Terrarium tomes 1 à 4 : à toi, dans deux mille ans…

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Terrarium constitue la première série de Yûna Hirasawa à paraître en France. Explorant de nombreux genres littéraires, pouvant passer de la tranche-de-vie autobiographique (Boku ga watashi ni naru tame ni) au récit de guerre (Shirayuri wa shô ni somaranai) ou à la fantasy (Ryûi no Luca) avec une totale aisance, la mangaka nous livre avec cette tétralogie un récit de science-fiction où la mélancolie le dispute à la philosophie.

L’histoire

Quelque part dans le futur, le monde connu périclite et l’humanité semble toujours plus se rapprocher de l’extinction. Une jeune fille et son frère parcourent ensemble les ruines de colonies fantômes où des robots poursuivent inlassablement leurs tâches.
Chico, technologue d’investigation, et Pino, robot étrangement humain, tentent d’accompagner ces machines dans leurs derniers souhaits. Mais leur objectif est également de collecter des données en vue de contrer l’effondrement qui s’annonce… et de retrouver leur mère, disparue lors de cette même quête. Parviendront-ils à la trouver la « clé » qui sauvera cette humanité moribonde ?

Terrarium : la science-fiction e(s)t l’avenir

Il y a quelques mois, le premier tome de Terrarium s’était imposé comme un coup de cœur unanime au sein de la rédaction. Les volumes suivants poursuivent agréablement cette entreprise de séduction.

Le trait de Yûna Hirasawa peut paraître simple à première vue, mais il est d’une grande précision. L’attention portée aux designs mécaniques et au décor, au détriment parfois des corps humains, souligne le propos de fond du manga : à une époque où la technologie est si avancée, existe-t-il encore une différence entre humains et robots ? Qu’est-ce qui les sépare… ou au contraire les unit ?

Ce contre-pied graphique pourrait donc déstabiliser les amateurs de la grandeur et des détails à foison que l’on retrouve dans les mastodontes de la SF comme Akira, Gunnm, ou le tout dernier (enfin!) arrivé, Five Star Stories. Mais Yuna Hirasawa s’en sert justement pour repousser les limites, celles de l’univers mecha, en faisant fusionner machines et humains, comme celles de la tranche-de-vie.

En effet, si le manga démarre doucement, avec des personnages explorant des colonies en ruines en se chamaillant comme tant de frères et sœurs, la tragédie n’est jamais loin. Les échos d’une guerre se font entendre et se reflètent dans les corps abîmés des robots rencontrés par Chico et Pino. Nous avons alors l’étrange impression de percevoir les souvenirs d’un futur auquel l’humanité réelle pourrait bien prétendre…

Terrarium : des robots très humains, et des humains au cœur de robot

Terrarium s’inscrit dans un monde régi par l’arcologie. Ce concept imaginé par l’architecte Paolo Soleri (1919-2013) fait se rencontrer architecture et écologie, pour imaginer des villes gigantesques et autosuffisantes en énergie. Très prisée dans la science-fiction, l’arcologie nous met en tête des images de villes verticales, tout à la fois saturées de technologies et fondues dans leur environnement. Yûna Hirasawa démontre ici une parfaite maîtrise de son sujet, et nous en dévoile les plus infimes rouages tout au long des quatre tomes. Mais à l’image de ce qu’il se passe dans Harmony, œuvre du génial et culte Project Itoh, le monde de Terrarium donne à voir la fin de cette utopie où toutes les frontières se brouillent.

Chico et Pino sont en quête d’une solution quasi miraculeuse pour éviter l’effondrement de l’arcologie. Mais cette « clé » et les révélations qui l’accompagnent pourraient bien tout remettre en question. Un système hiérarchique pyramidal se dévoile, tandis que ces « nouveaux humains » sont confrontés aux ombres de ce qu’ils ont été. Il n’y a a lors qu’un pas à franchir pour parvenir ç cette ultime question : qu’est-ce qu’être humain ? Les différentes rencontres que feront Chico et Pino viendront bousculer leurs certitudes, tout autant que les nôtres.

Terrarium s’inscrit par conséquent autant comme un manga de science-fiction que comme une réflexion philosophique sur l’anthropie. Il résonne, avec force, avec l’époque dans laquelle nous, lecteurs, vivons. Ainsi, nous retrouvons à travers les lignes du récit de Hirasawa, l’écho des ambitions (construire un futur harmonieux entre l’Homme et la Nature) et des terreurs (effondrement climatique et sociétal, transhumanisme délirant) du monde actuel. C’est bien là ce qui fait la puissance et la profondeur de cette (trop) courte série.

Une fois n’est pas coutume, les éditions Glénat nous offrent avec Terrarium un manga qui transcende l’œuvre littéraire et flirte avec l’essai philosophique. Un galop d’essai français réussi pour Yûna Hirasawa, font nous espérons bientôt lire les autres œuvres ! Si l’envie vous en dit, découvrez un extrait sur cette page !