La grande Halle de la Villette est investie à nouveau par ce festival, importé des Etats-Unis. Le Pitchfork Festival est une initiative du blog musical, Pitchfork.com, devenu aujourd’hui une institution parmi les sites de critique musicale. L’édition parisienne de cette année illustre bien ce que recouvre le « label Pitchfork » : des groupes pouvant être fédérateurs mais qui ne transigent pas pour autant sur l’integrité artistique. De qui parle-t-on ? C’était comment au final ? Petite revue de la soirée de vendredi… etant arrivés pile poile pour Flavien Berger.
Flavien Berger : « Je sens une ambiance Fête Fo à la Villette… »
Le compositeur électro et chanteur était seul, avec son synthé et ses séquenceurs, et la nudité de la scène était en cohérence avec ses introductions verbales des plus sobres, au laconisme confondant de drôlerie. « Il paraît que je vais jouer une chanson » dit-il avant d’entonner « Vendredi » (et il ose ajouter « ça tombe bien on est vendredi en plus »), l’instant lover du concert. « Un peu Fête Fo cette Villette je sens » ajoute-t-il entre 2 morceaux, les initiés comprendront (« Une fête foraine devenue noire » chantera-t-il après). La production sonore impactante et les beats acérés ont le don de bouger la foule plusieurs fois, conquise ou bien agréablement surprise. Le tout mêlé à un univers Dahohien que l’on avait presque oublié, que ce soit dans l’esprit un peu new-wave que dans les paroles un peu dandy et pas mal ironiques. « La Fête Noire » va être le tube de son show, et ses petits cris de frousse dans le morceau deviennent un peu de circonstance avec Halloween qui approche. L’apothéose vient en fin de concert, avec, on s’en doutait, un « Leviathan » d’une dizaine de minutes et de plusieurs centaines d’approbations. Minutes très chargées : on y ressent un peu la solennité de Kraftwerk (le morceau Autobahn en est un bon exemple), ou plus simplement un longue dérive ésotérique, tourné autour du Leviathan, ce qui fait de l’album du même nom un concept-album et un divertissement à la fois. Vive le noir !
Explosions in the sky, vers les firmaments
Changement de registre : de la nudité scénique de Berger, on passe à de l’adrénaline un poil plus chargée, et 5 gaillards qui s’érigent en esthètes de la guitare. Ou plutôt des guitares : pas moins de 3 sont présentes sur cette scène, pour interpréter les morceaux de leurs opus, à savoir des superbes pièces instrumentales, des envolées électriques, du lyrisme, du fantastique presque. Si jamais on ne connait pas tous les morceaux, on ne boude pas son plaisir d’admirer l’osmose des performances de ces artistes. Difficile de décrire pourquoi on ressort de ce concert heureux : l’harmonie des musiciens, les postures et mimiques à la ZZ top (après tout les groupes viennent tous deux du Texas) mais sans la barbe, cette sensation que vous n’attendiez plus et qui survient lorsqu’une soudaine harmonie jaillit d’un apparent chaos et bourdon sonore. Le ciel de cette nuit parisienne brille de milles guitares, ce groupe est à réécouter mille et une fois (de préférence en live).
Bat For Lashes, la chauve souris est lâchée
Le groupe anglais, porté par la voix de la ténébreuse anglo-pakistanaise Natasha Khan, a conquis les amateurs, en déroulant son répertoire tout sobrement, appuyé par son back-band. A voir les réactions des fans, sa voix et sa matrise font mouche. A raison? Peut-être, seulement entre Explosions in the Sky et Todd Terje, cette longue interlude folk et proprette était pour la plupart l’occasion d’aller siroter un cocktail en s’affalant sur les canapés, ou bien s’essayer à l’une des balançoires à l’étage du « village des disquaires ». Mais bon, elle a fait son job.
Todd Terje & the Olsens, sous les tropiques
Dans la famille des artistes électro scandinaves, je prend Todd Terje. Ne vous méprenez pas, ce n’est pas parce qu’on est norvégien que la musique qu’on fait est froide ou rêche. C’est du côté des tropiques qu’on va naviguer de leur côté : plein de disco coloré, avec sur scène des vrais timbals (des sortes de tam-tams surélevés, souvent présents dans la samba), une ambiance de fête, des gimmicks faciles mais pas passe-partout pour autant. Les influences sont nombreuses et la patte du groupe est assez unique : on pense à leurs voisins Lindstrøm par exemple. Ces arrangements ont l’air comme cela inoffensifs, mais ils donnent une impression de petit à petit émerger d’une longue nuit ou d’un long silence. Un peu comme la luminothérapie dans ces pays au soleil qui ne se lève quasiment pas en hiver : à force d’écouter leurs morceaux, la banane (et le déhanché) reviennent crescendo vous saisir.
Moderat, sans modération
Le couple des groupes allemands (Moderat = le duo Modeselektor et l’artiste Apparat, qui forme du coup un trio) ont l’habitude de mettre les bouchées doubles (triples). Et cette soirée parisienne ne déroge pas à la règle. La tournée de cette année a fait des émules, leur set de ce soir va faire carrément chavirer. Pas moins de 2 heures de shows, incluant des vidéos et de la pyrotechnique des plus travaillés (c’est devenu une marque de fabrique de leurs performances désormais), on a le droit à du gratin. « A New Error » qui débute le show est un vraie hymne post moderne, qui évoque une dystopie fascinante et cybernétique. Leur univers mêle en effet futurisme et imagerie pop-art qui les différencient et en font le fer de lance de l’électro allemande. Si on monte sur le balcon de la Grande Halle, on sentira mieux la claque de ces morceaux-tornades, entre techno minimale, dubstep aux chaloupes ciselées et new-wave. Car on entend désormais davantage de chant, et mis ensemble, on croirait parfois entendre les enfants de Depeche Mode, mais technologiquement plus avancés.La technique de ces messieurs servent en effet à happer l’auditoire de la Grande Halle : le finale de cette soirée aura été assurée par ces transporteurs supersoniques. Du travail de pro…
Crédits Photo : Piotr Grudzinski
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