Le nouveau numéro de la revue de science-fiction Métal Hurlant a mis en titre des vacances métalliques. Une lecture parfaite pour la plage (ou les journées sous la pluie selon votre destination) mais c’est plutôt à une sombre vision de l’avenir que nous convient les multiples auteurs. Préparez-vous au pire et frissonnez de plaisir en lisant ma chronique.
Découvrez le futur de la bd
Ce onzième numéro de Métal Hurlant s’ouvre sur une préface désabusée du rédacteur en chef. L’exploration ne sera non seulement pas pour notre génération mais sera déléguée à des intelligences artificielles. Heureusement il reste à éduquer ces robots à la plus grande invention humaine : le tourisme et les loisirs. Plusieurs récits traitent du voyage intérieur ou de l’exploration spatiale mais, contrairement aux autres Métal Hurlant, le thème de ce numéro est très lâche. Cette plus grande liberté offre au lecteur des récits très touchants comme La mort de César par Daniel Blancou sur le deuil et le travail d’un acteur.
Cette liberté est aussi visuelle. Le dessin très réaliste et tout en douceur par les couleurs pastel de Karl Johnsson cohabite avec le style très brut au feutre noir de Daniel Hansen. Maribel Conejero est visiblement très inspirée par le langage alors que Gabriel Ippolini s’inscrit dans le réalisme de la bd européenne. Avant chaque récit, une courte présentation des artistes vous apporte de multiples conseils de lecture. Métal Hurlant devient alors un appel à lire davantage.
Certains récits ont marqué votre chroniqueur mais rien ne vous empêche de chercher vos passages préférés. Thanatus de Karl Johnsson suit une femme partie dans l’espace à la recherche du fils cadet de la reine. Cette déambulation certes hermétique se révèle très poétique. Erwan Surcouf se moque de la folie contemporaine de tout évaluer tandis que Jacques Després propose une inquiétante descente en noir et blanc dans des fonds océaniques. On rit aussi beaucoup dans le récit d’Alexandre de Moté et Pierre Placé : Un conflit de voisinage se règle par une bataille rangée digne de Donjons et Dragons ou d’Elden Ring ?
Craignez le futur
Au fil des pages de Métal Hurlant, des thèmes communs apparaissent. En lien avec l’essor des IA, le rapport à la machine est souvent questionné. Un véhicule intelligent chasse son occupante. Coupant du réel, des rêves virtuels rendent dépendant. Quand ce n’est pas l’infirmerie qui inquiète, un problème de voisinage dans Visite nocturne rend fou tout un immeuble.
Les auteurs choisis par Métal Hurlant pointent les dangers des autorités. La religion crée des fanatiques qui parfois voient dans la science une hérésie, un danger à détruire. Le monde extérieur est rarement une aventure mais un monde menaçant. Rester à la maison dans un monde virtuel est une solution évoquée dans plusieurs récits mais cette échappatoire à la réalité devient une drogue.
Cependant, Métal Hurlant n’est pas seulement une compilation de bds mais devient un magazine de plus en plus complet. Le retour du mange-disque propose de multiples lectures dont une bd sur le Velvet Underground. Cette rubrique a un pendant sur le cinéma avec Vidéo club. On quitte le futur pour s’ancrer dans le présent avec Sang neuf où Jean-Christophe Chauzy raconte sa longue maladie. Avant chaque récit, Otto Maddox présente de manière succincte une œuvre d’art.
Après le cinéma et la musique, Maddox met en lumière 27 œuvres de bd et des artistes méconnus autour du thème de la frontière. La pile des conseils se forme sur la photo. Blue Bird est une bd de bikers hyperviolentes par Malik et Brouyère. Saviez-vous que Carlos Giménez, connu pour ses titres autobiographiques, avait écrit de la science-fiction ? Maddox plonge dans les refonds de la bd classique pour ressortir le diptyque dystopique Haxtur. Il fait du treizième tome de Tif et Tondu un chef-d’œuvre.
Le moment majeur de ce volume de Métal Hurlant est l’interview de Liu Cixin. Cet auteur chinois de science-fiction a été récompensé par plusieurs prix et Le problème à trois corps sur Netflix adapte un de ses romans. Avec beaucoup d’humilité et en évitant tout discours politique, il parle de son succès international de la place de sf en Chine. Un texte ensuite montre la complexité de sa place dans la science-fiction actuelle.
On parle de cinéma avec Guillaume Rocheron, le directeur des effets spéciaux de 1917 puis Melvin Zed est invité pour parler de l’évolution de Mad Max. La revue est aussi engagée en invitant Riss. Le rédacteur en chef de Charlie Hebdo parle de sa vision du monde, de sf et de son rapport à Métal hurlant. Une nouvelle rubrique, Making-of, dévoile les coulisses d’un projet artistique : il s’agit pour ce numéro de We Are Zombies. Ce onzième volume de Métal Hurlant se conclut par une chronique sur un jeu vidéo indépendant dont Guillaume Singelin a réalisé le character design et un entretien avec un créateur de jeu Ken Levine.
La revue des Humanoïdes Associés prolonge son splendide héritage dans ce onzième numéro. Malgré l’inégalité des récits inhérent à ce genre, Métal Hurlant prouve la diversité de la bd actuelle et les riches promesses d’auteurs et d’autrices à venir. Pourtant et étrangement, on retrouve parfois un regard méprisant sur la jeunesse comme dans l’interview de Riss.
Partez vers d’autres futurs en lisant les chroniques du numéro précédent et d’un hors-série de Métal Hurlant.