Enragé, c’est la petite série B du moment. Réalisé par Derrick Borte, le long-métrage réunit un casting restreint emmené par Russell Crowe et Caren Pistorius. Le concept est simple. C’est un survival relativement classique qui raconte comment un homme, interprété par Russell Crowe, décide de harceler et de traumatiser une mère de famille au volant de son pick-up. Quelque part entre Duel et Chute Libre, le métrage met en scène la manière dont un homme pète les plombs, dans une société en permanence sous pression.
Enragé : simple mais efficace
Enragé ne révolutionne clairement pas le genre. Le film de Derrick Borte est un survival extrêmement classique. Une série B tendue, qui reprend les ficelles habituelles de ce type de production. Une chasse à l’homme simple, mais finalement diablement efficace. 1h30 de tension pendant laquelle Russell Crowe harcèle une pauvre mère de famille de manière violente, dérangée et dangereuse.
Mais la mise en scène de Derrick Borte suffit à donner du souffle et de l’épaisseur à son film. Sans esbroufe, avec une simplicité salvatrice, le cinéaste filme une course poursuite perpétuelle, autant physique que psychologique. Sans en faire des tonnes, il offre cependant quelques instants d’action assez impressionnants. Quelques embardées visuelles qui valent le détour et permettent quelques cascades en véhicules assez saisissantes. Bien sûr, il est assez facile de faire la comparaison de Enragé avec Duel, le classique de Steven Spielberg, tant les séquences de route s’en inspirent. Et ce n’est pas forcément un défaut, bien au contraire. Bien que l’histoire soit évidemment téléphonée, réduite à son propre concept, et au manque d’ouverture du sujet, les thématiques abordées permettent de donner une autre identité à Enragé.
Des thématiques très actuelles
Parce que Enragé aurait facilement pu tomber dans la violence gratuite. Mais les thématiques abordées par Derrick Borte permettent de donner sa particularité à Enragé. Les sujets traités rappellent incontestablement Chute Libre, le film de feu Joel Schumacher. Le regretté cinéaste proposait l’histoire d’un homme interprété par Michael Douglas qui pétait tout simplement les plombs. Le récit de ce citoyen lambda qui finit par être brisé mentalement à cause de la pression toujours grandissante d’une société à l’agonie. C’était un brûlot puissant contre la sur-exploitation de la main d’œuvre, de l’être humain, dans une organisation capitaliste qui tire sur la corde jusqu’à l’explosion.
Eh bien, Enragé raconte sensiblement la même chose. Derrick Borte choisit de prendre le prisme du personnage de Russell Crowe pour raconter comment l’être humain atteint un point de rupture sans retour possible. Comme dans Chute Libre, il met en scène un personnage ordinaire, un homme moyen, qui ne va plus supporter la pression quotidienne. Qu’elle soit professionnelle ou relationnelle. Et va se lancer dans une campagne vengeresse envers et contre tous comme seul moyen d’expression. Le tableau pertinent et très actuel d’une société qui produit continuellement ce genre de profils.
Enragé met en exergue une société dans laquelle l’individu est dilué dans la masse. Une société dominée par le temps, par l’argent, par les apparences. Une société où l’être humain est un pion remplaçable sur un énorme échiquier qui dépasse le contrôle de chacun. Enragé veut dénoncer la manière dont notre système exploite l’Homme. Le pousse jusqu’à son point de rupture, sans pour autant l’encadrer ou lui tendre la main. Le long-métrage est finalement la représentation de l’incapacité de notre société à protéger ses membres. Derrick Borte, par l’impuissance des policiers dans son film, rappelle que chacun est finalement livré à lui-même, et doit se défendre, se protéger, et survivre seul. C’est un film sous tension qui dénonce la pression permanente qui rythme nos vies.
Mais là où Enragé se démarque de Chute Libre, c’est le double prisme qu’il choisit d’employer. Joel Schumacher avait choisi le parti pris de suivre uniquement le personnage de Michael Douglas dans sa descente aux enfers, montrant ainsi du doigt une société pervertie. Derrick Borte préfère offrir deux points de vues. Celui de Russell Crowe qui tombe lentement dans une violente folie. Et celui de Caren Pistorius, elle aussi aux abois que ce soit professionnellement ou affectivement, mais qui garde la tête sur les épaules. Par ce biais, le cinéaste nuance le propos de son film. Rappelant ainsi que, même si la société est terrible, le libre arbitre appartient à chacun.
Bref, tout ça pour vous dire que l’on conseille vivement Enragé, série B intelligente et divertissante. Une proposition assez simpliste mais diablement efficace, rythmée par 1h30 de tension assez asphyxiante. Quelque part entre Duel et Chute Libre, le film porte un regard intéressant sur notre société moderne, sur son incapacité à protéger ses citoyens et sur sa manière parfois injuste et assez inhumaine de rythmer leur vie.