La quatrième de couverture du tome dix de Chiruran l’annonce : nous allons assister à la dernière bataille du premier leader du Shinsengumi, Kamo Serizawa. Mais comment le clan Kondô affaibli va-t-il résister ?
Un combat décisif sans cesse repoussé
Ce volume est au départ une succession de frustrations. Dans les premières pages de Chiruran, Toshizô Hijikata affronte Kamo Serizawa. On croit assister au moment décisif de Chiruran mais c’est un piège tendu par le scénariste Shinya Umemura au lecteur car le véritable combat arrive ensuite. Au milieu du volume, le clan Kondô planifie une attaque dans le quartier des plaisirs, Shimbara. Le lecteur pense retrouver le cocktail très réussi du tome huit de duels et d’attaques groupée. Keisuke Yamanami veut proposer une stratégie collective complexe pour atteindre Kamo et battre les sept démons du Mito Tengu-to mais Toshizô Hijikata s’y oppose au nom de l’honneur. A notre grande surprise, ce volume aboutit à une succession de duels. On pense alors à un jeu vidéo de baston quand il faut battre plusieurs adversaires avant d’atteindre le boss de fin de niveau mais encore davantage à des championnats par équipe d’un sport de combat. On se prend même à compter les points.
Par le talent du dessinateur, les scènes de combats de sabre si souvent lues prennent une nouvelle dimension dans Chiruran. Eiji Hashimoto modifie à merveille les expressions en une case : un ange devient un démon, un héros un pleutre, un enfant se métamorphose en titan. Chaque combat est l’occasion de mettre en scènes des techniques délirantes : un démon utilise une poudre pour obtenir plus de puissance tandis qu’un combattant possède un sabre invisible. Son attaque rapide taillade son adversaire et le sang gicle par trainée. Ces combats permettent également de découvrir le passé de chacun comme lorsqu’un disciple affronte son ancien maître.
A triompher sans gloire…
Depuis plusieurs chapitres, la série Chiruran se focalise sur le camp du mal. La morale a disparu au profit de la lutte pour la survie ou le pouvoir. Les alliances ne reposent pas sur l’honneur mais l’intérêt. Dans le tome précédent, on assistait à l’affrontement de deux pervers où le camp du bien n’hésite pas à oublier les règles. De plus, par le passé de Niimi, on découvrait qu’un enfant innocent prenait plaisir à faire mal à cause de la guerre. Dans ce tome, c’est au tour de Kamo Serizawa d’être mis en avant comme le montre la couverture. Le lecteur profite d’un nouveau portrait de méchant très réussi. On découvre également son passé. Dès la naissance, il est doté d’une force unique et aime faire souffrir les autres. On est très loin de l’enfant innocent. Une fois adulte, sa force et sa vitesse figent ses adversaires. Cependant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est pas qu’une brute. Issu de la noblesse d’épée, il a lu les livres de base du confucianisme et a appris seul une langue étrangère. Quand, à treize ans, il élimine la plus grande troupe de bandits de la région, on pourrait croire qu’il suivrait son père dans la voie du samouraï. Néanmoins, très rapidement, ce fils aisé se lasse de cette vie car tout est trop facile. Sa force sans commune mesure devient un obstacle car il est seul et déprime. Le pouvoir le désintéresse. Malgré ce passé, Kamo estime qu’il ressemble beaucoup à Toshizô. Chacun est en quête d’excellence dans son art de guerrier mais cette quête ne peut aboutir qu’à une fin tragique. Ce sont tous les deux des samouraï perdus dans une société qui ne veut plus d’eux. Pour ce grand patron du gang rival, la société moderne n’a que faire de combattants.
Dans ce dixième tome de Chiruran édité par Mangetsu, le lecteur prend un plaisir fou à suivre ces combats car on ne sait jamais qui va survivre. C’est encore plus prenant car le rendu graphique est splendide. Il découvre aussi une nouvelle figure du mal très réussie mais attend fébrilement de savoir qui atteindra Kamo dans le tome suivant.
Vous pouvez retrouver les débuts de la série sur ce lien ainsi que Butterfly Beasts, une série se déroulant aussi dans le quartier des geishas.