadleyburg est une visite sombre dans la réalité d’une petite ville. Inspiré par Mark Twain, Wander Antunes De Souza nous montre l’hypocrisie des habitants mais aussi leurs tourments intérieurs. Tous n’acceptent pas facilement de mentir mais à vous de deviner qui en lisant cette bd.
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