Focus sur Gabriel(le), une réflexion sur l’adolescence!

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Gabriel est mort. Gabrielle aussi. Il s’est noyé, elle est tombée d’un toit, il a fait une chute mortelle depuis une grue, elle s’est brisée la nuque sur les rails… Qui est Gabriel ? Et que lui est il arrivé ? Un jeu, un bizutage, un défi, un accident, un suicide, un meurtre ?

Ce qui est sûr, c’est qu’il y avait un groupe, et un effet de groupe ! La pièce commence avec une projection sur grand écran ; des gens se font interroger : se sont-ils déjà sentis exclus ? Ont-ils participé, assisté, initié ou subi l’influence du groupe ? En ont-ils été victimes ou au contraire en étaient-ils à l’origine, ou bien encore spectateurs… Ces questions posées aux passants dans la rue aux alentours du théâtre, ce sont les mêmes que vont se poser les personnages et qu’ils vont nous poser à nous.

La plupart des scènes de la pièce sont des scènes de groupe. Il y a les grandes gueules, ceux qui prennent tout en main, ceux qui suivent, et puis certains qui se rebellent, s’affirment en dehors du groupe…

Après la mort de Gabriel(le), tous ont fuit. Restent alors la culpabilité et la panique, à cause de la police. Alors ils se réunissent et cherchent des solutions, quand ils ne se rejettent pas la faute les uns sur les autres, pour échapper à la punition. Et c’est alors un brainstorming des plus mauvaises idées possibles ! On rit parce que c’est absurde, idiot, cruel mais on rit jaune, parce que si cette histoire était vraie, ce ne serait pas si surprenant. Maquiller l’accident en meurtre, accuser le clochard du coin, écrire une fausse lettre de suicide… voilà quelques exemples des meilleures idées pour gérer la situation.

Les rares scènes qui ne sont pas collectives montrent la détresse des personnages qui en viennent à se demander ce qu’ils pensent, savent, croient penser ou croient savoir. Parce que tout a été remis en doute. Le groupe dans lequel ils se fondaient, se réfugiaient, les a menés dans le mur. Le groupe était leur identité et le voilà en déroute.

Ce qui est aussi marquant c’est l’insensibilité ou plutôt l’indifférence des jeunes à l’égard de Gabriel(le) :« De toutes façons ça n’était pas vraiment mon ami ». Pour eux ce qui compte avant tout c’est de sauver leur peau.

Mais au fil de la pièce, ils finissent par comprendre qui est Gabriel(le) : c’est celui ou celle qui a du mal à s’intégrer, qui est à l’écart, que personne ne remarque et ne cherche à connaître, qui est isolé des autres, qui est différent, dont on se moque, que l’on persécute, dont on ne se préoccupe pas de savoir ce qu’il ou elle peut ressentir.

Gabriel(le) est une réflexion sur l’adolescence, l’inconscience, la bêtise de cet âge où l’on se cherche et où le groupe est essentiel pour se construire. Et c’est en montrant des ados perdus que le collectif In Vitro nous en parle le mieux. Si l’histoire de Gabriel(le) nous montre la fragilité, la lâcheté et l’égoïsme inhérents à l’âge bête, les acteurs de Gabriel(le) quant à eux, nous montrent l’envie, l’énergie et le potentiel de leur jeunesse. En effet, ce que les metteurs en scène Julie Deliquet, Gwendal Anglade et Julie Jacovella ont réussi à faire avec un groupe de jeunes amateurs est impressionnant. S’il faut malheureusement plusieurs fois tendre l’oreille pour comprendre ce que les comédiens disent, on doit reconnaître que leur jeu a le mérite d’être tout le temps juste. Spontané et naturel, c’est certainement grâce à la liberté qui leur est donnée d’improviser. Jamais de caricature et c’est rare quand on parle d’adolescence. C’est certainement parce que les acteurs parlent d’eux-mêmes et jouent simplement la situation ; parfois même avec maladresse, mais cela ajoute de l’authenticité à l’histoire.

Portés par une musique discrète et inquiétante, les comédiens évoluent sur un plateau nu. Pas de décors ou presque, les personnages sont abandonnés, livrés à eux-mêmes. La lumière est rare, c’est sombre, sauf au moment du chant, où c’est rouge ! Les comédiens interprètent « Take me to church » de Hozier. L’artiste à travers ce morceau souhaite défendre la cause homosexuelle et l’orientation sexuelle de chacun, en dénonçant le traitement de la communauté LGBT en Russie. Ce n’est donc pas un hasard si c’est cette chanson et pas une autre que chantent les personnages de Gabriel(le).

C’est leur façon de dire que l’isolement, la persécution d’un groupe, d’une société envers une ou plusieurs personnes est une cause universelle qui va bien au delà du quartier des ateliers Berthier.