Après avoir récupéré la franchise de Wes Craven l’année dernière avec Scream V, le duo Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (Wedding Nightmare) est de retour à la réalisation du sixième volet de la saga. Tandis que Neve Campbell a décidé d’abandonner son rôle phare, ce nouvel épisode ramène Melissa Barrera et Jenna Ortega sur le devant de la scène, ainsi que d’anciens membres des castings originaux comme Courteney Cox et Hayden Penettiere. Mais alors que vaut ce sixième retour de Ghostface ?
Scream VI : l’épisode le moins convaincant de la saga
Avec Scream V, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett se sont amusés à faire un sympathique requel du film original. Comme l’explique Mindy, le personnage de Jasmin Savoy Brown, dans Scream V, un requel est à la fois une suite (sequel en anglais) et un remake. Un procédé très à la mode en ce moment à Hollywood comme le prouvent des films comme Mad Max : Fury Road, Blade Runner 2049, Halloween ou encore Candyman, et dans lequel s’inscrit Scream V donc. On recommence du début, tout en conservant les événements du tout premier film.
En ça, Scream V était un joyeux jeu méta qui s’adressait aux fans hardcores de la licence. Et, malgré des critiques majoritairement négatives, votre serviteur qui écrit ces lignes, avait été largement séduit par la proposition de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett.
Malheureusement, Scream VI est sans aucun doute l’épisode le moins convaincant de la licence créée par Wes Craven en 1996. Surtout, parce que ce nouvel opus ne sait pas sur quel pied danser. A la fois plus sérieux et plus sombre, Scream VI n’arrive pas à s’affranchir de son héritage, ce qu’il aurait du faire. Parce que Scream VI est l’épisode avec le plus premier degré de la franchise. En ça, il perd l’identité qui faisait la saveur de la saga : à savoir un méchant maladroit, qui passe son temps à trébucher et se faire malmener par ses propres victimes.
La force principale et caractéristique de Scream, c’est son super-vilain caricatural, parodique, pastiche des slashers cultes comme Halloween et Vendredi 13. Wes Craven avait des années d’avance sur notre époque, en proposant un film d’horreur discrètement comique, méta, qui s’amusait avec les codes du genre pour les détourner, avec beaucoup d’humour malicieux et donc de second degré.
Le fait que Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett choisissent de laisser le second degré sur le pas de la porte est tout à leur honneur. Mais Scream VI n’assume pas totalement ce procédé. Le long-métrage n’est pas assez trash, pas assez sombre, pas assez violent. Et paradoxalement, il manque d’humour, d’ironie et d’espièglerie. Là où les situations sont propices à quelques gags qui découlent directement de la vision de Wes Craven (comme le passage sur l’échelle), Ghostface est malencontreusement trop sérieux. Et son humour mesquin est parti en fumé.
Ce faisant, Scream VI est une œuvre qui ne sait pas où se placer, dans quelle direction artistique s’inscrire, obligée de composer avec le poids d’une licence culte qui l’empêche de prendre des libertés. A cause de ce mariage malvenu, Scream VI est un cliché, reprenant les poncifs de la saga, sans se réinventer. Un comble pour une licence dont le leitmotiv est de jouer avec les clichés du genre.
Des bonnes idées pas exploitées
Pourtant, tout n’est pas à jeter dans Scream VI. Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett proposent quelques idées intéressantes, dont le potentiel n’est jamais totalement mis en valeur. La scène d’ouverture a quelque chose de savoureux. On retrouve la verve de la licence, et l’approche sournoise et familière de Ghostface. Lorsque le tueur au couteau assassine sa première victime et lâche sa punchline, la première surprise survient. Normalement, lorsque Ghostface lâche sa réplique, s’en suit le titre du film. Mais cette fois, le duo ne coupe pas, laissant le temps aux spectateurs de se questionner sur la nature de ce nouveau Ghostface le temps d’un plan assez long sur le masque ensanglanté du personnage.
Puis, le duo de réalisateurs décide de suivre l’antagoniste du film. Une première dans la licence. Et cette idée de prendre, pour la première fois, le point de vu du tueur est absolument géniale. Mais cette ébauche de concept est rattrapée par les codes de la licence dans lesquels s’enferment Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett. Le vrai Ghostface survient, et tue cet imitateur, laissant Scream VI retourner sur des chemins balisés. Dommage, parce qu’un film du point de vu du tueur, ou du prétendu tueur, aurait été une combine intelligente.
Autre exemple frustrant : la mauvaise utilisation de New York. A priori, quitter Woodsboro n’est pas une mauvaise idée sur le papier. Mais les deux réalisateurs n’utilisent jamais leur nouveau décor, qui n’apporte rien de plus en terme de tension ou de créativité spatiale.
Autre idée abandonnée en cours de route : l’utilisation des armes à feu par Ghostface. Là aussi c’est une première. Et la volonté de mettre une arme à feu entre les mains du célèbre méchant, connu pour ses meurtres au couteau, est là aussi une possibilité de faire évoluer la licence vers d’autres horizons. Tout en proposant, potentiellement, un réquisitoire contre le port des armes aux Etats-Unis. Mais là encore, ce point de vue meurt dans l’œuf.
A cause de ce potentiel inexploité, Scream VI est sans conteste l’opus le moins convaincant. Ni flippant, ni gore, ni drôle, ni parodique, c’est surtout un film plat, ennuyeux, qui souffre d’un terrible ventre mou au milieu, pâle copie d’une licence pourtant si farceuse. Si Ghostface ne trébuche plus, le film lui, se casse la gueule.