Critique The Batman de Matt Reeves : Bruce Cobain

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Mine de rien, cela fait 10 ans que l’on n’a pas vu une itération solo du vengeur masqué le plus célèbre. Après le honteux traitement accordé à la vision du Batman de Snyder et de Ben Affleck (parfait dans Batman V Superman, mais bien moins transcendant dans les deux versions de Justice League) c’est désormais à Matt Reeves de redonner vie à l’homme chauve-souris, désormais interprété par Robert Pattinson.

Le cinéaste des deux (extraordinaires) derniers Planètes des Singes tente de présenter pour la première fois Batman en tant que « plus grand détective du monde » durant sa deuxième année d’activité en tant que justicier confronté à l’effrayant Riddler (Paul Dano) qui le mènera à découvrir la vérité sur la corruption de Gotham… Le pari est à moitié réussi.

Nous pouvons aborder The Batman de deux manières : une adaptation du mythe Batman ou un néo-thriller évoquant tout un pan du polar/film noir hollywoodien.

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Une adaptation fidèle

En tant qu’adaptation des comics, The Batman réussi à la fois à être fidèle à Bruce Wayne tout en réinterprétant le mythe en nous présentant le milliardaire comme un Kurt Cobain dépressif et décadent, traumatisé par le décès de sa famille, rejeté de tous :

Par le peuple en tant que symbole de la richesse et de la corruption des institutions de la ville, en tant que justicier, effrayant la population gothamienne, refusant de l’accepter comme héros. Et nous ne pouvons que comprendre celle-ci, Batman étant bel et bien un vigilante ultra-violent et sans pitié, n’ayant aucun compromis pour lutter contre le crime.

Nous n’avons pas affaire à un play-boy tel que nous avons pu le voir dans les précédentes adaptations de l’homme chauve-souris, mais bel et bien à un freak ayant du mal à maitriser ces pulsions, dérangeant et franchement flippant.

La mythologie de Batman est quant à elle parfaitement adaptée, entre ces criminels borderline (Colin Farrel est absolument méconnaissable), les mafieux qui tirent les ficelles, le fait que Batman est incapable de stopper la criminalité mais semble au contraire l’attiser, la lutte contre la corruption… Tous ces éléments sont clairement inspirés des meilleurs comics de l’homme chauve-souris.

A Long Halloween, L’An Zéro, Year One, Silence, la cour des hiboux… toutes ces inspirations se ressentent à l’écran. Le fan des comics ne pourra qu’apprécier de voir que Reeves à pris le meilleur des éléments de chacun de ces comics (et de la saga vidéoludique Batman Arkham) pour pouvoir créer son propre univers. Malheureusement, cette fidélité à toute épreuve rend le récit assez prévisible. Et c’est là qu’on se rend compte que The Batman possède de véritables défauts.

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Visuellement, The Batman est phénoménal. La photographie de Greig Fraser est sublime, la direction artistique à la fois gothique et cyberpunk permet de créer une véritable ville. Matt Reeves réussit à créer une ambiance à la fois gothique, romantique (du mouvement littéraire) envoûtante, portée par la bande-son phénoménale de Michael Giachinno.

Les scènes d’actions, bien que rares, sont en général assez impressionnantes d’intensité, bien qu’un peu trop classiques pour véritablement marquer sur le long-terme (hormis peut-être une scène de course poursuite digne de Friedkin entre le pingouin et Batman).

La première moitié du film est une véritable réussite sur tous les plans, à commencer par les deux premières séquences du film, à tomber par terre.

Un échec politique

Pourtant, le film finit par dérailler : Alors que pendant tout le récit, les indices donnent du fil à retordre à l’homme chauve-souris, tout s’enchaîne un peu trop facilement (tel le twist du film qui est découvert grâce à la diffusion de vidéo sur les réseaux sociaux ce qui paraît être la paresse ultime pour un film d’enquête), les dialogues pêchent avec eux l’interprétation des acteurs : Pattinson, pourtant extrêmement bien choisi, ne semble pas s’en sortir dans certaines scènes, où Bruce Wayne commence à ressentir des émotions autres que la colère.

L’idée de faire de The Batman un film sur un homme qui apprend à devenir lui-même et qui doit assumer son passé et son héritage pour devenir meilleur est pourtant excellente en théorie. En pratique, cela se traduit par des scènes par toujours bien amenées, accompagnées par des tunnels de dialogues maladroits qui n’aident pas du tout les acteurs.

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Pourtant, le casting est excellent : Colin Farrel en Pingouin est très clairement l’un des meilleurs personnages du film, hilarant en gangster à la Joe Pesci, John Turturro s’en sort très bien en Carmine Falcone, décalque de Vito Corleone (sur ce point, le mafieux est bien mieux représenté ici que dans Batman Begins), Jeffrey Wright est impeccable en Gordon. Pattinson est un Batman tout à fait crédible, malgré quelques problèmes dû principalement à l’écriture. Andy Serkis en Alfred se débrouille mais est probablement l’un des majordomes les moins intéressants de la franchise (Michael Caine reste bien évidemment au dessus). Dano quant à lui, livre une interprétation correcte, parfois un peu trop grotesque par moment.

La relation entre Batman et Catwoman (Zoé Kravitz) n’est pas inintéressante mais s’avère être extrêmement dérangeante voir problématique. Dès leur première rencontre, Wayne se transforme en stalker, Selina Kyle, en couple avec une femme se retrouve après le décès de sa compagne droit dans les bras de l’homme chauve-souris qui n’a aucune justification hormis le fait de vouloir une nouvelle fois représenter la romance entre le vengeur masqué et la femme chat. Si Reeves s’inspire clairement des codes du film noir et de la femme fatale, on ne peut pas s’empêcher d’être dérangé par cette représentation presque bi-phobe qu’on retrouve dans la relation entre ces deux personnages.

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Plus grave, The Batman tente de parler du monde d’aujourd’hui, notamment avec le Riddler. Psychopathe qui incarne le Gotham miséreux, à l’opposé de celui de Bruce Wayne, celui-ci se retrouve en ersatz trumpiste, poussant ces comparses à mettre en place la lutte armée afin de renverser l’ordre établi (évoquant évidemment l’attaque du capitole bien que le film était déjà en tournage). Matt Reeves tente de faire un thriller de super-héros politique sur l’Amérique d’aujourd’hui, celle de Cannon.

Malheureusement, le programme semble être beaucoup trop ambitieux, The Batman ayant du mal à illustrer les troubles politiques de cet univers hormis par les dialogues et le climax.

En tant que blockbuster et film de super-héros The Batman est une œuvre bien plus soignée que la moyenne et respectueuse de son public. En tant que thriller politique, nous avons affaire à un film qui s’effondre comme un château de cartes. Pas désagréable à regarder mais bien trop fragile pour pleinement convaincre, The Batman possède les forces et les faiblesses d’un Batman Begins. On ne peut qu’espérer qu’en cas de suite, celle-ci soit à la hauteur de The Dark Knight cette fois.