Que diriez-vous d’un peu de piment en cette période de Saint Valentin ? Après les différents volumes de la série Sunstone, une série féministe et attachante sur le BDSM, Panini poursuit son exploration des comics sur le sexe avec Faithless écrit par Brian Azzarello et dessiné par Maria Llovet.
Des rencontres hasardeuses
Faithless s’ouvre sur de petites cases du corps d’une femme dont le lecteur comprend qu’elle se rapproche du plaisir mais dans la page suivante on découvre qu’elle est seule et n’arrive pas à atteindre l’orgasme. Cette jeune femme, Faith, est une artiste entourée de nombreux amis qui semblent lui donner des conseils directifs. Elle n’assume pas ses propres choix. Elle est attirée par les femmes mais n’a pas encore franchit le pas (de la chambre). Pourtant, la jeune innocente est en quête d’aventure d’inédites.
Quand elle bouscule puis aide Poppy qui tente de se défaire d’un homme n’acceptant pas la rupture, toute sa vie va changer. Non seulement le style de cette asiatique aux cheveux bleus intrigue mais elle est aussi la muse de peintres célèbres et connaît les meilleurs endroits pour s’éclater.
(spoiler, on peut enlever toute la phrase) C’est avec elle que Faith prend son pied pour la première fois. Grâce à cette rencontre, Faith rentre dans une soirée privée avec pop stars, coke et des corps libérés en public. Encore très timide et maladroite, elle se fait sortir de la soirée par un malentendu mais cette maladresse lui permet de rencontrer Thorn et elle se laisse embrasser. Cet artiste sûr de lui voire prétentieux l’envoûte. Chaque épisode se termine par un cliffhanger réussi qui pousse à tourner au plus vite la page. A la fin du deuxième chapitre, on découvre que Poppy est la fille de Thorn. Ce sont lui et Poppy qui vont faire découvrir à Faith les plaisirs du corps, mais sont-ils si bienveillants ?
La magie arrive
La magie est présente d’emblée dans Faithless mais personne n’y croit vraiment. Faith est une magicienne pour sortir de la routine plus que par intérêt … jusqu’à ce que des rêves puis des évènements de plus en plus étranges se produisent. Une photo révèle la présence d’un loup lors de la soirée. Ce rôdeur est une métaphore du plaisir sauvage et indomptable qui se diffuse progressivement dans le récit. Comme souvent dans ces récits magiques, les exclus connaissent ce monde secret. Cette magie est moderne. Il ne s’agit pas de potion ou d’évocation mais de persuasion par la parole. Alors que Faith se détache de ses anciens amis pour accéder à un autre niveau social et artistique, elle signe un pacte faustien avec Thorn et sa fille mais ne le réalise pas encore.
Un dessin audacieux
Dans Faithless, le sexe est une expérience au départ avant que l’héroïne se fasse avaler par sa gourmandise. Ne vous attendez pas à des pages torrides. Même si les images sont un peu plus explicites sur une case à la fin, Faithless reste plus un récit sur l’art que sur le sexe. Le style de la dessinatrice Maria Llovet est un choix très original pour ce genre. En général, l’érotisme est incarné par un dessin hyperréaliste et précis avec des couleurs douces ou chaudes mais le dessin est plat et manque de relief avec un encrage à peine esquissé. Les couleurs très vives presque fluo sont un choix audacieux car elles sont rares dans ce genre plus habitué à des couleurs capiteuses. On peut trouver que c’est un échec comme l’encrage très léger qui esquisse les formes plutôt qu’il ne les met en valeur. Ce choix du flou est un problème pour un récit sur les corps.
Ce tome de Faithless marque le début d’une série originale pour Brian Azzarello souvent associé au polar. Faithless est présenté comme un récit érotique. Si on y suit les découvertes sensuelles d’une artiste innocente, le livre va plus loin en proposant surtout une réflexion sur les péchés capitaux, l’ambition et l’art. Le scénariste s’est inspiré de la Divine Comédie de Dante et ce tome s’ouvre sur une citation d’Anaïs Nin. Cette lecture rapide plante le décor et les enjeux qui s’épaissiront vraisemblablement par la suite.