Sully, en salles mercredi, est le nouveau film de Clint Eastwood, porté par Tom Hanks et Aaron Eckhart. Le long-métrage narre l’histoire vraie du pilote d’avion Sully Sullenberger, qui, le 15 janvier 2009, sauva ses passagers en amerrissant sur l’Hudson (fleuve dans l’État de New York). Cependant, alors qu’il fut vite considéré comme un héros par les médias et l’opinion publique, une enquête fut ouverte qui menaçait d’entacher sa carrière.
Sully alimente la folie des biopics :
Les biopics, autrement dit les longs-métrages qui se concentrent sur une personnalité reconnue, sont très à la mode. Certains demeurent légitimes et intéressants, par exemple le récent Snowden d’Oliver Stone apporte réellement quelque chose, et apparaît très ancré dans la situation sociale actuelle. Pourtant l’histoire de Sully ne méritait pas forcément un film à part entière, et cela se ressent dans la mise en scène de Clint Eastwood. En manque de matière, le cinéaste n’a pas grand-chose à raconter, et se contente de mettre en scène un film court (à peine 1h30), où les informations ne sont pas légion et qui tourne très vite à vide. Sully est un film au classicisme ennuyeux, où le montage décousu et superficiel donne parfois l’impression d’avoir affaire à un téléfilm sur les crashs d’avion qui passe parfois sur France 5.
La photographie, le rythme, les transitions ne donnent pas un effet cinématographique au long métrage. Clint Eastwood tourne à tel point en rond qu’il ressort à son auditoire la scène du crash à de nombreuses reprises. Sully transmet le même ressenti que le récent Truth, porté par Robert Redford et Cate Blanchett, un long-métrage relativement intéressant mais terriblement fade, vide et sans véritable légitimité. Clint Eastwood semble avoir expédié son film sans réellement s’investir complètement dans sa construction, se reposant sur la présence salvatrice de Tom Hanks.
Un film qui repose totalement sur les épaules de Tom Hanks :
Le papa d’Impitoyable est reconnu pour son patriotisme à l’excès, véritable amoureux du drapeau comme a pu le révéler son récent American Sniper. Sully n’échappe pas à la règle et apparaît parfois comme une simple idéalisation des États-Unis. Il met en avant le courage du pilote, des sauveteurs, affirmant que ces héros américains ne peuvent qu’être américains, comme une évidence qui apparaît de surcroît par excès de patriotisme. Clint Eastwood ne prend pas de recul, n’émet pas de doutes, n’applique pas la nuance nécessaire lorsque l’on traite d’une histoire vraie. Ce pilote est un héros, point à la ligne.
Heureusement tout n’est pas à jeter dans Sully, notamment la prestation de Tom Hanks toujours très juste. Cet acteur à la carrière grandiose continue de nous épater en s’immisçant dans ses rôles comme personne, et déversant toujours la dose subtile et nécessaire d’émotivité pour rendre son personnage crédible et empathique. Il porte le long-métrage sur ses épaules. La dernière scène de l’accident, la plus longue, demeure prenante. Moins impressionnante que celle du récent Flight de Zemeckis, elle apparaît néanmoins plus crédible et plus effroyable. Le spectateur se sent réellement concerné et impuissant face au crash à venir, une scène musclée et parfaitement maîtrisée. Une manière de mettre le spectateur dans la peau du passager et ainsi considérer le commandant comme un véritable sauveur.
Par ailleurs, Clint Eastwood passe à côté d’un potentiel critique intéressant : il ne traite pas du contrôle des médias, de la manière avec laquelle ils peuvent manipuler la conscience populaire. De même, il ne se concentre pas assez sur le fonctionnement du système d’assurance et sur les motivations de l’enquête qui pèse sur le pilote. Pourquoi tenter de détruire sa carrière ? Le spectateur sait évidemment que c’est une question d’argent, que les assurances veulent vengeance après la destruction d’un airbus par la décision du pilote et que les rouages de ce système demeurent complexes. Mais Clint Eastwood effleure ce fait pourtant lourd de sens et ne parvient pas à déterminer la bienfaisance de la décision du pilote par rapport au système dans lequel il est prisonnier. Quant à l’aspect psychologique du personnage, son traitement reste très superficiel et porté par les clichés du genre : le personnage qui doute, qui ne parvient plus à dormir, qui ne sait plus si sa décision était la bonne ou non. Clint Eastwood ne parvient pas à donner une véritable identité à son film…
Sully est ainsi un film relativement vide, qui n’a pas grand-chose à raconter et qui n’existe que par la présence de son acteur principal : Tom Hanks.