Publié par Glénat, Amen vous ouvre les portes d’un monde inquiétant…Une troupe de mercenaires et de religieux débarque sur une planète maudite pour y imposer leur foi et trouver de l’or mais plus le groupe s’enfonce dans la jungle, et plus les mystères s’épaississent.
A l’assaut !
Une troupe est envoyée par sir Raleigh sur la nouvelle planète Arcadia. Ces mercenaires, ces pèlerins et ces frère prêcheurs succèdent sur cette planète interdite à deux premières expéditions mystérieusement disparues. Ils doivent les retrouver. Au départ heureux d’être dans une atmosphère respirable et dans une planète luxuriante, cette planète recèle de nombreux dangers et mystères. Des menaces invisibles bousculent les soldats. On découvre la faune et la flore surprenantes – des pierres volantes sont des mollusques – mais toujours mortelles. Des évènements surnaturels se produisent. Aucune machine ne fonctionne sur cette planète sauf les armes. Le camp de base de l’expédition précédente est totalement abandonné alors qu’il est pourtant parfaitement fonctionnel. Le nombre de colons est multiplié par deux avec des clones mais chacun pense être l’original.
Tout est faux
Le mystère commence dans Amen dès le titre cryptique : Ishoa ou la précession des équinoxes. Ishoa, narrateur de la série, est le principal collaborateur du promoteur de l’expédition sir Raleigh. C’est aussi un ancien esclave affranchi. La précession des équinoxes est un terme de l’astrologie, un mouvement entre les maisons du zodiaque qui menace la survie de l’humanité. On voit l’influence de la collaboration de Georges Bess avec Jodorowsky. Les premières pages montrent les premiers contacts sanglants de colons avec le peuple sauvage avant que la suite ne révèle en flash-back comment ces hommes en sont arrivés là. Amen est en effet composé de récits gigognes en flashbacks qui permettent au lecteur de remonter le cours du récit. Au fil des pages, il découvre tout d’abord les buts de l’expédition puis le passé du narrateur et l’organisation sociale par castes de l’équipe. Selon les astrologues, le monde entre dans l’ère du feu et sir Raleigh craint l’apocalypse. Il fait croire que la mission d’exploration « Eldorado » sur l’Arcadia vient prendre des nouvelles des expéditions précédentes mais il s’agit d’un leurre car le but de Raleigh est de retrouver le chef de la précédente expédition, Kurtz qui serait tout simplement la clé pour sauver le monde.
Au cœur des ténèbres
Si ce résumé vous évoque quelque chose ce n’est pas un hasard, car Amen est la nouvelle adaptation du roman Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad qui a déjà inspiré au cinéma Apocalypse Now et Aguirre, la colère de Dieu. Georges Bess fait le choix radical de changer le contexte. Le monde d’Amen est entouré de violence. Dans le futur, Terra a colonisé la galaxie et les êtres humains importent leurs conflits religieux partout où ils passent. En effet, les colons de l’« Eldorado » sont des fanatiques venus convertir un peuple indigène vivant en harmonie avec leur environnement. Les dialogues sont fidèles au genre de la science-fiction en multipliant les inventions lexicales. Il est moins à l’aise pour retranscrire un accent germanique ou espagnol. Son dessin très vif et assez rond réussit à rendre ce monde crédible. Des costumes de science-fiction années 50 cohabitent avec des tenues modernes. De la même manière, les membres de l’Inquisition ont des tenues de la renaissance.
Même si l’on sent un auteur en totale liberté, Bess reprend tout de même l’idée d’une mission prédatrice dénonçant la colonisation et un road movie apocalyptique. Le Padre trouve la moindre excuse pour massacrer les indigènes alors que les mercenaires totalement idiots tirent avec leurs gros lasers sur tout ce qui bouge. Les mercenaires ont accepté cette mission pour éviter la prison et obtiennent le droit de piller la planète. On peut penser à certains conquistadors. Leur religion sur la lumière semble mixer des religions terriennes : ils prient le dieu unique Luz et Diwanouka est une fête. Cependant, la charité ne semble pas les préoccuper car ils tuent à la moindre erreur et sont portés par des sherpas-mutants qui sont aussi leurs esclaves.
Amen plonge certes le lecteur dans un futur de space opera mais c’est avant tout une acerbe critique de la religion qui rend les êtres humains idiots mais aussi de la colonisation qui ravage des terres pures et tuent des indigènes très heureux avant l’arrivée du soi-disant progrès.
Si ce titre vous a intrigué, nous vous conseillons également de lire la chronique du Valhalla Hotel dans la même collection ou Invisible Kingdom qui dénonce aussi la religion au milieu des vaisseaux spatiaux.