“ L’art de l’affiche de cinéma est de réduire en une image ce que le metteur en scène a réalisé en 350 000 ” — Stanley Kubrick
Bienvenue dans notre galerie lugubre consacrée aux affiches officielles françaises du cinéma d’horreur américain !
Si vous êtes un fervent amateur de films d’épouvante ou tout simplement curieux de découvrir les visuels les plus fascinants du genre, vous êtes au bon endroit. Nous avons minutieusement sélectionné les affiches les plus singulières sorties en France. Ces véritables œuvres d’art ont joué un rôle majeur dans la renommée et la réputation des films qu’elles représentent. Elles ont également servi de support de storytelling visuel, prémisse d’un marketing incontournable. Ici, vous aurez l’opportunité de découvrir, dans l’ordre chronologique, quelques visuels parmi les plus marquants et les plus mémorables du genre.
En plongeant dans les souvenirs cinématographiques, vous découvrirez comment l’horreur a influencé notre imaginaire collectif et nourri notre fascination pour les images terrifiantes et obsédantes.
1. Rosemary’s Baby (1968)
Rosemary’s Baby présente une affiche iconique et déconcertante, une véritable œuvre à part entière. Le visage de Mia Farrow, semblable à un soleil couchant, est l’élément central qui domine la quasi-totalité de l’espace. Les designers graphiques Philip Gips et Stephen Frankfurt ont travaillé sur une distorsion d’échelle en créant un visuel métaphysique et novateur bien éloigné des conventions de l’époque. Auteurs d’une véritable icône, ils ont conçu un visuel évocateur et atmosphérique. Tout juste, cette affiche ne représente pas une scène spécifique du film, mais plutôt une interprétation symbolique de ses thématiques : la maternité, la paranoïa et la peur. Cette approche, controversée à l’époque, a influencé l’art de l’affiche de cinéma. Parallèlement, le choix d’un landau perché, suggérant un basculement dans le vide, en fait une image à la fois subversive et intemporelle.
Entrée dans le patrimoine du cinéma, l’affiche de Rosemary’s Baby est un symbole et une référence graphique de l’horreur psychologique, à l’instar de l’héritage dense du long-métrage. Il est important de noter qu’à la sortie française, une autre affiche créée par Michel Landi a été déployée. Celle-ci est très recherchée par les collectionneurs.
2. Les Dents de la mer (1975)
Vous savez probablement que le premier blockbuster moderne est une adaptation d’un best-seller du journaliste Peter Benchley. Aussi, il emprunte sa couverture thalassophobique.
Au cours des seventies, les couvertures de livres sont devenues un terrain propice à l’expérimentation pour les arts graphiques et le marketing. Afin d’accompagner un éventuel succès et de monopoliser l’attention des médias, la maison d’édition Doubleday a cherché une illustration obsédante. Après des mois de croquis infructueux, l’éditeur fait appel à Paul Bacon, qui deviendra un pionner du minimalisme. Une couverture funèbre et épurée se dévoile alors, dans un noir et blanc saisissant. Une nageuse en maillot flotte dans un océan noir, proie d’un grand requin blanc. Le choc dans l’imaginaire collectif est immédiat.
De concert, et à mesure des premiers tirages, les studios Universal vont alors acquérir les droits. Steven Spielberg exigera une trame centrée sur la figure du monstre, élément clé du suspense. Dès lors, il est décidé de reprendre le visuel pour réexploiter son potentiel iconographique. L’artiste Roger Kastel s’inspirera des modèles grandeur nature des grands requins blancs du NMNH. Le résultat est bluffant de terreur et de précision. Surtout, l’illustrateur décide de s’affranchir de la noirceur pour créer une menace à la lumière du jour, devenant d’emblée la nouvelle couverture.
Un autre élément fondateur est la nudité apparente de la baigneuse. L’outrance du storytelling visuel de Roger Kastel fera l’objet d’interdiction dès les premières publications de la nouvelle édition du roman. De fait, elle servira d’expérimentation promotionnelle pour finalement devenir l’affiche officielle du film. Un visuel si influent et impactant qu’il aura des retombées regrettables. En effet, il contribuera à créer une peur irrationnelle qui influera sur la protection des requins. Ce constat soulève la question du pouvoir du mercatique dans la culture populaire, un effet collatéral reconnu et déploré par Spielberg et Benchley.
3. Alien, le huitième passager (1979)
Onze ans plus tard, après avoir propulsé la culture iconique contemporaine avec l’affiche du chef-d’œuvre horrifique de Roman Polanski, Philip Gips et Steve Frankfurt ont cherché à réutiliser un élément clé du récit : l’œuf du Xénomorphe. Tout en préservant le caractère métaphysique de leurs travaux, les graphistes ont choisi de se concentrer sur l’œuf qui symbolise à la fois la naissance et la mort. De fait, dans l’obscurité spatiale qui l’entoure, il devient l’origine de la menace. L’évocation parsème subtilement le visuel avec un nid en contrebas semblable aux sièges d’un cinéma, associé à un slogan incantatoire. L’illustration suggère ainsi une expérience collective immersive et claustrophobique.
Il est à souligner que l’affiche a contribué au succès planétaire du film, notamment grâce à la décision de ne pas révéler la créature, une intention omniprésente dans le métrage de Ridley Scott. En outre, les graphistes ont voulu introduire l’univers surréaliste et biomécanique de H.R. Giger, qui a largement influencé l’esthétique sidérante du film en conceptualisant la créature et de nombreux décors. Les peurs primales de l’humanité sont omniprésentes dans Alien, le huitième passager et l’illustration les invoque minutieusement, de la peur des grands espaces à celle du noir et de l’inconnu. À la fin, l’affiche reste un modèle de transmission de l’essence d’un film à un public mondial.
4. Freddy 3 : Les Griffes du cauchemar (1987)
Conçue par l’affichiste français Laurent Melki, l’illustration s’inscrit pleinement dans la lignée de l’imagerie singulière et onirique du croque-mitaine Freddy Krueger. Outre-Atlantique, c’est l’artiste Matthew Joseph Peak, à qui l’on doit les cinq affiches des eighties, qui est à l’origine du style graphique. Pourtant, le travail de Melki est sans pareil. À la jonction de l’empreinte visuel surnaturel de la franchise, des aquarelles iconiques de Peak et arborant les griffes en relief du premier visuel hexagonal, l’illustration arbore un brillant alliage aux couleurs perçantes. De fait, en associant les codes visuels emblématiques de la franchise avec une touche fantasmagorique et indisciplinée, l’affiche de Laurent Melki est une œuvre artisanale qui va au cœur de l’imaginaire baroque d’Elm Street.
En bas de l’affiche, on peut discerner un lit encerclé par une brume rougeâtre, où un adolescent est captif, écartelé par le monstre des mauvais rêves. Cet aperçu macabre et halluciné est une allégorie des fantasmes juvéniles entre rêve et réalité. Melki a révélé qu’il s’était placé lui-même sur le lit en prêtant ses traits au jeune homme. Son utilisation des points de fuite, donnant de la profondeur à l’arrière-plan, crée une image captivante qui rappelle la mainmise du croque-mitaine sur les songes de ses victimes. Le travail de Melki résonne dans le monde de l’affiche de cinéma, en particulier dans la décennie bariolée du cinéma d’horreur. De fait, Les Griffes du cauchemar sera le plus grand succès de la franchise en France.
5. Le Silence des agneaux (1991)
L’affiche emblématique du thriller horrifique Le Silence des Agneaux a été élaborée par Dawn Baillie juste avant qu’elle ne co-fonde l’une des plus grandes agences de marketing de l’entertainment, BLT Communications. L’approche totalement inédite de l’illustration a propulsé la carrière de sa créatrice. Conçue à partir du scénario, l’illustration, représentant le visage pâle de Jodie Foster avec la bouche couverte d’un papillon de nuit, évoque le mystère de l’âme humaine et les non-dits. L’illustratrice a su travailler l’essence du film, n’ayant que le script en sa possession, en créant un portrait iconique et lancinant. Un regard qui invite au saut dans l’inconnu à l’instar du film explorant la manipulation psychologique, la complexité des affects, des pulsions et des traumatismes. De fait, c’est l’une des affiches les plus énigmatiques outre-Atlantique en raison de son aisance dans la construction de son symbolisme, attirant le regard et initiant un affrontement psychologique avec le spectateur, une confrontation au centre de l’intrigue.
De même, Dawn Bailli a réussi à contourner la censure en créant une impressionnante illusion d’optique peinte à la main, avec des corps de femmes surréalistes assemblés pour former un crâne qui représente les obsessions du tueur en série. Le papillon orange, emprunté au National Museum of Natural History, se détache du dégradé rougeâtre des yeux brillants de l’actrice jusqu’à la typographie du titre. L’impact de l’affiche sur le public au début des années 90 a été immense, créant une véritable obsession. Cette illustration est l’une des dernières à avoir été pensée par une seule personne, les artistes bénéficiant alors d’une grande liberté artistique de la part des studios. Cependant, avec la démocratisation des équipes de marketing dans l’industrie, l’innovation visuelle est devenue de plus en plus difficile et compétitive.
Pour aller plus loin…
Poster House et les Clio Entertainment Awards s’associent pour explorer les affiches les plus emblématiques du cinéma, avec la participation de Dawn Baillie.