Après son excellent The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson est de retour à l’animation. Depuis son cultissime Fantastic Mr Fox, le cinéaste n’était pas revenu à cette manière d’aborder le cinéma : l’animation en stop motion. Pour les néophytes, le stop motion est une animation image par image, elle était utilisée par les premiers concepteurs d’effets spéciaux. Wes Anderson a fait appel au chef opérateur Tristan Oliver, un spécialiste de la stop motion qui a notamment travaillé sur de grands films des studios Claymation, comme les courts-métrages de Wallace et Gromit, ou des films comme Chicken Run et L’Étrange pouvoir de Norman. Les deux hommes avaient déjà collaboré sur Fantastic Mr. Fox. Critique de l’Île aux Chiens, chef d’oeuvre de monsieur Anderson.
Une esthétique renversante
Tout est beau dans L’Île aux Chiens. Wes Anderson sait tenir une caméra comme personne. Il a un énorme soucis du détail et de la proportionnalité. Chaque plan est égal, parfaitement symétrique. C’est la signature de ce cinéaste qui parvient, à chaque fois, à transcender sa propre photographie. Wes Anderson est l’un des meilleurs photographes du cinéma contemporain avec ses plans symétriques. L’Île aux Chiens ne déroge pas à la règle mais ce n’est pas tout. Dans son nouveau film, chaque plan a une épaisseur impressionnante. Les animaux sortent pratiquement de l’écran, avec des gros plans sublimes, presque en relief. Ironie : L’Île aux Chiens mériterait presque d’être vu en 3D, bien plus que de nombreux blockbusters formatés pour les besoins de la 3 dimension. Les chiens viennent face caméra et permettent de mettre en avant tout le travail des costumiers et sur les décors, déjà parfaits avec Fantastic Mr Fox. Les explosions sont faites avec du coton, les décors avec du carton patte, etc… Tout est fait à la main. Le réalisme est saisissant, la beauté confondante et le stop motion apporte une nostalgie perdue, une simplicité noyée dans les innombrables CGI habituels des productions à gros budgets.
Wes Anderson offre quelques superbes mouvements de caméra qui accompagnent les personnages et leurs mouvements. Dans quelques références aux westerns, Wes Anderson parvient à trouver des angles originaux, des coups de caméra qui passionnent le spectateur. La bande originale d’Alexandre Desplat appuie un peu plus la féerie, tandis que le casting vocal est renversant : Bill Murray, Bryan Cranston, Frances McDormand, Edward Norton, Liev Schreiber, Greta Gerwig, F. Murray Abraham, Scarlett Johansson, Jeff Goldblum, Harvey Keitel et Tilda Swinton.
Un parallèle politique intelligent.
En plus de son approche visuelle irréprochable, L’Île aux Chiens porte un message social et humaniste intemporel. Ces chiens sont la matérialisation des peuples isolés, délaissés, un parallèle avec les minorités muselées et rejetées. Ce peuple chien est une représentation des problèmes d’immigration et de vivre ensembles qui touchent notre société moderne. Le manque de place, le manque d’accès à la santé, le manque de solidarité sont les mots d’ordre de cette fable moderne. A la manière de Jean de La Fontaine, Wes Anderson utilise les animaux pour se moquer des Hommes. Une société dominée par le bon vouloir patriarcal d’un seul homme prêt à tout pour garder son pouvoir. Une société où la contestation est punie de mort. Une société hypocrite dans laquelle les minorités sont maltraitées. Clair, simple et concis. En plus d’être une profonde oeuvre pop culturelle, L’Île aux Chiens est également un puissant manifeste contre notre société moderne.
Cette Île aux Chiens est également une critique de notre société de consommation, de la pollution qui ne cesse d’augmenter. L’Homme ne sait plus quoi faire de ses déchets. Le continent de plastique augmente chaque jour et pourrait bientôt finir en immense île comme celle imaginée par Wes Anderson.
Comme à son habitude Wes Anderson dévoile une esthétique renversante, une image pleine de relief, des chiens attachants et un visuel superbe. Avec son parallèle sur l’isolation des minorités, L’île aux Chiens est porteur d’une identité forte, téméraire, préférant l’aventure à la soumission.
Making of de L’Île aux chiens :
https://youtu.be/zOKy1o2g9QY