Depuis août 2019, lanovel-édition s’est lancée dans une aventure audacieuse : publier en France des Light Novel japonais. Ces ouvrages destinés à un jeune lectorat, courts (pas plus de 50 000 mots), accompagnés d’illustrations restent encore confidentiels en France. Nous avons déjà chroniqué une des précédentes publications, Ascendance of a bookworm dont vous pouvez retrouver ici la critique. Nous allons ici nous intéresser à Infinite Dendrogram, une série en 8 volumes sur le monde des jeux vidéos dont nous avons pu lire le premier tome.
Immersion en terre inconnue
2043, dans un futur proche, le monde des MMO en réalité virtuelle est en ébullition. Vient de sortir en effet le jeu ultime « Infinite Dendrogram ». Ses créateurs ont promis aux joueurs une immersion totale jamais vue auparavant grâce au système de « l’embryo ». En quelques semaines, le jeu balaye tout ce que la concurrence a pu offrir. L’expérience de jeu est unique, les joueurs se connectent en masse, séduits par ce jeu qui non content de stimuler nos sens, fonctionne comme un village global en constante évolution. Et pour compléter le tableau, la création de personnages ne possède aucune limite tandis que les interactions entre joueurs et P.N.J modifient en permanence l’univers.
C’est à cette expérience unique que décide de se confronter le héros de ce Light Novel, Rejii Mukodori. Installé récemment pour ses études à Tokyo, il choisit d’occuper son temps libre en rejoignant dans ce monde virtuel son frère qui a été parmi les premiers à plonger dans Infinite Dendogram. Ce qui ne devait être qu’une expérience passagère devient rapidement une nouvelle vie où Reiji explore dans un monde aux potentialités infinies et où le jeu cache des enjeux plus grands.
Infinite Dendrogram : du côté de Ready player One et de Tron
Difficile de proposer une fiction originale sur les M.M.O quand existent déjà Ready Player One, Shangri-La Frontier ou Sword Art Online. L’auteur Kaidou Sakon construit cependant un univers virtuel qui malgré ses influences restent cohérents et surprenants. Il s’inspire en effet beaucoup de Ready Player One (le film et le livre) en « upgradant » la notion d’univers étendu et de syncrétisme culturel. Les joueurs apportent des styles, des ambiances différentes, dès ce premier volume, qui étendent l’univers des possibles.
L’autre point intéressant concerne la place accordée aux Intelligences Artificielles. Celles-ci sont traitées presque à l’image de joueurs humains : elles souffrent, rêvent, réfléchissent, évoluent au gré des interactions avec les joueurs. Ceci donne aux P.N.J du jeu toute leur originalité avec une différence notable : leur mort est définitive dans le monde virtuel. Une jolie inversion des rôles qui n’est pas sans rappeler le classique du genre Tron.
De l’action et une mythologie dense
Ce premier opus n’est pas avare en scènes d’action. L’auteur nous offre en effet une série de quêtes typiques des M.M.O à travers lesquelles nous découvrons avec notre héros le fonctionnement de ce monde. De monstres en villes, Rejii/Ray construit sa propre légende. Joueur novice, ses actes imprègnent la toile de ce monde en construction perpétuelle. Or comme celui-ci laisse l’imagination créer en permanence, les adversaires, quêtes sont surprenantes, uniques puisque puisant dans des références multiples.
En donnant au P.N.J un vie finie, l’auteur construit une géographie particulière à son œuvre. Les P.N.J sont les vrais habitants de ce monde dont le quotidien est perturbé par des monstres et également par les joueurs humains. Ils représentent un pan de la mythologie de ces terres virtuelles et lorsqu’ils disparaissent, c’est toute une partie de l’histoire qui s’efface. Un constat qui n’a pas suscité, modifié l’attitude des joueurs humains jusqu’à l’arrivée de Ray. Celui-ci est amené à devoir choisir entre sa volonté de triompher du jeu en en découvrant ses failles ou préserver les intérêts des P.N.J.
Infinite Dendrogram : un exercice de style imparfait
Ecrire sur le monde des M.M.O reste un défi difficile à relever comme le montre le roman Ready Player One. La difficulté est encore augmentée quand on compare ce Light Novel aux mangas tels Shangri-la Frontier ou Sword art online qui s’appuient sur les dessins pour donner sens au texte. Or, d’un point de vue graphique, Infinite Dendrogram s’appuie sur des dessins très efficaces, beaux, qui aident le lecteur à s’immerger dans l’univers. Soulignons aussi la grande qualité des couvertures. Là où le bât blesse c’est dans le style d’écriture de l’auteur. Celui-ci a beaucoup à nous dire et à nous faire ressentir, mais son Verbe est un peu lourd.
Le choix d’écrire à la première personne est excellent pour nous faire ressentir la découverte. Mais le narrateur/personnage manque de lyrisme pour nous faire découvrir la profondeur du monde. Cela se ressent dans les scènes de combat où l’auteur adopte un ton très technique, digne d’un joueur, mais qui peine à faire ressentir l’épique des situations. Les descriptions demeurent vagues, superficielles ce qui nuit à l’implication du lecteur. On sent toute la limite du format Light Novel qui cherche à aller à l’essentiel au risque de produire des textes assez froids et désincarnés.
Infinite Dendrogram a néanmoins des atouts pour plaire à un certain public : l’univers, le système virtuel, le point de vue sur la mort. Gageons que dans les volumes suivants, l’auteur saura accompagner avec davantage de lyrisme une histoire qui mérite le coup d’œil. Si vous êtres amateurs, amatrices, de ce genre d’histoire, nous vous conseillons de vous plonger dans la lecture du manga Shangri-La frontier.