Ballerina (coréen : 발레리나), est un thriller sud-coréen de 2023, présenté en première au 28e Festival international du film de Busan dans la section « Korean Cinema Today – Special Premiere » le 5 octobre 2023.
Réalisateur : Lee Chung-Hyeon
Date de sortie : 6 octobre 2023
Distributeur : Netflix
Langue : coréen
Pays : Corée du Sud
Distribution
Jun Jong-Seo
Kim Ji-Hoon
Park Yoo-Rim
Shin Se-Hwi
Park Hyoung-Soo
Kim Moo-Yul
Synopsis
Dans sa lettre de suicide, Min-Hee demande à sa copine Ok-Ju de la venger à sa place. Cette dernière, une ancienne garde du corps et fin maître dans l’art de la lutte, ne lésinera pas sur les moyens. Elle déclare une guerre sans merci aux tortionnaires qui ont conduit son amie à s’ôter la vie.
Impressions
Êtes-vous accro aux films violents coréens ? Étiez-vous aux aguets, comme la plupart d’entre nous qui somment tombés dans la marmite coréenne depuis longtemps, d’une nouvelle production qui nous empêcherait de respirer, d’arrêter de fixer l’écran ne serait-ce qu’une seconde ? Les histoires de vengeances… on s’y connaît en histoires de vengeances. Pour résumer, il y a toujours une vengeance, quoi. Mais ce qui compte ce sont tous les éléments qui gravitent autour. Soit on utilise la force soit l’esprit vindicatif est doté d’une créativité incroyable. Ballerina nous donne tout de suite une direction, cependant, celle-ci, cette vengeance-là, vous ne la connaissez pas. Et celle-ci, elle en vaut vraiment la peine. Même si le méchant, enfin, le tordu, l’enfoiré, le sale fils de… d’accord, d’accord, on arrête, n’est autre que Kim Ji-Hoon. Et on l’aime Kim Ji-Hoon (« Love to hate you » et ses cheveux longs ou « Flower of evil »… et ses cheveux longs…)
Le premier tiers de Ballerina nous donne cette ambiance propre aux films dédiés à cette jeunesse désenchantée, dont nous sommes souvent témoins dans un certain genre du cinéma coréen, comme « Young Adult Matters » ou encore « Jane ». Une espèce d’ambiance qui nous rappellera de très près « Les Anges Déchus » du réalisateur hongkongais Wong Kar Wai (et on revient toujours à lui, comme s’il était à l’origine de tout). Des êtres esseulés qui trouvent refuge dans l’immensité de la ville, qui se fondent dans cet amalgame de métal, de néons, et qui se promènent comme des individualités, chacun avec sa propre histoire.
Dans ce premier tiers, nous entrons en contact avec Ok-Ju, magnifiquement interprétée par Jun Jong-Seo. Qui ne se rappelle pas de cette danse somptueuse dans « Burning »?. Si le côté paumé de son premier film lui colle à la peau, elle en fait un très bon usage. C’est elle qui arrive à donner le ton. La ville, le décor, l’ambiance… tout ce que vous voulez, mais c’est quand même elle qui tient les rênes. Et elle assure. Dans une absence presque totale de dialogue, nous sommes subjugués par les images qui défilent devant nos yeux. C’est dans cette atmosphère, qu’une amitié entre deux jeunes filles, s’épanouit à tâtons, comme une fleur du pissenlit qui arrive à trouver son chemin dans une brèche de béton. Min-Hee interprétée par Park Yu-rim, dont la performance « Drive My Car » du réalisateur Ryusuke Hamaguchi, s’est fait plus que remarquer, et Ok-ju. La couleur change. Les flashbacks de leurs échanges sont rayonnants, lumineux. Nous sommes maintenant dans la couleur chaude du jaune.
Il semble important de solidifier ce premier tiers dans cette ambiance presque onirique, pour mieux le casser dans le deuxième tiers du film. Le loup a mis un masque et il n’est pas seulement en cuir. C’est la beauté, le mal et le mâle. Il a des goûts sexuels assez particuliers qui ne plaisent pas toujours à ses partenaires. Cela devient glauque et Kim Ji-Hoon, qui, de toute évidence, jouit d’une capacité inhérente en lui de changer de personnalité comme de chemise (d’ailleurs, il change souvent de chemise pendant ses films ou dramas, histoire de montrer ses muscles…), nous exprime l’une des pires facettes de l’être humain. Si on peut l’appeler de cette façon.
Et puis, un méchant encore plus méchant apparaît sur scène. Mais la promesse d’un « encore plus » reste avortée par un conglomérat de personnages sortis de nulle part et dont l’histoire est tellement peu développée, que l’on finit par se demander qu’est-ce qu’ils viennent faire au milieu de cette vendetta.
Ballerina donne souvent l’impression d’être un film censuré, comme s’il s’agissait d’une peur d’aller en profondeur. La place pour l’imagination est trop vaste et le sujet n’est pas assumé jusqu’au bout. Park Hoon-Jung (VIP) ou Na Hong-Jin (The Chaser) en auraient fait des merveilles. C’est bien dommage parce que le rythme effréné se voit parasité par une retenue hors propos. Cela viendrait-il d’une volonté de faire de ce film, un film plus ou moins tout public, ou du moins, sans aucune restriction d’âge ? Alors que finalement, la violence et le sadisme sont quand même bien présents.
Et puis, une question qui revient régulièrement dans nos pensées. Netflix donne beaucoup plus de possibilités, nous l’avons compris depuis longtemps mais, est-ce que tous ces réalisateurs qui mettent toute leur énergie dans un film, leurs tripes, leurs moyens, leur créativité, sont-ils conscients que leur bébé ne sera jamais visionné sur grand écran ? Les prises de vue s’avèrent quelque peu complexes. Les chorégraphies pêchent parfois de désordre, étouffées par les limites étriquées d’un écran TV. L’élément principal se noie souvent dans un trop-plein qui nous rappelle ces bons vieux jours où nous allions au cinéma. Et que les grands écrans en plus de la sono nous immergeaient dans un univers complètement à part.
La musique a été composé par le rappeur et producteur sud-coréen Gray. L’ambiance tant recherchée par le réalisateur est soutenue en force par la direction musicale du chanteur. Son immersion dans le scénario accouche d’un mélange des sons entre le classique et le hip-hop et des chansons qui accentuent certaines scènes à leur juste valeur. Ce sentiment harmonieux qui s’en dégage, n’est que le prélude d’une explosion annoncée. Parfois hypnotique, parfois oppressant, parfois léger, ce mélange d’émotions très complexes marque une cadence qui prouve la bonne inspiration de Gray. Une ballerine semble fragile et éphémère mais elle puise sa légèreté dans sa force. Le reflet de la musique y est flagrant.
CHECKMATE, avec un bon rap de Jun Jong-Seo
BLOOD ON MY HANDS (Paul Blanco & DeVita)
SHOWTIME (DeVita)
Ballerina (DeVita)
Conclusion
Certains avis qualifient Ballerina d’un bon film à regarder un vendredi soir et qui, probablement, sera vite oublié. C’est bien dommage car tout le soin méticuleux du réalisateur pour dépeindre l’histoire dans une ambiance très particulière, semble annihilé par cet arrière-goût d’inachevé. Nous sommes en totale admiration par cette faculté du réalisateur de créer l’atmosphère qu’il faut pour le scénario qu’il faut. Il l’avait bien prouvé dans The call.
Ballerina n’est pas un film quelconque, bien au contraire. Il est le récit d’un côté très noir de la société. Il ne s’agit pas « tout simplement » d’une vengeance mais aussi de la représentation d’un monde obscur dont cette vengeance semble être la seule issue. Nous saluons cette espèce de brume de détresse, cette aura incandescente qui transpire tout le long du film, le rendant vraiment spécial.