Quel lecteur de comics n’a jamais rêvé de se promener dans le repère du chevalier noir ? Avec Batcave, Urban comics nous offre une visite complète. Suivez le guide.
Batcave est le premier titre de la nouvelle collection Batman Mythology qui regroupe différents récits anthologiques autour du mythe du chevalier de Gotham. Six autres livres sont prévus sur Gotham City, Bruce Wayne, la Batmobile, les alliés et les morts de Batman.
Une visite exhaustive de la Batcave
Ce volume est divisé en trois parties : les origines de la Batcave, la salle des trophées et les contes autour du repère. C’est donc un excellent moyen de découvrir les premiers pas du mythe dans les années 40. Dans l’entre-deux-guerres, le refuge des Wayne est une maison de banlieue en campagne assez simple et, sous la grange, on trouve la base. Loin d’être un détail, le choix du départ est issu d’une vision négative de la ville, une peur de l’urbain. Les plans des différentes Batcaves montrent son évolution au fil du temps. Au départ, il s’agit surtout d’une salle des trophées avant d’accueillir les différents véhicules du héros, un labo scientifique, des archives sur les criminels… Au fil du temps, la maison devient un manoir néo-gothique de plus en plus vaste. On découvre enfin l’origine de la pièce géante, du T-Rex et d’autres bases comme un repaire volant construit pour respecter une promesse. Tout ne se passe pas à Gotham comme lors de la visite d’un univers parallèle.
Des éléments très concrets permettent d’expliquer la construction de cette base immense. Le Dynamique Duo mettait la main à la pâte pour les travaux électriques… mais c’était avant les lois sur le travail des enfants. Lors d’un voyage dans le temps, ils découvrent que la cave date des trappeurs en lutte contre les cruels indiens ce qui permet d’enraciner Batman dans les origines du pays. Ce volume affiche aussi les contradictions des différentes versions de la grotte – dans les années 50, Bruce la découvre adulte sous une grange mais cela se passe enfant à partir des années 80 – ou les ajouts successifs. Le lien de ces épisodes avec la Batcave est parfois lâche – un simple objet est le point de départ d’un récit. En effet, dans une salle aux 1001 trophées, ces souvenirs sont une bonne excuse des scénaristes pour narrer l’origine des criminels : le casque Red Hood permet d’expliquer l’apparition du Joker.
Une rivière de talents coule dans la Batcave
Même si on retrouve souvent le scénariste Bill Finger, le lecteur navigue dans les styles très différents mais souvent créés par de grands artistes. Le dessin très gothique de Gene Colan parfaitement adapté à un récit de possession animale précède un joli conte pour enfants de Jay Stephens. Dans les premiers temps, on peut noter les dessins épurés de Lew Sayre Schwartz ou de Sheldon Moldoff. Un épisode de Moldoff rappelle une certaine série basée à Riverdale. Le volume s’achève par deux épisodes plus récents issus de La cour des hiboux et du Badge. C’est visuellement superbe et incomplet ce qui pousse à lire ces volumes. Le lecteur peut avoir un choc quand un épisode de 1989 succède à un chapitre de 1954 : le scénariste lettré Dennis O’Neil arrive après Bill Finger, le dessinateur expressionniste Dick Giordano après Sheldon Moldoff. Tout n’est pas parfait bien entendu – les dessins de Jim Mooney sont proche des croquis. Mais cela ne signifie pas dire que les épisodes anciens sont dépassés.
Un magnifique voyage dans le temps
Plongez dans ces nombreux épisodes tel un aller simple dans le passé. On sourit de certaines modes vestimentaires. Le lecteur voit non seulement l’évolution du style de dessin et des techniques de scénario, mais on perçoit le contexte de l’époque. Dans les années 40, Batman et Robin sont avant tout des justiciers en lutte contre le crime organisé où le mal est toujours puni à la fin. On savoure donc un mélange entre des récits criminels populaires, les pulps, et des récits pour enfants, entre une morale très claire et des actes sanglants. Beaucoup de criminels meurent atrocement : asphyxié dans un sarcophage, noyé… Ce rafraîchissant cocktail peut paraître étrange aujourd’hui par rapport aux récits actuels certes plus nuancés mais aussi aseptisés. En fait, ces récits reflètent leur époque : dans les années 40, la mafia sort grandie de la fin de la Prohibition.
Dans les années 50, même si le Duo dynamique se confronte toujours à des agents de la pègre, l’ambiance est plus loufoque. Les scénaristes s’amusent en commençant par une image frappante de Batman et Robin dans une situation impossible – Bruce Wayne doit par exemple attendre Batman avec le commissaire Gordon. Certains chapitres peuvent être de brillantes réussites comme un épisode entier traçant un chemin parallèle entre l’inconscient de Bruce et celui d’un criminel.
Batman Mythology est donc un excellent moyen pour un nouveau lecteur de lire des épisodes parfois très anciens et introuvables en France. Dans ce premier volume, les figures amusantes ou morales des fifties se dotent d’une psychologie plus complexe. Les premiers pas du mythe de Batman sont empreints d’une naïveté touchante mais aussi d’une violence suggérée très forte. Par ces dix-huit épisodes cette salle immense devient humaine, la grotte remplie de mystères s’éclaire, la collection hétéroclite s’organise.
Vous pouvez découvrir les développements plus récents de Batman dans Joker War sur ce lien mais, si vous voulez au contraire en savoir plus sur les origines des comics, vous pouvez consulter cet article.