Les histoires criminelles se déroulent souvent en ville mais peu de cités ont autant de charisme que Sin City. Cette série de Frank Miller part du polar pour aller vers la mythologie. Découvrez dans notre chronique ce monde sombre et fascinant.
Le retour d’un grand de la bd américaine
2023 marque le retour en librairie de Frank Miller, un des plus grands créateurs de la bd anglo-saxonne. En 2022, le scénariste et dessinateur Frank Miller fonde avec Dan Didion l’ancien co-éditeur en chef de DC une maison d’édition indépendante : Frank Miller Ink. Ayant récupéré les droits de ses séries sorties en indépendant, il en profite pour sortir de nouvelles éditions. Cette création déclenche un changement de droits en France. Les éditions Huginn & Muninn obtiennent les droits d’éditions de Sin City et de 300.
Scénariste et dessinateur né dans le Maryland, Miller se fait tout d’abord chez Marvel sur la série Daredevil. Il renforce l’ambiance sombre et les thématiques polar de Daredevil. En 1983, il arrive chez le concurrent DC comics en incorporant des influences japonaises : Ronin mélangera les récits de samouraïs avec la science-fiction. Mais le meilleur est à venir quand il s’attaque au chevalier de Gotham : The Dark Knight Returns en 1986 imagine un Bruce Wayne vieillard dans une ville dominée par des gangs hyperviolents s’inspirant du Joker. Non seulement la mini-série est un succès en librairie mais un choc artistique à l’époque et encore aujourd’hui. Le succès continue avec plusieurs séries où Miller plonge des super-héros dans une ambiances de films noirs.
L’arrivée dans Sin City
La suite logique est d’abandonner les costumes des super-héros pour se consacrer au polar : ce sera Sin City, la ville du pêché. Sa popularité lui permet en 1991 de se lancer en indépendant par le biais de l’éditeur Dark Horse. Il reprend les codes du polar de Dashiell Hammett ou James Ellroy. Sin City décrit à chaque fois un nouveau récit complet dans le même lieu avec des personnages nouveaux ou récurrents. Peu à peu, un univers se forme.
Le premier choc passe par le changement dans le dessin. Miller conserve son style dans les formes des personnages mais tout le reste est différent. Au départ, Miller se limite au noir et blanc mais, inversant les codes, avec le noir remplaçant le blanc. Le lecteur a l’impression que Miller part d’une case noire puis dessine en blanc les personnages, les décors… La mise en page explose. Les cases disparaissent pour une narration plus fluide alternant les petites cases et les pleines pages. L’autre évolution concerne les scénarios. Par certains aspects, Frank Miller reste dans les codes du polar comme le montrent les deux premiers tomes de la série. Une femme à se damner raconte la tentative de rachat d’un détective prive. Sombres Adieux suit la quête de vengeance de Marv. Cet ancien taulard pensait avoir trouvé l’amour dans les bras de Goldie. Cependant, en se réveillant d’une nuit de passion, l’ancien taulard découvre sa compagne assassinée alors qu’il n’a rien entendu. Pire, les flics arrivent. Marv doit donc enquêter seul pour trouver qui a tué son ange.
Cependant, en même temps, les récits de Sin City sortent des codes. Au premier abord, Marv apparaît comme le stéréotype du mâle alpha. Il boit beaucoup, écoute de la country et porte même un imper. Nostalgique du passé quitte à être raciste, Marv n’est pas un héros. Il frappe des flics, vole des cadavres et est accro aux calmants. Pourtant, cette force n’est qu’une façade publique. Idéalisant sa rencontre, Marv croit qu’il a vécu une fantastique nuit d’amour mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’un coup d’un soir entre deux amants bourrés. Il ressemble à un enfant ayant grandi trop vite. Son arme au nom de poupée est un doudou qu’il tient contre lui pour se rassurer. Par son ambivalence, Sombres Adieux quitte le récit de vengeance pour un drame d’une vie pathétique.
Avec l’arrivée des titres de Frank Miller dans une autre maison d’édition, la série Sin City trouve une nouvelle mise en avant. Possédant désormais sa propre maison d’édition, Frank Miller a de nombreux projets comme la suite de Ronin et de Sin City en partie dessinée par Milo Manara. JustFocus sera ravi de vous conter ces nouvelles aventures
Retrouvez d’autres sorties du même éditeur avec Madman et Ice Cream Man.