Après Brahman, la saga Assassin’s Creed revient en comics avec Sujet 4. On quitte l’Inde pour plonger dans l’ancienne Russie du XIXe siècle.
Vodka et Révolution
Dans les comics tout comme dans les jeux vidéo, la saga Assassin’s Creed vous fait vivre conjointement un récit d’aventures et un voyage dans le passé. Sujet 4 ne déroge pas à la règle en se déroulant sur deux lignes temporelles. Dans les années 2000, Daniel Cross suit une thérapie. Il perd pied avec la réalité car ses rêves sont si puissants qu’ils envahissent sa vie. Les spécialistes pensent que cette folie naissante vient de son passé de prisonnier, d’alcoolique et de toxicomane. Cependant, le lecteur d’Assassin’s Creed rentre également dans l’esprit de Daniel lors de ses crises et comprend qu’il n’est pas fou. Le jeune homme revit les souvenirs de son arrière-grand-père Nikolaï Orelov. On se retrouve en Russie à la fin du XIXe siècle. Membre de l’ordre des Assassins, Orelov est chargé d’écarter le tsar Alexandre III, puis de retrouver le sceptre d’Eden.
Le scénario utilise les faits historiques comme la mort du tsar réformateur Alexandre II après cinq attentats ratés et la politique réactionnaire de son fils Alexandre III. Le lecteur voit Lénine prendre le pouvoir par la révolution de 1917. Un rapport cite le scientifique Tesla. Le propos est étonnamment politique. La répression des militants communistes aux Etats-Unis n’est pas occultée et Dubaï est décrite comme un lieu d’exploitation.
Ce nouvel opus d’Assassin’s Creed est également le portrait parallèle de deux hommes en crise. Nikolaï est hanté par sa destinée. Il ne voulait pas faire partie de la Narodnaïa Volia (l’ordre des Assassins), mais cette charge lui est imposée par son père. Il le voit en rêve l’accusant de ne pas être à la hauteur. Nikolaï délaisse sa famille pour remplir sa mission. Trop impulsif, son arrière-petit-fils Daniel est incapable de garder un travail ou de suivre un traitement médical. Il est odieux avec les femmes. Son enfance explique ce comportement erratique. Il pensait être fou et indépendant, mais découvre son héritage familial dans un centre de formation d’Assassins. Comme certains anciens toxicomanes, il change radicalement devenant l’adepte le plus assidu.
Deux pour une œuvre
Dans une répartition assez originale des rôle, Karl Kerschl et Cameron Stewart sont conjointement scénaristes et dessinateurs de cette nouvelle proposition d’Assassin’s Creed. Après une longue carrière dans les super-héros sur Superman ou The Flash, Karl Kerschl a connu le succès dans l’auto-édition par son webcomic primé The Abominable Charles Christopher. Il travaille au Studio Lounak de Montréal avec Cameron Stewart connu sur Batman & Robin, Catwoman et son webcomic Sin Titulo.
Les deux artistes se placent avec habileté dans l’univers Assassin’s Creed. Des extraits de rapports expliquent le contexte et la mission. Nikolaï fait partie de l’ordre des Assassins dirigé par le mystérieux Mentor qui lutte contre les Templiers dans l’entourage du tsar. Cependant, ce côté binaire est dépassé car chaque camp pense agir pour le bien de l’humanité… sans jamais demander leur avis aux citoyens. Il porte une variation de la tenue des Assassins avec un bord en fourrure. Le dessin multiplie avec talent les scènes d’action. les deux auteurs réussissent également à croiser les lignes temporelles en jouant sur la mise en page et la couleur. Un dossier très complet en fin de volume retrace les recherches des auteurs. On peut cependant trouver que des scènes nous sortent de la lecture : le tsar soulève à lui seul un wagon. Certaines idées sont proches du complotisme : toutes les élections sont truquées par des lobbies secrets.
Édité par Black River, ce nouvel épisode de la saga Assassin’s Creed se place dans la lignée des jeux vidéo avec des scènes d’action très réussies. Cependant, Sujet 4 délaisse les sentiers battus du thriller pour une description de la folie par deux hommes : dans le passé, les évènements poussent l’un à davantage de violence, tandis qu’au XXIesiècle un homme cherche à guérir.
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