Traiter du handicap dans le monde du spectacle : la tâche n’est pas aisée. C’est pourtant le défi relevé avec brio par Mélodie Molinaro, François BORAND et Stéphane Corbin, les co auteurs de la pièce « Zourou, au delà des mots ».
Mélodie Molinaro signe également la mise en scène de « Zourou, au delà des mots ».
Par quoi commence cette histoire ? Pierre tient un petit bébé contre lui. Il est heureux. Il lui sourit et lui parle. Puis, un médecin entre dans la pièce et sans un mot, fait comprendre à Pierre que la mère du bébé n’a pas survécu à l’accouchement. Après plusieurs années, on se retrouve dans le quotidien de Pierre et de sa fille Lola, jeune adolescente handicapée et atteinte de sévères troubles du langage.
De l’espoir en papier
Nous allons suivre les séances de Lola et de Jérémy, nouvel orthophoniste, qui va passer par la magie de l’origami pour capter l’attention de Lola. Nous pouvons ainsi apprendre cette belle légende japonaise qui dit que si vous pouvez plier mille grues en papier, votre souhait se réalise.
Zourou au delà des mots : Lola avec Jérémy, en séance d’orthophonie.
Zourou est un spectacle délicat, sensible et subtil : le sujet est exploré de manière douce, tendre. La mise en scène est au service de l’évolution du personnage de Lola et utilise la magie du mapping pour illustrer, sans parole, l’univers intérieur de cette jeune fille. Ainsi, l’interprète Morgan L’Hostis, également danseuse, nous livre de très beaux moments chorégraphiés lorsque Lola est dans sa chambre : elle danse et derrière elle se déploie toutes les images prisonnières de sa tête, qu’elle ne peut exprimer avec des mots.
La danse est à l’honneur, tout comme la musique et le chant de certains comédiens, qui apportent une autre dimension sensorielle à ce spectacle.
L’interprétation d’une personne porteuse de handicap est un exercice périlleux, surtout quand une personne valide le joue. La caricature, le décalage sont des pièges. Certains grands acteurs ont déjà réussi ce pari : On pense à Leonardo Di Caprio, tout jeune dans Gilbert Grape (1993), ou Daniel Day Lewis, dans My Left Foot (1989), qui incarne le peintre Christy Brown, atteint de paralysie cérébrale et qui peint uniquement avec son pied gauche. Dans Zourou, au delà des mots, Morgan L’Hostis interprète avec subtilité et beaucoup d’émotion le personnage de Lola.
Les multiples facettes de la parentalité
La pièce explore d’autres thèmes, telles que l’exaspération et la fatigue des parents, à bout, qui parfois, oui, peuvent se mettre en colère, crier, prendre des décisions qui ne sont pas forcément les meilleures…
C’est tellement facile de fabriquer un enfant. et tellement difficile de l’elever.
Un autre personnage interagit dans la relation père/fille : Celui de Jeanne, la belle-mère. Le sujet des familles recomposées est d’actualité : 45% des mariages aujourd’hui finissent par un divorce. Alors comment trouver sa place dans une famille avec qui on ne partage pas le même sang ? La complexité est d’autant plus grande lorsqu’un handicap vient se greffer dans cette relation. Sophie Kaufman, qui interprète Jeanne, est lumineuse sur scène, très juste. Elle apporte l’apaisement et l’équilibre qui permettront à Lola et son papa de se comprendre, en allant au delà des mots.
« Zourou au delà des mots » se joue au théâtre de l’Episcène à 15h50 durant le festival d’Avignon off 2023.
Interprètes / Intervenants
- Mise en scène : Mélodie Molinaro
- Chorégraphie : Morgan L’hostis
- Interprète(s) : Morgan L’hostis, Xavier Lemaitre, Sophie Kaufmann, Tristan Garnier
- Interprète LSF : Pierre Zeltner-Reig
- Costumière : Cécilia Dellestre
- Scénographe : Sandrine Lamblin
- Créatrice lumière : Johanna Boyer-Dilolo
- Créateur vidéos : Kiss’n’fly
Compagnie Jardin sur Cour
Coproduction : Sésam’ Prod
Dernier article de Laëtitia GRIMALDI : « Eurydice aux enfers : Amour et Damnation » : https://www.justfocus.fr/spectacles/theatre-scene/eurydice.html