Coccinelle dessine en un volume le bilan de la vie sulfureuse d’une des plus grandes divas du XXe siècle. Ayant débutée dans un cabaret parisien, elle devient une star internationale qui va bousculer les barrières du genre.
La biographie d’une étoile du cabaret
Le livre remonte à l’enfance de Coccinelle en province. Il s’amuse dans le jardin d’un château où son oncle était jardinier mais ce n’est qu’un moment de répit tant le reste du temps sa vie est en enfer. Son père alcoolique est aigri. Il veut que son fils soit un homme, un vrai. Sa mère boit également mais perçoit très vite les désirs de son fils. En effet, Jacques-Charles s’habille très tôt en femme et veut devenir coiffeur. Il travaille en secret dans un salon mais son père refuse qu’il fasse un travail féminin. Finalement, il devient voiturier dans les grands hôtels et rencontre le luxe. Une amie l’emmène dans Le cabinet de madame Arthur, premier cabaret avec des transformistes. Elle y crée un spectacle sous le nom de Coccinelle qui obtient un succès rapide dans le milieu festif puis plus large. Elle fait de longues tournées à l’étranger et rencontre les stars de l’époque : Bob Hope ou Maria Callas. Coccinelle multiplie aussi les les amants qui franchissent rarement la porte de sa chambre. Elle conserve ses rêves d’enfant : trouver le prince charmant.
Coccinelle est un récit sur le genre. Depuis l’enfance, le jeune homme se sent à part mais il n’ose pas dire qu’il veut être une fille. Il ne joue pas avec les garçons de son école non-mixte qui se moquent par le surnom de petite princesse. Ce rêve va à l’encontre des normes. Son père refuse qu’il coiffe des femmes. Il est prêt à le frapper d’être devenue transformiste. Jacqueline Charlotte Dufresnoy doit aller faire son service militaire ce qui donne des situations absurdes.
Cependant, malgré l’opposition de la société, Coccinelle passe sa vie à devenir une femme. Très jeune, elle commence par mettre les vêtements de sa mère et à se maquiller en secret. Plus tard, elle dépense beaucoup dans les vêtements féminins de luxe. Coccinelle assume en public puis sculpte son corps par les hormones et la chirurgie esthétique. Ces changements font qu’elle est affectée à un corps féminin pendant son service militaire. Voulant épouser son amoureux, elle fait appel au célèbre avocat Robert Badinter. Elle se fait opérer et on voit la souffrance que ce changement de sexe procure. Pourtant, la jeune femme est si heureuse de ce changement qu’elle en fait une annonce publique et provoque un scandale. Sans jamais en faire un acte politique, Coccinelle va pousser plus loin le scandale. Dans la préface douce-amère, son dernier époux laisse transparaître l’image d’une femme libérée, épicurienne mais aussi nostalgique de n’avoir pu réaliser tous ses rêves.
Une vie gay dans les années 50
Également éditrice et directrice du magazine culturel italien des vallées alpines, Gloria Ciapponi fait en parallèle un portrait individuel et la fresque d’une communauté. Par l’exemple de Coccinelle, le lecteur découvre la vie gay parisienne de l’après-guerre. L’androgynie de Coccinelle fait son succès. Elle invente une nouvelle manière de vivre sa vie librement. Elle fréquente la jet set et a plusieurs aventures avec des hommes dont le corps d’origine de Coccinelle ne dérange pas. Pourtant, ses meilleurs amis sont des trans ou des gays comme Charles Trenet. Au départ, la scénariste Gloria Ciapponi ne cache pas la mesquinerie du milieu, puis on découvre la solidarité des groupes opprimés. Quand Jacques-Charles est chassé de chez ses parents, il est accueilli par une autre transformiste du cabaret. Ils vivent en tribu et s’entraident pour un appartement. Cette vision d’une société patriarcale ne concerne pas seulement Coccinelle : n’ayant pu devenir ce qu’elle voulait, sa mère se noie dans l’alcool.
La première partie file comme une bulle de champagne. Cependant, des zones d’ombre perdurent. Il n’est jamais dit que Coccinelle prend des hormones. En un volume, le scénario reste sur la surface. On voit les spectacles, les fêtes et les discussions entre amis mais rien de dramatique. En effet, Coccinelle ne remet jamais en cause les codes féminins mais elle s’y conforme. Elle vante même ses qualité de cuisinière et se marie à l’église.
Luca Conca fait le choix d’un dessin réaliste que l’on peut comparer avec des photos de différentes périodes en bonus. Conca restitue l’époque et les visages. En revanche, l’encrage au crayon et la colorisation traditionnelle laissent une impression rétrograde, peu en rapport avec le propos. Les nombreux traits amplifient l’impression de brouillon.
Édité par La Boîte à Bulles, Coccinelle décrit le combat d’une femme pour vivre sa vie. Le récit est pudique. Coccinelle rêve d’être une femme mariée. Ce rêve banal fait d’elle une révolutionnaire. La société accepte l’excentricité mais pas qu’elle épouse son amoureux.
Retrouvez sur le site d’autres vies incroyables avec Le dernier sergent et The Velvet Underground.