L’exposition « Cerisiers en Fleurs » de Damien Hirst : entre poésie et chao

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Du 6 juillet 2021 au 2 janvier 2022, la Fondation Cartier nous invite à découvrir Cerisiers en Fleurs, une exposition exceptionnelle de l’artiste Damien Hirst. En effet, il s’agit de la première exposition institutionnelle de l’artiste, en France. En prolongeant le printemps, Cerisiers en Fleurs nous plonge dans une profusion de pétales, exacerbant leur dimension poétique.

Portrait de Damien Hirst

Né en 1965, au Royaume-Uni, Damien Hirst se fait connaître grâce à l’exposition collective Freeze qu’il organise en 1988. Cet événement marque la naissance du groupe Young British Artists, qui réalise leurs propres expositions dans des endroits non-conventionnels comme dans des entrepôts et des usines. Leur but est alors d’expérimenter et de développer de nouveaux processus créatifs.

Rapidement, l’artiste intéresse Charles Saatchi, collectionneur, galeriste et futur grand mécène. Ce dernier va alors financer son œuvre The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living (1991), une grande vitrine qui renferme un requin suspendu dans le formol. Issus de le série Natural History, ses animaux plongés dans les immenses aquariums de formol deviennent des œuvres emblématiques. Des œuvres amenées à disparaître lentement.

À travers sculpture, installation, peinture et dessin, Damien Hirst explore les relations complexes entre l’art, la vie et à la mort. Entre excès et fragilité, la mort irrigue véritablement sa démarche, ou plutôt « l’idée inacceptable » de la mort. Redéfinissant la sculpture et l’installation, il développe aussi l’un de ses thèmes emblématiques : « la science est la nouvelle religion pour beaucoup de gens ».

Damien Hirst, « The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living », sculpture - installation, 1991.
Damien Hirst, « The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living », sculpture – installation, 1991.

Un artiste entre succès et controverse

Le 21 juin 2007, Sotheby’s vend au prix de 19,2 millions de dollars (14,34 millions d’euros), l’œuvre Lullaby Spring. Il s’agit d’une armoire à pharmacie métallique contenant 6136 pilules faites à la main et peintes individuellement. Au mois d’août de la même année, il bat un nouveau record avec l’œuvre For the Love of God, une réplique en platine d’un crâne d’un homme du XVIIIe siècle, sertie de 8 601 diamants. Un memento mori adjugé alors à 100 millions de dollars. Mais, dans le documentaire L’art s’explose, le journaliste et critique d’art Ben Lewis révélera qu’un groupe d’investissement, dont appartiendrait l’artiste, aurait achetée l’œuvre. Un investissement qui aurait alors permis de préserver sa cote dans le marché de l’art.

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Damien Hirst, « For the Love of God », sculpture, 2007. (Source : site de l’artiste)

L’utilisation des animaux et des papillons dans ses œuvres fait de Damien Hirst, un artiste très controversé. Son œuvre Mother and Child, Divided de 1993 qui a remporté le Prix Turner a été, à ce titre, hautement critiquée.

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Damien Hirst, « Mother and Child, Divided », sculpture – installation, 1993. (Source : site de l’artiste)

Une pratique de la peinture

La peinture occupe également une place essentielle chez l’artiste. Il décrit la peinture comme un moyen de « rechercher la joie de la couleur ». Il dit alors : « Imaginez un monde de points. À chaque fois que je réalise un tableau, c’est comme une pièce de cet univers en était découpée. Ils sont tous connectés. »

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Damien Hirst, « Spot painting », série de peinture, 1991. (Source : site de l’artiste)

Dès 1986, il commence la série Spot Paintings, inspirée par l’expressionnisme abstrait et par l’œuvre de Louise Nevelson. Cette série, appelée aussi Dots paintings, représente des points colorés qui semblent être réalisés par une machine. Nous comptons aujourd’hui plus de mille tableaux aux dimensions et aux titres (qui évoquent le monde médical) variables. La série Visual Candy (1993-1995) se compose de tâches épaisses et de couleurs acidulées qui se superposent. Colour Space (2016) explore le potentiel infini des couleurs. Progressivement, l’artiste met en lumière dans sa peinture, l’importance de la matière et de la couleur, comme en témoignent parfaitement les Cerisiers en Fleurs.

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Damien Hirst, « Rose Tudor », de la série de peintures « Colour Space », 2016. (Source : site de l’artiste)

Citons les propos de l’artiste : « J’ai toujours été un grand amoureux de la peinture et pourtant j’ai constamment cherché à m’en éloigner. En tant que jeune artiste, on est nécessairement influencé par les tendances du moment, et dans les années 1980 la peinture n’était pas dans l’air du temps. »

La genèse de l’exposition

Après de nombreuses controverses, Damien Hirst nous donne à voir une esthétique à la fois douce et poétique. Après son projet de sculpture Treasures from the Wreck of the Unbelievable qui aura duré dix ans, il retourne dans son atelier pour commencer la série Cerisiers en Fleurs. Cette série fait suite à ses Veil Paintings (2017), des touches épaisses semblables à des arbres.

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Damien Hirst, « Veil Paintings », série de peintures, 2017. (Source : site de l’artiste)

Seul, dans son atelier, il se consacre entièrement à cette série pendant trois années entières. Une série qu’il achève au mois de novembre 2020. La pandémie a marqué véritablement le processus créatif de l’artiste. En effet, il déclare que : «  La pandémie m’a permis de vivre avec mes peintures et de prendre le temps de les contempler, jusqu’à ce que je sois certain qu’elles étaient toutes terminées ».

C’est lors d’une rencontre entre l’artiste et Hervé Chandès, le directeur général de la Fondation Cartier que naît sa première grande exposition personnelle à Paris. Parmi les 107 tableaux issus de la série, la Fondation en présente 30.

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Vue de l’atelier de l’artiste.

Une immersion dans la couleur

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Vue de l’exposition, Damien Hirst, « Cerisiers en Fleurs », Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, 2021. Photo Thibaut Voisin.

Au sein des quatre grandes salles de la Fondation, les Cerisiers en Fleurs envahissent les cimaises. Nous retrouvons des toiles exposées seules, en diptyques, en triptyques, en quadriptyques. Le visiteur est alors immergé au cœur de ces toiles tantôt grands formats, tantôt monumentales. En contrastant avec le white cube, les couleurs apparaissent vives et saturées. À travers ce cadrage et ces plans spécifiques, la frontière entre la figuration et l’abstraction devient poreuse.

Damien Hirst décline inlassablement dans cette série, le même motif : celui des cerisiers en fleurs. Loin d’être répétitif, son geste explore toutes les variations de ce sujet : la couleur, la matière, la touche. Du rose au vert, en passant par le bleu, le blanc et le rouge, les couleurs se déclinent et apparaissent comme des confettis. Au-delà de ces couleurs vibrantes, la touche est soit légère, soit dense, mais jamais identique. Quant à la matière picturale, l’artiste joue avec les épaisseurs. Parfois lisse, parfois granuleuse et craquelée, la peinture est toujours en train de sécher…

Une ode à la vie

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Vue de l’exposition, Damien Hirst, Cerisiers en Fleurs, Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris, 2021. Photo Thibaut Voisin.

Dans ses Cerisiers en Fleurs, Damien Hirst nous invite à la contemplation. En renouant avec un geste pictural beaucoup plus libre, il met en lumière le cycle de la floraison. Le choix de ce topos est un souvenir d’enfance lorsque sa mère peignait des cerisiers en fleurs. Au cœur de ces immenses toiles, l’artiste peint alors une ode à la beauté, à la vie et à l’éphémère. Donnant l’impression de jaillir de la toile, la grande variété de couleurs matérialise la vie. Au cœur du geste de l’artiste, la peinture prend vie, donnant l’impression de capturer un instant éphémère. L’instant où la lumière tel un prisme fait prendre aux fleurs et feuilles, une couleur singulière, à savoir en rouge ou en bleu.

Mais le travail de l’artiste est toujours en clair-obscur. Derrière cette ode à la vie, il y a la mort, toujours omniprésente chez lui. En effet, la mort fait partie de la vie. Ainsi, la violence et la délicatesse, l’excès et l’austérité, le cynisme et l’idéalisme créent un dialogue constant au cœur de cette exposition. Il s’agit alors d’une célébration de la couleur au milieu du chaos.

L’artiste dit : « Les « Cerisiers en Fleurs » parlent de beauté, de vie et de mort. Elles sont excessives — presque vulgaires. (…) Elles sont ornementales mais peintes d’après nature. (…) Les Cerisiers en Fleurs sont tape à l’œil, désordonnées et fragiles, et grâces à elles, je me suis éloigné du minimalisme pour revenir avec enthousiasme à la spontanéité du geste pictural. »

Cerisiers en fleurs comme hommage

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Damien Hirst, « Fantasia Blossom » , peinture, 2018. ‘Photographed by Prudence Cuming Associates DAMIEN HIRST AND SCIENCE LTD. ALL RIGHTS RESERVED, DACS 2021)

Dans son atelier londonien, il s’est alors plongé dans les toiles, en travaillant sur plusieurs tableaux en même temps. Il a peint ses toiles debout, afin de respecter la gravité des arbres du sol vers le ciel. La série Cerisiers en fleurs s’inscrit dans la continuité des réflexions picturales de Damien Hirst. Ainsi, il nous livre à la fois une réinterprétation d’un sujet traditionnel – la floraison – et aussi un hommage à l’histoire de l’art. Mais toujours avec ironie.

Il fait ainsi écho aux mouvements picturales de la fin du XIXe et du XXe siècles, comme l’impressionnisme, le pointillisme ou encore l’action painting. Nous retrouvons alors des références à Georges Seurat, Pierre Bonnard, Jackson Pollock ou encore Willem de Kooning.

À l’instar des cerisiers en fleurs, l’exposition s’inscrit dans une temporalité éphémère. Montrée pour la toute première fois, cette série de 30 œuvres se retrouve donc réunie pour la dernière. En effet, après l’exposition, les œuvres seront dispersées dans différentes collections privées et publiques. Une expérience immersive et éphémère à ne pas rater.

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