Scénariste ayant connu de nombreux succès comme Undertaker ou Le Château des animaux, Xavier Dorison prend aujourd’hui le large avec 1629, ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta. Cependant, on est loin de La Croisière s’amuse…
1629, Une aventure…inspirée d’une histoire vraie
En 1629, le Jakarta est un navire de commerce en route vers l’Asie. Cependant, sa cargaison est loin des produits manufacturés habituels. Les soutes du returnsheppen sont secrètement remplies d’or et de diamants destinées à corrompre l’Empereur de Sumatra. Cependant, tout se sait et les marins voient leur soif d’or grandir chaque jour. En effet, ils ne sont pas des professionnels ayant choisi une carrière mais des malheureux rassemblés à la hâte avant le départ qui étaient prêts à tout pour échapper à la faim ou à la ruine. Parmi eux, se trouve Jéronimus Cornélius. Second du navire, il est le premier à vouloir faire fortune. Cet apothicaire ayant connu un revers de fortune est considéré comme hérétique par l’Inquisition. N’ayant rien à perdre, il veut organiser une mutinerie pour récupérer le trésor du Jakarta. Il dispose pour cela de son autorité sur la navire, de son intelligence et de son absence de scrupules. Peu lui importe de faire couler le sang sur le pont s’il peut récupérer l’or.
Quelques pages introductives posent l’ambiance. Une femme de dos Lucretia Hans confie aux lecteurs qu’elle va leur raconter une histoire affreuse et l’image montre un charnier au fond d’une grotte. Elle est la narratrice de 1629 et c’est par elle que le lecteur rentre dans le monde maritime. Belle femme appartenant à la haute société hollandaise, elle n’aurait jamais dû se trouver sur le Jakarta. Elle ne connaît rien à la navigation et à la stricte hiérarchie sur un navire. Cependant, bien qu’elle vienne d’enterrer son dernier fils, son mari l’oblige à le rejoindre en Indonésie. Ce lien matrimonial ne l’empêche pas de se rapprocher du capitaine et d’être désirée par Jéronimus Cornélius. Cette opposition entre un homme et une femme se retrouve sur la superbe couverture.
Si ces lignes précédentes peuvent vous rappeler de nombreux films de pirates, 1629 part pourtant d’un fait historique. Quelques sources sont listées en fin de volume. Le Jakarta est en fait le Batavia, le plus beau navire de la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales qui s’est échoué en Australie. En raison de la forte mortalité à bord, les équipages de la Compagnie rassemblaient la fine fleur des va nu-pieds de Hollande. Si vous pensez que 1629 est violent, sachez que la réalité historique était bien pire.
La magnifique édition de 1629 se met au diapason de ce récit historique. Divisée en chapitré avec à chaque fois une gravure, le volume intègre un signet et reprend l’aspect d’un manuscrit avec une couverture noir réhaussée de dorures. La première page reproduit des gravures hollandaises de l’époque et ajoute le plan du Jakarta. Glénat a reproduit des cartes anciennes avec le parcours du Batavia.
…avec des compagnons d’infortune et des artistes au sommet
A travers ces différents personnages, 1629 plonge dans les hauts fonds de la noirceur de l’âme humaine. Le capitaine Pelsaert est en quête d’un rachat car sa précédente mission pour la Compagnie a échoué. Arian Jakob, skipper du navire, est un alcoolique violent… En effet, nous sommes en présence d’une violente aventure maritime et non pas d’un traité universitaire sur la puissance des Provinces Unies en Asie.
Alors que le Jakarta vogue sur les océans, 1629 devient un huis clos étouffant. Le scénariste Xavier Dorison voit cette traversée comme l’opposition entre le désir de liberté individuelle et la contrainte collective. Les marins vivent les uns sur les autres et des haines naissent de cette promiscuité surtout que les marins ne voulaient pas prendre la mer. Certains acceptent ces contraintes, d’autres refusent mais parfois pour les imposer aux autres. Lucrétia Hans est aussi soumise à son mari et aux très nombreuses contraintes imposées aux femmes. Elle ne se rend même pas compte de la liberté qu’elle pourrait avoir par sa richesse, son intelligence et sa beauté.
Se déroulant en 1629, cette aventure est pourtant donc très contemporaine. En effet, cette période est également celle de la naissance du capitalisme qui broie les plus faibles. Jéronimus Cornélius est l’incarnation de cette avidité sans morale. Il a toujours voulu sortir de son statut et profite d’un opportunité pour exercer un pouvoir absolu
Pour 1629, Xavier Dorison retrouve son complice du Troisième Testament, le dessinateur Thimothée Montaigne. Au départ du projet, il avait une vision très floue de la puissance hollandaise au XVIIe siècle mais ses premières lectures l’ont passionné. Pour les images du Jakarta, il s’est appuyé sur le Batavia que l’on peut visiter en Hollande. Il a aussi été également été influencé par les pages de Long John Silver par Matthieu Lauffray. On retrouve ce style réaliste dans la lignée de cette bd mais avec des traits bruts et violents. Avec la coloriste Clara Tessier, réalisant sa première bd, le dessinateur fait du navire un révélateur des sentiments des personnages. Il est lumineux et droit au début puis de plus en tordu et sombre.
Édité par Glénat, 1629 est le premier tome d’un diptyque sur un chapitre méconnu et sanglant de l’histoire maritime. Le scénariste Xavier Dorison part des faits historiques pour construire une huis clos étouffant. La tension monte de l’embarquement jusqu’à l’embrasement final. Par le talent du dessinateur, la lecture est si haletante que le cliffhanger final devient une cuisante frustration
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