Sortez des revues à scandales autour des frasques de la famille régnante pour découvrir les vrais secrets de Monaco. À travers deux scandales financiers – l’affaire Pastor et Rybolovlev – Monaco – Luxe, crime et corruption publié par Soleil dans sa collection Noctambule propose d’enquêter sur ce ghetto de riches.
Sortir du glamour
L’entrée dans le récit est classique. Une nouvelle va aider le lecteur à rentrer dans ce nouveau monde. Ici, une journaliste vient couvrir le gala de la Croix-Rouge. Plus qu’un acte de charité, la cérémonie est le moment le plus glamour de l’année. Cependant, cette femme veut en fait découvrir les secrets derrière le meurtre d’Helene Astor à Nice, plus grosse fortune du Rocher. En effet, cette bande dessinée est issue des articles d’Hélène Constanty (Razzia sur la Corse), cette enquêtrice de Mediapart a été choquée par la laideur des immeubles et le ghetto de riches qu’est la principauté. Elle a voulu comprendre pourquoi les ultra-riches veulent y vivre. Le chiffre au début choque : un habitant sur trois est millionnaire. Monaco est devenu la ville où l’immobilier est le plus cher du monde. Le livre se clôt par le projet d’extension de la principauté vers la mer car il n’y a presque plus de terrain constructible. Monaco est aussi une rareté mondiale car il n’y aucun impôt à part la T.V.A… sauf pour les citoyens français. On découvre d’ailleurs que le général de Gaulle avait imposé un blocus en 1962 pour obtenir cette situation. Cependant, la journaliste pose des questions parfois trop naïves. Les auteurs de la bande dessinée ne faisant pas assez confiance au lecteur, le livre ne va pas assez loin sur certains aspects.
Monaco Luxe, crime et corruption est dessiné et colorisé et mis en scène – comme il l’écrit lui-même – par Thierry Chavant (Sarkozy-Kadhafi). Pour représenter les milliardaires, on sent que le dessinateur a recours à la presse. Son trait au feutre fin n’utilise aucune ligne droite mais laisse la marque heurtée de la main. Ce choix correspond à cette volonté de dévoiler le vrai derrière les façades trop brillantes. A l’inverse, les décors bien qu’épurés sont précis car ils font partie du sujet. Chavant utilise peu de couleur pour éviter de distraire le spectateur comme l’écrivait le cinéaste Jacques Tati.
Un livre à charge
Non seulement, la principauté concentre les richesses mais elle limite la liberté. Le lecteur comprend par le gala que la presse est contrôlée. Les journalistes doivent venir en tenue de soirée mais ils restent parqués sur une ligne juste pour prendre des photos… et encore le bon profil des invitées mais aussi préserver l’image de la principauté. Cette situation est aussi montrée par la tension entre l’autrice et un paparazzi qui est fan du pays alors qu’elle ne cesse de voir les trafics financiers. Ce n’est pas une démocratie. Non seulement, avec 53000 policiers…sans compter la vidéosurveillance, Monaco est l’État le plus surveillé du monde. De plus, l’obtention de la citoyenneté monégasque est un privilège du Prince et les raisons semblent totalement incompréhensibles. Il est même le détenteur du pouvoir judiciaire.
Dans un passage sur les origines de la principauté, les auteurs démontrent que la violence est ancienne et les relations avec la France parfois houleuses. Né dans la violence entre factions italiennes, le Rocher est reconnu au XVe siècle par le roi de France. Perdue pendant la révolution par les Grimaldi, l’indépendance est rendue par La Restauration.
Argent et pouvoir au cœur de scandales
Très rapidement dans l’introduction, la journaliste prend des précautions car les deux affaires qui ont lancé son enquête ne sont pas définitivement jugées. L’affaire Pastor démarre par le meurtre sordide de l’héritière d’un empire immobilier et une affaire de famille commanditée par le gendre. Ensuite, plusieurs pages font revivre au lecteur l’origine de la fortune des Pastor liée à la réussite du modèle monégasque. Pour faire de ce micro-état un lieu de villégiature des plus riches, il a fallu construire ce qu’ont permis deux générations de Pastor. Cette histoire inclut aussi des éléments ridicules. Un coach sportif sous l’emprise de son patron recrute des tueurs très amateurs qui seront très vite retrouvés. Cette famille proche mais aussi élargie, est divisée voire minée par les jalousies. Personne ne se parle et ne se soutient.
Par le deuxième scandale, on suit les flux financiers souterrains. L’oligarque russe Rybolovlev vient s’installer à Monaco pour se mettre à l’abri de la valse des favoris de Poutine. Il achète l’appartement le plus cher de la ville et l’AS Monaco. Il s’impose très vite comme un proche du Prince mais il est tout aussi vite inculpé pour trafic d’influence et corruption faisant plonger des anciens ministres et des hauts gradés de la police. Il a profité du statut de Monaco de port franc pour acheter des toiles de maître sans payer de taxe mais les toiles étaient surfacturées par le marchand d’art. Le russe voudra se venger en utilisant tous ses réseaux monégasques. Bien mal lui en a pris… mais la principauté si calme va-t-elle accepter que ces scandales soient dévoilés ?
Dans Monaco luxe, crime et corruption, l’enquête de la journaliste d’investigation Hélène Constanty, est mise en scène par l’auteur de BD Thierry Chavant. Le lecteur quitte le glamour du Rocher et pénètre par des affaires dignes d’un polar dans les recoins méconnus de la principauté de Monaco. Captivé, on en demande plus pour comprendre les surprenants pouvoirs du Prince.
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