Découvrez la vie d’un samouraï dans Mibu Gishi Den

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Le traitre revient ! Tel pourrait être le sous-titre de cet article. Le tome 3 de Mibu Gishi Den, sorti chez Mangetsu, continue à raconter la biographie d’un traître honorable. Paradoxal me direz-vous ? Lisez la chronique pour comprendre comment c’est possible.

Une biographie en construction

Se souvenir avant la fin dans Mibu Gishi Den
Se souvenir avant la fin dans Mibu Gishi Den

Le romancier Tirô Asada choisit de placer l’intrigue de Mibu Gishi Den au moment de la chute du célèbre gang du Shinsen Gumi. On suit l’un de ses membres, Yoshimura au moment où il trahit ses amis pour rejoindre son ancien clan dans un geste désespéré de survie. Hélas, son ancien maître refuse de l’intégrer et sa seule solution est le suicide. Chaque nouveau volume est l’occasion d’expliquer comment cet homme honorable se trouve dans cette situation si désespérée. Les tomes précédents nous ont montré la complexité de Yoshimura. Issu d’une humble condition, il a su gravir les échelons de la hiérarchie militaire à Shizukuishi dans le Nord du Japon grâce à ses qualités techniques et physique.

Cependant, le salaire d’instructeur étant trop faible et n’ayant connu que la misère, il a choisi de quitter son clan et de s’enfuir dans la capitale. Il a rejoint la milice du Shinsen Gumi où sa talent est vite repéré tout comme son avarice. Cependant, Mibu Gishi Den l’explique. Yoshimura se souvient de ses débuts difficiles et il ne peut gâcher ses revenus car il doit envoyer le maximum à sa famille. Sa révolte n’a pas commencé avec sa fuite mais elle débute pour une femme.Dans Mibu Gishi Den, Tirô Asada donne alors une vision bien moins glorieuse de ce rassemblement de ronins que dans la série Chiruran, également éditée par Mangetsu. En effet, pour la première fois, le lecteur découvre ce qui est arrivée à la famille Yoshimura. Restée au pays, elle subit l’opprobre. Son fils est moqué et même violenté par ses camarades.

Une nouvelle source dans Mibu Gishi Den

Le nouveau narrateur de Mibu Gishi Den
Le nouveau narrateur de Mibu Gishi Den

En effet, ce troisième volume de Mibu Gishi Den sort de la capitale pour décrire la famille de Yoshimura. On ne peut qu’être profondément ému en voyant comment Kan’ichirô a rencontré sa future épouse, tombant amoureux dès l’enfance. Pour réussir ce tour de force sans éviter le ridicule, le dessinateur Takumi Nagayasu impressionne par la finesse de son trait. Les visages reflètent la complexité des émotions. Il réussit à donner à une image plusieurs sens. Quand Yoshimura regarde ses pièces d’or, un regard extérieur y voyait le signe de son avarice dans le tome deux mais, dans ce volume, les pensées du samouraï montrent qu’il pensait alors aux avantages que cet argent apporterait à sa famille. La nature est toujours présente en arrière-plan élevant le récit d’un homme au rang de poésie épique. Mais, Nagayasu montre aussi magnifiquement l’organisation géographique d’une ville japonaise.

Mibu Gishi Den n’est cependant pas un récit linéaire. En effet, tous les évènements précédents sont des récits oraux qu’un journaliste a récupéré au début du XXe siècle. Jusqu’à présent, sa source était un tenancier de restaurant ayant fait partie du Shinsen Gum. Désormais, c’est à un ancien élève de Kan’ichirô Yoshimura, l’entrepreneur Sakuraba, de donner sa vision de ce samouraï. Il a donc connu le personnage principal de Mibu Gishi Den et c’est par lui que l’on découvre ce qu’il arrive à sa famille après sa fuite. Il apporte une vision sociale qui explique les motivations de Yoshimura et montre le choc des différentes périodes historiques mettant à jour l’évolution sociale du Japon. Au XIXe siècle, on pouvait se suicider pour avoir partagé ses sentiments amoureux. Au contraire, Yanosuke Sakuraba parle de politique et de démocratisation. Habillé d’un costume et vivant à l’occidental, il est devenu un notable alors qu’enfant, il refusait l’influence étrangère.

Si le premier tome montrait un fuyard prêt à tout pour survivre, chaque volume de Mibu Gishi Den renforce la complexité morale de la situation. Loin d’être un opportuniste, Yoshimura a simplement échappé à la domination sociale quitte à mentir à ses proches. Il ne cesse d’être tiraillé entre son devoir et son amour pour sa famille. La série devient une dénonciation de l’ordre ancien fondé sur un code de l’honneur absurde s’imposant à tous dès l’enfance.

Retrouvez les chroniques du tome un et de la suite de Mibu Gishi Den sur le site.