Le dessinateur du manga de foot Ao Ashi revient chez l’éditeur Mangetsu dans un style très différent. Le premier tome de Fermat Kitchen décrit le changement de vie d’un mathématicien se découvrant une passion pour la cuisine…
Se relancer après un échec
Dans la première scène de Fermat Kitchen, un lycéen participe à des olympiades de mathématiques. Gaku Kitada suit son rêve d’enfance : devenir mathématicien. Cependant, il transpire et n’arrive plus à tenir son crayon. Sous la pression des dernières qualifications, Gaku craque et rend copie blanche. Plutôt que de le réconforter, le directeur de l’académie l’enfonce : il est la honte de l’école. L’échec personnel de Gaku devient un problème familial. En effet, il perd sa bourse et devient un poids financier pour son père.
Pour financer ses études, Gaku devient donc cuisinier à mi-temps dans son lycée. Déprimé, il ne sait plus ce qu’il veut faire dans le futur. Ayant perdu confiance en lui, il est persuadé qu’il n’est pas assez bon et qu’il ne lui reste qu’à trouver au plus vite un emploi, quel qu’il soit. Pourtant, ce premier tome marque la rencontre de deux génies. Dans la cuisine de l’académie, Gaku croise Kai Asakura, un cuisinier prometteur qui lui ouvre une opportunité de carrière. Kai l’impressionne car il possède son restaurant à vingt-trois ans.
De boulot alimentaire, être cuisinier devient une passion. Fermat Kitchen décrit alors la découverte d’un nouveau milieu. Le lecteur comprend que la cuisine se rapproche des maths. Il faut respecter les proportions, calculer le temps de cuisson et équilibrer les arômes. Gaku est naturellement doué pour la cuisine et il y prend plaisir mais il fallait sa rencontre avec Kai pour qu’il s’en rende compte.
Une fois le plat prêt, la récompense est de rendre les autres heureux. On pourrait penser que la série serait une présentation de la gastronomie japonaise. Cependant, le scénariste et dessinateur Yûgo Kobayashi nous propose un tour du monde culinaire. Le premier plat que prépare Gaku est, par exemple, des spaghettis à la napolitaine. On en trouve la recette à la fin de l’épisode.
Fermat Kitchen ou la critique de la compétition scolaire
Dans Fermat Kitchen, on retrouve bien entendu le style du dessinateur d’Ao Ashi. Le lecture est toujours aussi vive. Les cases s’enchainent et le lecteur est totalement plongé dans le récit. Au départ, adepte d’un style classique, Yûgo Kobayashi a su relâcher ses traits, ressemblant désormais de plus en plus à Naoki Urasawa.
Cependant, tout le reste est différent. Comme si on souffrait d’une synesthésie, Kobayashi réussit un exploit : représenter le goût par l’image. On pense aux Gouttes de Dieu. Le personnage principal de Fermat Kitchen voit les ingrédients et nous indique ainsi les saveurs. Pour décrire la sensation de surprise, l’image tourne comme si le lecteur avait le vertige.
Gaku étudie dans un lycée privé. Tous les élèves ayant une étiquette, il se doit d’être le plus intelligent de l’établissement. Depuis son échec aux olympiades, cette réputation est devenue une pression supplémentaire. Il est mis à l’écart et classé comme original. Il faut dire qu’il ne vient pas du même milieu social. Son père est garagiste. Très fier de sa réussite et chaleureux, il ne met pas la pression à son fils mais ce dernier s’en met tout seul.
Le lecteur de Fermat Kitchen découvre le stress que subissent les lycéens en raison de la compétition. Gaky n’est pas le seul car Ayu Uomi, une camarade de lycée, est en section sportive. Cette compétition est orchestrée par le directeur qui se moque du bien-être de ses élèves mais dont le but est de faire grandir le prestige de son académie.
Malgré cette thématique sombre, Fermat Kitchen est une lecture très fun. En effet, le lycée de Gaku est étrange. Son directeur est tyrannique et rancunier. Il fait venir Kai comme cuisinier extérieur alors qu’il ressemble à un chef de gang de jeunes. Ce personnage est étrange en raison de sa franchise. Comme souvent dans les manga, une personne honnête et qui questionne les autres déstabilise l’interlocuteur.
Alors que Fermat Kitchen est l’œuvre du même auteur qu’Ao Ashi. Cette nouvelle série en est l’antithèse. Le joueur de foot Ashito est persuadé qu’il va devenir professionnel. Au contraire, Gaku n’est pas sportif et, plus profondément, il est en crise et se cherche. Pourtant, on sent que, comme Ao Ashi, le succès pourrait être au rendez-vous.
Retrouvez sur le site la chronique du dernier tome d’Ao Ashi ainsi que la présentation d’une série sur un empoisonneur.
