[Interview] Lili Fevre : « AllOne est un spectacle sur la rencontre d’une foule et d’un individu »

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A la croisée de la danse, du théâtre et de la vidéo, AllOne, œuvre sur la foule et le groupe, sera à l’affiche du Théâtre El Duende les 23, 24 et 25 octobre prochains. Rencontre avec Lili Fevre, auteur, metteur en scène et l’une des comédiennes de la pièce.

« C’est l’histoire d’Un qui souhaite faire partie de la foule tout en conservant son intégrité. C’est l’histoire d’un autre qui court après le pouvoir. C’est l’histoire de celui qui veut juste être sans histoire. C’est l’histoire de celui qui saisit son individualité. C’est l’histoire de ceux que la foule dépasse. C’est l’histoire de la différence et du conformisme. Une rencontre d’une foule et d’un individu, la rencontre d’une foule contre un individu. C’est la révolte d’une foule victime d’elle-même. »

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J.F :  En quoi consiste précisément AllOne ?

Lili Fevre : C’est une pièce pluridisciplinaire, où se mélangent du théâtre, de la danse et de la vidéo. Un travail a également été mené sur la musique et le son. Le spectacle s’intéresse à la thématique de la foule et du groupe et à tout ce que cela peut engendrer (exclusion, leadership, appartenance, marginalité…). AllOne est composé en tableaux, sans « personnages » avec une histoire linéaire.

Pour quelles raisons as-tu eu envie de travailler ces problématiques-là ?

Parce que je pense que nous y sommes confrontés tous les jours, en permanence, sans en être toujours conscients.

Et pourquoi via le théâtre et la danse ?

Ce sont des médiums qui touchent beaucoup, en tout cas pour ma part. Je vais au théâtre et fais de la danse depuis toute petite, je suis une passionnée. Je pense que l’on peut tout raconter avec le théâtre. La danse, au travers du corps, est quant à elle une discipline qui peut exprimer des choses que les mots et la voix ne peuvent pas toujours traduire.

Dans le spectacle, tu es à la fois auteur, metteur en scène et comédienne ?

Oui, je l’ai écrit, mis en scène et ai également réalisé les chorégraphies. Mais ces dernières, ainsi que la mise en scène, ont été beaucoup alimentées par les propositions des quatre autres comédiens (Déborah Dozoul, Sandra Duca, Michael Helmrich, Romain Salomon).

Donc vous êtes cinq en scène. Est-ce un choix volontaire de prendre peu de monde pour une pièce sur la foule ?

C’était compliqué pour un premier projet de créer physiquement une foule. Il m’est venu alors l’idée de la vidéo. On a tourné les séquences à la Marbrerie à Montreuil pendant une journée entière avec des volontaires, des figurants déterminés, qui ont marché pendant une journée pour créer la foule.

Quel est ton parcours ?

J’ai fait un bac théâtre, où j’y ai rencontré des profs assez formidables qui m’ont ouverte à pas mal de choses. Ensuite, je suis rentrée au Conservatoire du 10ème arrondissement (2 ans). En parallèle, j’ai suivi une formation à l’université, en Études théâtrales. Je suis actuellement en master 2.

Et celui des comédiens/nes?

D’abord, il est important de préciser que je n’ai travaillé qu’avec des comédiens, et non des danseurs. Si certains ont pratiqué la discipline auparavant, aucun de façon professionnelle. C’est ça qui m’intéressait, notamment sur la recherche du mouvement. Je pensais que ce dernier pouvait être moins parfait mais plus sincère et davantage dans l’émotion. Je voulais voir des corps différents, avec des interprétations de mouvements qui variaient. Car une foule c’est cela aussi. C’est hétéroclite et multiple.

Les parcours des comédiens varient tous. Michael Helmrich a suivi une formation au Conservatoire de Perpignan, Sandra Duca à l’école Béatrice Brout, Romain Salomon au Studio Alain de Bocq et Déborah Dozoul à l’EDT91. Ces passifs théâtraux très différents sont intéressants dans le travail. Nous n’aimons d’ailleurs pas forcément le même théâtre, et c’est ce qui donne, dans nos échanges, des débats et des propositions si riches… Les comédiens ont énormément apporté au projet. Le spectacle tel qu’il est aujourd’hui n’aurait pas pu ce faire sans eux, c’est évident.

C’est un travail d’ensemble alors ?

Oui. Et pour le coup, l’équipe technique est également très importante dans AllOne. Composée de mon frère, Tom Fèvre, de Brieuc Schieb à la vidéo, et Mathieu Jourdan à la musique, elle a réalisé un travail formidable. Le CRTH (Centre Recherche Théâtre Handicap) nous a également beaucoup apporté, en nous permettant de faire deux résidences chez eux.

Puises-tu ton inspiration dans le répertoire théâtral ?

Chaque fois que je vais au théâtre, ça éveille des choses. Et effectivement, il y a des artistes que j’admire : Anne Teresa De Keersmaeker, Maguy Marin, Mnouchkine, et Guy Cassiers pour n’en citer que quelques-uns… Mais je pense que je suis inspirée par tout ce que je vois, parfois même sans en avoir conscience. Expositions, tableaux, films… Même ce que je n’aime pas m’aide à me motiver et préciser mon regard, ma vision du théâtre, ainsi que mes goûts artistiques.

Travailler sur les thématiques de la foule et du groupe t’a-t-il fait évoluer sur ces notions ?

Oui. J’en suis beaucoup plus consciente aujourd’hui. J’ai un regard différent, j’observe beaucoup plus la foule et les mouvements qui en découlent. Le fait d’avoir travaillé dessus m’a interrogée sur ma position dans le groupe et celle que j’aimerais avoir.

Informations pratiques :

De et par Lili Fevre
Avec : Déborah Dozoul, Sandra Duca, Lili Fevre, Michael Helmrich, Romain Salomon
Création vidéo : Tom Fevre et Brieuc Schieb
Création sonore/musicale : Mathieu Jourdan
Création lumière : César Sebastien

A retrouver les 23, 24 et 25 octobre prochains au Théâtre El Duende, Ivry-sur-Seine. Infos et réservations sur le site internet.