“ On voudrait que les femmes soient plus claires avec la violence. La justice rechigne à se pencher sur les histoires de viol qui ont l’air complexes. ” — Hélène Devynck, Impunité (2022)
Il aura suffi d’un tweet de First Mag pour faire basculer et orienter l’opinion. Dans l’affaire du footballeur Achraf Hakimi, l’exemple est frappant. Un outil rendu dévastateur sur la réputation d’une personne ou dans la formation d’un biais cognitif vis à vis d’une information.
À l’heure des nouveaux tribunaux en ligne qui condamnent sans attendre un quelconque jugement, les fake news pour décrédibiliser la parole des victimes et ériger une narration masculiniste sont légions. En seulement quelques jours, un tweet anodin et trompeur a été diffusé à grande échelle. Il prétendait que l’actrice espagnole Hida Abouk, l’ex-femme du joueur, cherchait à s’emparer de sa fortune, mais que celui-ci l’avait mise sous le nom de sa mère. Un récit orienté, débunké depuis, faisant suite à la mise en examen d’Achraf Hakimi dans une affaire de viol. En pleine procédure de divorce, Hida Abouk avait choisi « le camp des victimes ».
La bataille judiciaire et politique entre Johnny Depp et Amber Heard
Ce phénomène est d’autant plus préoccupant qu’il prend de l’ampleur. L’Affaire Johnny Depp / Amber Heard est édifiante à ce titre. Les fake news ont joué un rôle clé dans la décrédibilisation de l’actrice Amber Heard aux yeux du grand public. Et ce, malgré les faits avérés de violence de son ex-mari.
En février dernier, une enquête de la journaliste Cécile Delarue sur France Télévisions est revenue sur ce procès pour diffamation diffusé dans le monde entier. Surtout, elle révèle que le premier avocat de Johnny Depp avait relayé certaines informations à des streameurs et influenceurs masculinistes pour faire basculer l’opinion publique.
Le tweet de First Mag et la prolifération du discours masculiniste
Discours de la crise de la masculinité, le tweet du média ivoirien First Mag a réveillé ce qu’on pourrait définir aujourd’hui par du masculinisme.
First Mag est pourtant un média habitué des déclarations et des articles fallacieux, les supprimant dans la foulée.
Pourtant, en l’espace de quelques jours, pas moins d’une dizaine de milliers de commentaires et de réactions y ont été liés. Cette désinformation s’est propagée dans le monde entier. Théâtre du rayonnement d’un récit antiféministe, qui met en exergue la femme vénale et dépeint un modèle à suivre et une ruse nécessaire. Aussi, cela a complètement occulté l’affaire en cours, malgré des accusations très graves. Une réutilisation d’une affaire qui a permis, pendant plus de 48 heures, d’animer l’anonymat de la manosphère, un néologisme désignant les communautés dédiées aux hommes à la radicalité préoccupante.
En réalité, le phénomène du masculinisme et la nouvelle propagation d’un discours misogyne sur les réseaux sociaux interrogent. De fait, il est essentiel d’écouter et de protéger la parole des victimes, bien qu’il faille toujours respecter la présomption d’innocence. Au cœur des phénomènes clivants manipulant l’opinion, il est important de comprendre que cela affecte un public de plus en plus large. La vraisemblance de la désinformation étant grandissante.
Écriture collaborative avec Eléa Nominé & Lilian Martin.