Hier soir se tenait un merveilleux concert au Trianon : The Chopin Project avec Olafur Arnalds et Alice Sara Ott. Un instant magique !
Arrivé au Trianon, c’est Federico Albanese qui assure la première partie. On est déjà dans l’ambiance.
La salle est plongée dans le noir et on se laisse porter par les notes qui s’échappent du piano. Un son clair et des mélodies répétitives, lancinantes qui caressent nos oreilles et nous apaisent des bruits de la ville.
Ce jeune pianiste modeste doit faire face aux parisiens (toujours en retard) qui s’installent bruyamment dans la salle durant sa courte prestation. Courageux et doué, il remercie humblement l’équipe du Trianon et le public de lui avoir accordé son attention… un musicien à suivre !
The Chopin Project
Olafur Arnalds entre en scène avec un quintet de corde. Commence alors un récital avec une configuration de musique de chambre. Dans l’intimité du Trianon, doucement la musique s’évapore et vient emplir l’espace. On est très vite possédé par ce son mélancolique et tendre.
Il est rejoint dès le deuxième morceau par Alice Sara Ott qui prend le relais au piano. Léger et puissant à la fois, son doigté nous invite au voyage. On se laisse bercer par cette musique. Olafur Arnalds présente Sara et explique en souriant qu’il n’est là finalement que pour tourner ses pages et qu’il était très anxieux à l’idée de tenir ce rôle durant le concert. On sent beaucoup d’affection et de complicité entre les deux musiciens.
Björk Oskarsdottir au violon entame alors la magnifique Nocturne en C mineur de Chopin. Instant d’une étrange et forte intensité, frisson et vive émotion. Les applaudissements fusent tandis qu’Alice enchaîne sur Reminiscence au piano accompagnée par l’ensemble du quintet ; la musique croît et nous touche profondément. Silence dans la salle, craquement de parquet, comme si tout l’ancien théâtre vibrait sur ce titre et sanglotait au son du Chopin Project.
Les morceaux se succèdent et l’assistance se laisse complètement posséder. Olafur Arnalds vient peupler les composition de bruits, de voix lointaines, d’une animation soudaine et étrange; pendant un instant, c’est comme si le décor changeait et, alors que nous nous trouvons toujours dans le Trianon, on a l’impression que le concert se passe dans la rue, dans un café, dans un lieu feutré… les yeux fermés le voyage est de plus en plus intérieur.
C’est à mi-parcours qu’Olafur Arnalds reprend la parole, craignant un assoupissement du public. Mais non, nous sommes toujours là, dans une autre sphère certes ; nous avons quitté ce monde pour un autre plus onirique et il nous en fait revenir le temps d’une petite expérimentation. Le public est invité à chanter un LA qui sera utilisé pour hanter le morceau suivant. Et le voyage reprend de plus bel !
On ne voit pas le temps passer, il s’est d’ailleurs arrêté et on espère qu’il ne reprendra pas son cours. Il y a quelque chose de l’ordre de l’inconscient, de l’au-delà dans cette musique tendre et triste à la fois qui parle aux sens et au cœur. Lorsque le dernier titre se termine, on sort de façon un peu abrupte de ce songe et on espère vite un rappel.
Il y en a un en effet.
Olafur Arnalds et Alice Sara Ott reviennent sur scène seuls, sans le quintet et racontent leur rencontre et leurs discussions autour d’un verre de whisky (dont tous les deux sont amateurs et qu’il dégustent d’ailleurs sur la scène). Il racontent aussi leur passion commune pour Chopin. Alice partage alors une histoire sublime et particulièrement émouvante.
Alors qu’elle voyageait, sa grand-mère est tombée gravement malade au Japon. Elle était souffrante et agonisante ; Alice espérait pouvoir venir la voir avant qu’elle ne décède, mais les circonstances l’en empêchaient. Sa grand-mère survivait tant bien que mal, attendant sa petite-fille pour un dernier adieu. Elle reçut alors un appel de sa famille la suppliant de renoncer et de la laisser partir. Elle prit alors sa grand-mère au téléphone et ne sachant quoi lui dire, ne se résignant pas à lui dire au revoir, elle se mit au piano pour jouer une valse de Chopin. C’est sur sa musique que la vieille femme ferma les yeux et partit.
Vague d’émotion intense et silence religieux lorsqu’elle interprète alors ce morceau.
Plus léger, Olafur Arnalds nous raconte l’importance de sa grand-mère à lui : elle l’a amenée à se détourner du Death métal pour écouter du classique et particulièrement Chopin. C’est grâce à elle que son orientation musicale a pris une autre tournure et qu’il a composé tous ses morceaux et ce fabuleux projet. Le dernier titre est donc un hommage à cette femme qu’il a en profonde estime. Alors qu’il joue, on entend le quintet de corde s qui lui répond depuis les coulisses, comme une évocation lointaine, un souvenir du concert qui se termine et s’achève dans un fondu au noir.
Instant magique et rare, The Chopin Project fait partie de ces concerts uniques qu’on ne vit et ne peut ressentir qu’une fois. Il vous touche profondément et laisse une empreinte de chaleureuse et humide des quelques larmes, exprimées ou refoulées, que nous avons versées. Cette musique de l’émotion est un partage de douceur inconditionnel et on ne peut que remercier l’ensemble des musiciens qui y ont participé pour leur générosité et leur amour de la musique et de Chopin.
Je vous recommande vivement d’écouter et de découvrir la musique d’Olafur Arnalds !
SHOP : http://olafurarnalds.frocksteady.com/shop.html
Les perceptions différentes font la richesse de nos ressentis…
http://www.franzmuzzano.com/2015/09/the-chopin-project-live-une-fausse-bonne-idee.html